Accident à Wooton : Les zones d’ombre persistent

L’accident de Wooton, qui a vu la mort du pompiste Rohit Gobin, continue de focaliser l’attention, notamment le rôle du « man in black ». Notre enquête nous a conduit vers le fils du défunt, Jashley Gobin, ainsi que le propriétaire de la station-service, Sunjiv Jankee. Or plusieurs zones d’ombre subsistent dans cette affaire.

Pour rappel, Rohit Gobin, pompiste à la station-service d’Indian Oil à Wooton, avait été percuté de plein fouet par une fourgonnette de la police le mardi 26 novembre. Ce dernier, grièvement blessé, avait été placé sous respiration artificielle à l’hôpital Jawarhalall Nehru. Il devait succomber à ses blessures deux jours après son hospitalisation, soit le 28 novembre. Toutefois, les circonstances exactes de cet accident demeurent toujours floues. La version du constable impliqué dans l’accident, Ashfaar Domun, ne concordent pas avec les images CCTV de la station-service.

Le « man in black » fait son apparition

Pendant ces derniers jours, l’attention des Mauriciens s’est focalisée sur le « man in black » qui a été vu sur les images vidéo en train d’évacuer les policiers impliqués dans l’accident, en attendant qu’un autre véhicule ne vienne les récupérer à l’arrière de la station-service. L’identité du « man in black » a été dévoilée, il s’agit d’un dénommé Ranjivsingh Jankee, âgé de 51 ans et habitant Camp-Fouquereaux. Or, les rumeurs les plus folles couraient sur lui : il serait parenté avec le propriétaire de la station-service (les deux portent le même nom de famille, notamment Jankee), ou encore, il serait un policier.

L’habitant de Camp-Fouquereaux a expliqué qu’il a aidé les deux policiers, ainsi que les pompistes accidentés, une version en contradiction avec les images CCTV. Sur ces images, on peut voir le dénommé Jankee qui arrive à la station-service. Il se rend directement vers les policiers, et les guide à l’arrière de la station-service. Or, à aucun moment peut-on le voir venir en aide aux deux pompistes blessés.

 

Jashley, le fils de Rohit Gobin

« Une tentative de ‘cover-up’ sur cet accident »

Selon Jashley Gobin, 28 ans, il a eu une conversation avec le propriétaire de la station-service. Ce dernier a nié être parenté avec le « man in black ». Le jeune homme nous confie que selon les informations qui ont été publiées dans d’autres titres de presse, il y aurait deux autres personnes identiques à l’homme en noir. Il se demande si une parade d’identification a eu lieu.

Jashley dit vouloir résoudre l’énigme de l’accident lui-même, car il semble qu’il y aurait une tentative de ‘cover-up’ sur cet accident. Selon lui, il y aurait des proches ou des gens protégés par la force policière, qui sont impliqués dans cet accident qui a coûté la vie à son père. Jashley souligne que « la poliss pe faire l’enquête lor la poliss »

Le jeune homme soulève plusieurs questions pertinentes. Ainsi, Ashfaar Domun, le policier qui était au volant de la fourgonnette, avait expliqué qu’il s’était rendu à Camp-Fouquereaux pour prendre des gâteaux pour une célébration, mais à aucun moment personne n’a remarqué la présence des gâteaux dans la fourgonnette. Selon ses informations, l’alcotest a été pratiqué trois heures après l’accident, soit à 13 h, ce qui selon Jashley, aurait laissé toute latitude aux policiers de dessaouler ou même de faire un lavage d’estomac.

Ce dernier explique aussi qu’il s’est entretenu avec un haut gradé de la police qui lui a donné plusieurs versions différentes sur l’alcotest. « Be ki vrai ki foss ladans ? », nous dit-il.

En ce qui est du transfert d’Ashfaar Domun, Jashley dit que la loi doit être appliquée pour tous les Mauriciens sans distinction : « Ki li ene la poliss ou ene ti dimun, la loi bizin parey. » Pour rappel, le policier qui conduisait la fourgonnette a été arrêté deux jours après l’accident, soit le jour même où Rohit Gobin avait rendu l’âme. La famille Gobin, qui essaie de surmonter la disparition de Rohit Gobin, attend toujours que justice soit rendue.

 

Sunjiv Jankee, le propriétaire de la station-service

« Le ‘man in black’ avait une mission spéciale » 

Malgré le fait que le propriétaire de la station-service, Sunjiv Jankee, et le « man in black » Ranjivsingh Jankee, portent le même nom de famille, Sunjiv Jankee nie être un proche du « man in black ». « S’il était de la famille, il allait venir me parler mais ce n’était pas le cas », nous dit Sunjiv Jankee

Selon ce dernier, le « man in black » avait en effet une mission spéciale. Il est arrivé sur le lieu comme quelqu’un qui fait partie d’un commando. Beaucoup de gens, nous dit-il, se demandent effectivement qui est l’homme en noir ? Est-il un policier ? Faisait-il partie d’un commando ? Est-il un officier de la CID ?

« Si nou ti fami, li ti pou vine get mwa ! Li ti pou koz ek mwa. Pourtant mo ti lor site me li pane meme vine koz ek mwa. Line rent lor filling, li pane koz ek persone apart sa policier », explique cet homme de 61 ans. Pour lui, il est clair que l’homme en noir avait une mission spéciale : évacuer les deux policiers impliqués dans l’accident.

Sunjiv Jankee nous raconte que le jour de l’accident, il a dû solliciter l’aide des Casernes centrales. Les Casernes centrales ont en effet envoyé une équipe de Curepipe et une autre de Vacoas comme renfort à Wooton. Il confie néanmoins sa déception avec la police d’Eau Coulée car il n’a reçu aucun support de la part de cette dernière. « Si mo pas ti telefone Casernes central,  jamais ti pou gagne renfort sa zour la », nous dit-il.

 

Noren Seeburn, ancien magistrat

« La non-assistance à personne en danger est un délit »

Nous nous sommes tournée vers l’ex-magistrat Noren Seeburn pour avoir de plus amples renseignements sur le délit de non-assistance à personne en danger. Il nous explique qu’effectivement, c’est un délit que de ne pas apporter de l’aide à une personne en danger.

Toutefois, il nous fait comprendre qu’on ne peut déférer le policier devant un quelconque comité disciplinaire, car on doit attendre l’aboutissement de l’enquête criminelle. « Ce qui est scandaleux dans cette affaire, c’est qu’on a l’obligation sous la loi d’aider quelqu’un, même  si c’est quelqu’un que vous avez heurté vous-même », nous-dit-il. L’ancien magistrat dénonce l’indifférence dont on a fait preuve envers les deux blessés, indifférence qui a bouleversé de nombreux Mauriciens.

Il soulève aussi un autre point important. Les policiers sont censés nous défendre contre tout ce qui est mal, mais si les policiers n’ont pas cette sensibilité, comment pourront-ils exécuter leurs devoirs envers les citoyens ?

« Ces policiers sont indirectement payés par les citoyens, à travers les impôts, pour rendre service mais ils ne rendent pas ce service-là, ce qui est chagrinant. Il y a un gros problème dans notre pays », nous dit-il. Noren Seeburn pense qu’un sursaut de la population est nécessaire.

 

Neevedita Nundowah