[Questions à…] Dr Arvin Boolell, leader de l’Opposition : « La bonne foi aurait dû prévaloir concernant la suspension des trois députés »

Propos recueillis par Zahirah RADHA

Q : Qu’est-ce qui explique le refus de l’Opposition de rentrer au Parlement mardi dernier en raison de la non-révision du ‘seating arrangement’, alors qu’il ne restait plus que deux dernières séances ?

Nous avons demandé la révision du ‘seating arrangement’ pour deux raisons : l’une parce que l’ancien Speaker a agi avec mauvaise foi. Cela a toujours été sa philosophie et son approche envers nous. Maintenant qu’il y a un nouveau Speaker, il fallait qu’il le revoie. Et ensuite, que nous le voulions ou pas, il y a des pourparlers entre Xavier Duval et le MSM pour conclure une alliance. Puisqu’il se trouve entre le marteau et l’enclume, nous avons demandé que l’opposition soit assise en cluster pour que chaque groupe puisse conserver sa spécificité.

C’est pour ces raisons que nous avons écrit une lettre au Speaker pour lui demander de faire diligence. J’étais étonné qu’il ait utilisé le mot « consensus ». D’ailleurs, la moindre des choses aurait été que le Speaker convoque les leaders des différents partis de l’opposition pour en discuter avant, afin de trouver un modus operandi. Il aurait dû privilégier le dialogue, même s’il n’avait pas pris de décision immédiate. Mais sa lettre démontre qu’il a suivi des instructions venues d’ailleurs. Cela ne lui fait pas honneur, d’autant que ce qui est contenu dans la lettre n’est pas justifié. Un Speaker doit se montrer indépendant.

Q : Il a néanmoins revu certaines décisions prises par son prédécesseur…

Ce qui donne raison à l’Opposition ! Nous avons systématiquement dénoncé ces mesures, que ce soit l’accès au Parlement ou le refus de permettre les questions parlementaires sur les collectivités locales, à travers des conférences de presse et autres. N’oubliez pas que les fonds alloués aux collectivités locales proviennent essentiellement du « consolidated fund », donc des caisses de l’État. Il est donc primordial qu’il y ait de la redevabilité.

Q : Pensez-vous qu’il soit justifié que le cas des trois députés suspendus ait été référé au DPP, puisqu’ils affirment avoir reçu une convocation pour être présents au Parlement ?

Écoutez, ils ont eu l’ordre du jour et ils sont venus. Je ne prends pas à la légère ce que l’ancien Speaker Ajay Daby a dit, tout comme d’autres personnes ayant un bagage légal l’ont fait. On ne peut pas empêcher un parlementaire d’exercer son droit constitutionnel de voter. Or, il devait y avoir l’élection d’un nouveau Speaker ce jour-là. Est-ce que cette élection a été faite dans la légalité ? Il y a diverses opinions à ce sujet. Et puis, ce qui est légal n’est pas forcément légitime. Raison pour laquelle je maintiens que le Deputy Speaker Zahid Nazurally aurait dû être appelé à présider les quelques séances qui restent. Il était un candidat consensuel.

Q : Qu’en est-il du choix du nouveau Speaker lui-même ?

On se souvient tous de la PNQ sur Kistnen adressée par Xavier Duval au Premier ministre en octobre 2022. Ce dernier avait fait des attaques personnelles contre Adrien Duval, en parlant de cover-up. C’est grave ! Ce n’est absolument pas normal qu’un Premier ministre nomme au poste de Speaker de l’Assemblée nationale quelqu’un qu’il a lui-même accusé de cover-up. Cela ne se fait dans aucune démocratie au monde. À moins que le Premier ministre n’ait présenté des excuses en avouant qu’il avait fait une entorse. Or, ce n’est pas le cas. Ce qui montre clairement qu’il y a des pourparlers en cours entre le PMSD et le MSM, et qu’Adrien Duval n’est qu’un nominé politique.

Q : Que va faire l’Opposition cette semaine ? Va-t-elle retourner au sein de l’hémicycle pour cette dernière séance avant les vacances parlementaires et possiblement la dissolution de l’Assemblée nationale ?

Nous avons envoyé une lettre au Leader of the House, soit Steve Obeegadoo, en l’absence du Premier ministre du pays, pour lui demander de revoir la suspension des trois parlementaires, puisque l’ancien Speaker avait agi de façon arbitraire. Il a soutenu qu’il doit en parler au Premier ministre. N’oubliez pas que cette sentence a été donnée dans des circonstances douteuses. Le gouvernement a lui-même fait partir la personne qui l’avait donné. La preuve que cette sentence n’est pas justifiée. Ainsi, la bonne foi aurait dû prévaloir.

Nous avons fait notre travail en tant qu’Opposition et en toute bonne foi pour réclamer la réintégration de nos trois camarades suspendus. Nous avons d’ores et déjà envoyé nos questions pour la prochaine séance parlementaire. Nous ne renions pas nos responsabilités. Nous retournerons au Parlement ‘under protest’ s’il le faut, car nous sommes aussi à l’écoute de la population. Si le gouvernement persiste à faire le difficile, qu’il assume ses responsabilités.