« Mone gagne plis seki mo ti demandé » : Le ministre Husnoo a-t-il menti ?

  • Il aurait en fait réclamé Rs 16, 1 millions, comme estimé par son évaluateur, ainsi que les intérêts et les frais légaux
  • Le terrain acquis à Rs 19 millions alors qu’une portion représentant moins d’un quart de la superficie totale vendue à Rs 15 millions un an après !

« Mone demane moins kisa. Mone gagne plis seki mo ti demandé. It was more than I expected !». C’est ce qu’a martelé le ministre Anwar Husnoo, jeudi.Dit-il la vérité ou tente-t-il de mener la population en bateau ? Selon le rapport de l’évaluateur indépendant, Ramrekha & Patten, dont il avait retenu les services, il ressort que la valeur du terrain acquis et la perte en valeur du terrain restant était estimée à Rs 16, 1 millions au total. C’est en fait cette somme,ainsi que les intérêts et les frais légaux qu’Anwar Husnoo aurait réclamée. Donc, plus que les Rs 15 millions reçues, contrairement à ce qu’il a laissé entendre… 

C’est en août 2013 qu’Anwar Husnoo a acheté ce terraind’une superficie de 4 093 m2, soit 0 970 arpent, situé à Trianon pour la somme de Rs 19 millions. Et c’est un an plus tard, soit en septembre 2014 que l’État a décidé d’en acquérir une portion, soit 897 m2, sous la ‘Compulsory Land Acquisition’ dans le sillage du projet Metro Express. Dans une lettre en date du 30 septembre 2014, le directeur de l’Évaluation a estimé la compensation payable relative à cette portion de terrain à Rs 6, 375, 000. Ce qui équivaut à un taux de Rs 30 millions par arpent. Ce montant est toutefois contesté par Anwar Husnoo qui a alors retenu les services d’un évaluateur indépendant par le biais de son homme de loi. Le travail d’évaluation est ainsi confié à Ramrekha et Patten, ‘Chartered Valuation Surveyors’.

Dans son rapport préliminaire soumis le 3 avril 2017, l’évaluateur indépendant, Gavin Patten, estime la valeur du terrain acquis à Rs 8, 5 millions alors que la perte de la valeur du terrain restant est, elle, estimée à Rs7, 6 millions, soit un montant global de Rs 16, 1 millions (voir document). Dans un deuxième rapport soumis le 2 mai 2017, Gavin Patten maintient son évaluation à Rs 16, 1 millions excluant les intérêts et les frais légaux. Selon nos informations, Anwar Husnoo aurait ainsi réclamé à l’État la somme deRs 16, 1 millions,ainsi que les intérêts et les frais légaux. En d’autres mots, le montant qu’il avait demandé est supérieur aux Rs 15 millions, incluant les intérêts et les frais légaux, qu’il a reçues. Et ce contrairement à ce qu’il a dit en soutenant que « mone gagne plis seki mone demandé ».

 Qui ment ?

Il nous revient aussi que, contrairement à ce que prétend Husnoo à l’effet que c’est la « juge de la Cour qui a décidé de ce montant pour la compensation », les Rs 15 millions qu’il a reçues feraient suite à un ‘settlement’ entre les parties concernées, soit entre Anwar Husnoo et le Parquet, et qui aurait été ratifié par le Board of Assessment. D’où l’award émis par l’AssessmentBoard. Sinon, comment expliquer que le ministère du Logement et des terres n’ait pas contesté le montant fixé par l’AssessmentBoardsi ce dernier a effectivement accordé un montant supérieur à ce que le ministre de la Santé avait réclamé ?Eneffet, selon la section 18(5) de la Compulsory Land Acquisition Act, ilestclairementstipulé que « where a claim for compensation under section14(1) specifies the amount to be paid as compensation, no award shall be made which is in excess of the amount claimed».

À la lumière de cette loi, nous arrivons à deux conclusions : (1) soit le ministre Anwar Husnoo a menti en soutenant qu’il avait demandé un montant inférieur à ce qu’il a obtenu ; soit le ministère du Logement et des terres a fauté en acceptant un ‘award’ dont le montant de la compensation est «  inexcess of the amountclaimed » tel que préconise la loi. À la lumière de cette loi, nous arrivons à deux conclusions : (1) soit le ministre Anwar Husnoo a menti en soutenant qu’il avait demandé un montant inférieur à ce qu’il a obtenu ; soit le ministère du Logement et des terres a fauté en acceptant un ‘award’ dont le montant de la compensation est « in excess of the amountclaimed » tel que préconise la loi.

 

La valeur du terrain a augmenté par 68% en un an !

Le ministre Husnoo a expliqué avoir obtenu Rs 6, 8 millions pour les 897 m2 que l’État a acquis et Rs 4, 8 millions pour la perte en valeur du terrain restant. Un simple calcul nous permet de conclure que la valeur du terrain a été estimée à Rs 32 millions par arpent. La façon dont l’évaluation du terrain a été faite suscite également des interrogations. Comment se fait-il que la valeur du terrain est passée de Rs 19 millions par arpent en 2013 à presque Rs 32 millions/ arpent un an plus tard, soit une hausse approximative de 68% ? Y a-t-il anguilles sous roche ? Certains observateurs se demandent d’ailleurs s’il n’y aurait pas eu une sous-évaluation au moment de l’enregistrement du terrain en 2013. Ce qui constituerait un délit selon le code pénal. À moins que le Registrar ait exigé une réévaluation du terrain et qu’il y ait eu le paiement éventuel d’une ‘additional land transfertax’. Au cas contraire, il y aurait bien là matière à poursuite.

Fast Track ?

Le dossier du ministre Anwar Husnoo a-t-il été traité sur une base ‘fast track’? Il semblerait que oui. En effet, un sentiment d’injustice anime ceux qui luttent depuis plus d’une dizaine, voire une quinzaine d’années, afin d’obtenir une compensation adéquatesuivant l’acquisition obligatoire de leurs terrains. D’autant que leur réclamation est nettement inférieure à celle obtenue par le ministre de la Santé. Ces « victimes » soutiennent avoir eu recours à tous les moyens disponibles, en dépensant des sommes faramineuses, en vue d’obtenir réparation. Très souvent, les appels en cour Suprême se soldentpar un jugement réclamant un nouvel exerciced’évaluation par le ‘Board of Assessment’, ce qui équivaudrait donc à une spirale sans fin. Or, le dossier d’Anwar Husnoo aurait, lui, été traité et classé en un temps record, selon ces mêmes victimes.

Volte-face de Husnoo :

« Je maintiens que ma demande ‘initiale’ était moins de Rs 15 millions »

« Je maintiens que ma demande initiale était moins de Rs 15 millions », affirme Anwar Husnoo. Pressé de questions, il finira cependant par avouer qu’il y avait bien eu une autre réclamation. Il jette toutefois le blâme sur son ancien conseiller Shaffick Cassim. « Quand le gouvernement n’a pas accédé à ma demande initiale, soit le montant que j’avais demandé ou un autre terrain, j’ai décidé d’avoir recours au Board of Assessment. J’ai alors donné une procuration à mon ancien conseiller Shaffick Cassim pour qu’il s’en occupe. C’est lui qui s’est chargé des négociations », explique le ministre de la Santé. N’était-il donc pas au courant des démarches et négociations qui étaient en cours ? « They told me about certain things », répond-il, laissant ainsi entendre qu’il n’était pas complètement étranger à la réclamation de Rs 16, 1 millions, excluant les intérêts et les frais légaux, qui avait été faite. Et de conclure : « Si le gouvernement ti accepté mo demande initiale, pas ti pou énatou sala ».

 

  • Zahirah RADHA