[Une pénurie qui fait voler des plumes] Le poulet se fait rare !

Le poulet, un aliment de base dans la cuisine mauricienne, fait actuellement l’objet d’une pénurie, suscitant des inquiétudes tant chez les commerçants que chez les consommateurs. Ce manque inattendu a engendré de nombreuses interrogations et spéculations. Certains soupçonnent une manipulation délibérée des stocks pour provoquer une hausse des prix, tandis que d’autres pointent des problèmes structurels au sein de la chaîne d’approvisionnement.

Les marchands de volaille, en première ligne de cette crise, se disent perplexes face à la disparition soudaine de poulet frais. Certains suspectent que les retards dans la distribution des poussins aux éleveurs, aggravés par une baisse de la production d’œufs, sont à l’origine de cette pénurie. « Les œufs parentaux, essentiels pour les incubateurs, ne sont pas disponibles en quantité suffisante », explique un commerçant. Cette situation a obligé certains vendeurs à rationner leurs stocks, limitant les quantités de poulet frais vendues à leurs clients habituels, nous confie un autre commerçant. Si la situation persiste, ils n’auront d’autre choix que de basculer vers du poulet congelé, ajoute-t-il.

La pénurie de poulet commence à peser sur le quotidien des consommateurs mauriciens, perturbant leurs habitudes alimentaires. Un client, habitué à acheter du poulet blanc, exprime son mécontentement : « Hier, il n’y en avait pas, et cela pose un véritable problème à la maison. Le poulet est un aliment de base à Maurice. » Cette situation met en lumière l’urgence de la crise actuelle. Si cette pénurie se confirme, il est crucial que le ministère de l’Agriculture intervienne rapidement pour en déterminer la cause et y apporter des solutions sans délai. Parmi les options envisageables, l’importation de poulets, qu’ils soient vivants ou congelés, pourrait être une mesure nécessaire pour stabiliser l’approvisionnement et éviter une hausse des prix, selon ce client.

Cette crise ne touche pas seulement les marchés, mais affecte également les restaurateurs. Un marchand de tikka, actif dans le secteur de la restauration rapide depuis plus de 15 ans, témoigne de l’impact sur son activité : « Le poulet et les œufs sont des matières premières essentielles pour moi, et je n’ai jamais rencontré un tel problème dans le passé. » Face à la hausse des prix, il se voit contraint d’ajuster les tarifs de ses pains tikka.

Face à la montée des tensions autour de la pénurie de poulet, nos tentatives pour obtenir des réponses du ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire sont restées infructueuses. Le silence prolongé des autorités ne fait qu’alimenter les spéculations et accroître l’incertitude parmi les commerçants et les consommateurs, qui restent dans l’attente d’une clarification.

Hors-texte

D’autres produits touchés par la pénurie

Œufs, huile, et riz

La pénurie de poulet n’est pas un cas isolé. Sous le règne de ce gouvernement, le marché mauricien a souvent été confronté à des pénuries similaires d’autres produits essentiels. Riz ration, huile, oignons… Les causes ne sont pas toujours liées aux facteurs externes, comme aime nous le faire croire le gouvernement. Dans certains cas, la mauvaise planification et gestion sont aussi mises en cause.

Huile

En 2022, la pénurie d’huile à Maurice a exposé les défis majeurs du gouvernement face à une crise alimentaire sans précédent. Malgré les appels à éviter les achats excessifs, la population a vidé les rayons, provoquant une pénurie artificielle, amplifiée par une méfiance envers les annonces officielles.

Le ministère du Commerce a tenté de contenir la situation en limitant les achats à deux litres par personne, mais cette mesure n’a pas suffi à apaiser les craintes. La méfiance du public et les hausses de prix pratiquées par certains commerçants ont compliqué la situation. Pour stabiliser le marché, le gouvernement a introduit la marque d’huile ‘Smatch’. Cette initiative visait à diversifier les options disponibles pour les consommateurs et à limiter les effets des pénuries et des augmentations de prix. Cependant, cette crise a révélé la nécessité pour le gouvernement de renforcer la communication, la régulation, et la gestion des crises alimentaires pour restaurer la confiance des citoyens.

Riz

En juillet 2023, le pays a été confronté à une autre crise avec la pénurie de riz ration, un aliment qui reste de base pour de nombreuses familles mauriciennes. Cette fois, la cause principale était la suspension des importations en provenance de l’Inde suite aux pluies de mousson qui ont gravement endommagé les cultures. La State Trading Corporation (STC) a tenté de rassurer la population en affirmant que les stocks suffiraient jusqu’à la fin août, mais les craintes d’une pénurie artificielle causée par le stockage excessif des consommateurs ont rapidement amplifié la crise.

Pour y remédier, le gouvernement a négocié avec l’Inde l’envoi de 14 000 tonnes de riz non-basmati, avec une première livraison attendue début septembre. Cependant, cette mesure est arrivée trop tard pour apaiser les inquiétudes. La gestion de cette crise a mis en lumière des faiblesses, notamment une communication insuffisante de la part de la STC et un manque de transparence sur l’état des stocks. Une meilleure diversification des sources d’importation aurait pu prévenir une telle dépendance critique, évitant ainsi de laisser un vide sur le marché et d’aggraver la situation. 

Oignons rouges

La pénurie d’oignons rouges en janvier 2024 est un autre exemple des difficultés rencontrées par le gouvernement dans la gestion des approvisionnements alimentaires. Malgré l’importation d’oignons pour compenser la pénurie, la quantité importée s’est avérée insuffisante face à la demande croissante. Ce manque d’anticipation de la part du gouvernement a exacerbé la crise. La gestion de cette crise a également été marquée par une communication inefficace des autorités, suscitant la frustration des consommateurs face aux pénuries répétées et au manque de transparence. En rétrospective, l’importation insuffisante, le contrôle laxiste des pratiques commerciales, et la communication défaillante ont aggravé la crise, soulignant la nécessité d’une meilleure anticipation et régulation pour protéger les consommateurs.

Œufs

Enfin, en juin 2024, une pénurie d’œufs a semé la panique parmi les consommateurs mauriciens. Alors qu’Inicia, l’un des principaux fournisseurs, assurait que l’approvisionnement était constant, les rayons vides dans de nombreux supermarchés racontaient une autre histoire. L’Association des Consommateurs de l’Ile Maurice (ACIM) a signalé une absence d’œufs dans la moitié des supermarchés étudiés, renforçant les craintes d’une véritable pénurie.

La ministre du Commerce, Dorine Chukowry, n’a fait qu’envenimer les critiques en attribuant cette rareté à une hausse de la consommation en juin et juillet. Une explication n’a qui n’a guère rassuré les consommateurs, et les critiques sur la gestion gouvernementale se sont rapidement multipliées. Le gouvernement a tardé à reconnaître l’ampleur du problème et manqué de transparence, ce qui a alimenté un climat de méfiance. En se concentrant sur la “perception d’une pénurie” plutôt que d’agir concrètement, les autorités ont laissé un vide d’information comblé par des rumeurs et des achats paniques. Bien qu’Inicia ait affirmé maintenir l’approvisionnement, les rayons vides ont révélé un manque de coordination entre le gouvernement et les fournisseurs.

Ces pénuries récurrentes révèlent de profondes failles dans la gestion et la planification des approvisionnements essentiels à Maurice. Pour regagner la confiance des citoyens, il est crucial que le gouvernement améliore sa communication, anticipe mieux les crises, et renforce la régulation du marché.