[Affaire Saint Louis] La cour danoise confirme que des décideurs mauriciens ont reçu des pots-de-vin

C’est une affaire internationale qui éclabousse l’image de Maurice. Il s’agit de l’affaire Saint Louis, qui fait l’objet d’une enquête de la défunte ICAC depuis juin 2020. Le directeur des enquêteurs de cette instance avait même fait le déplacement au Danemark en octobre 2020 pour obtenir le rapport d’une enquête commanditée par la compagnie ‘Burmeister and Wain Scandinavian Contractor’ (BWSC), en apprenant des soupçons de corruption entourant le projet de la centrale thermique Saint Louis.

Dans le sillage de cette affaire, l’ex-Deputy Prime Minister (DPM) et ministre des Utilités publiques et aussi partenaire d’alliance du Premier ministre, Ivan Collendavelloo, avait été révoqué de son poste le 25 juin 2020. Et ce n’est que plus de trois ans plus tard, soit en novembre 2023, qu’il a été entendu dans le cadre de cette enquête. Mais rien n’a transpiré jusqu’à cette semaine lorsque des développements sont survenus à Maurice ainsi bien qu’au Danemark.

Le développement survenu au Danemark est qualifié de taille. En effet, la Cour de Hillrod a condamné la firme BWSC à une amende de 1,3 millions d’euros, équivalent à Rs 65 millions. Dans le jugement, la cour danoise précise qu’une somme de Rs 4,3 millions a été versée comme pots-de-vin. Et ce sont des politiciens mauriciens et des hauts fonctionnaires qui en ont été les bénéficiaires.

À Maurice cependant, l’enquête traîne. Des sources proches de ce dossier à la FCC, qui a pris le relais de l’enquête, affirment qu’elle n’a toujours pas été bouclée. Et ce, plus de quatre ans plus tard. D’ailleurs, la cour de district de Curepipe a sévèrement critiqué la FCC la semaine dernière pour son délai conséquent à déposer une charge formelle contre Shamshir Mukoon, ancien directeur du CEB. Ce dernier a ainsi vu les charges provisoires de « public official using his position for gratification » rayées contre lui.

Dans une tentative de se justifier, la FCC, dans un communiqué émis le 28 juin 2024, souligne que « la cour a reconnu que l’abandon de la charge provisoire n’exclut pas la possibilité pour la FCC de déposer le ‘main case’ en cour à l’avenir ». Une explication qui ne convainc guère. Même Ivan Collendavelloo s’impatiente, surtout à la veille des prochaines élections générales. Selon un article paru dans la presse, le leader du ML aurait de nouveau clamé son innocence dans cette affaire lors d’une réunion de la direction du parti la semaine dernière. « Mo pena oken problem, mo espere ki fini enn fwa ek sa bann palab-la e ki ‘case’-la reye net e met sa dan simitierr antere », aurait-il avoué.

Interrogations

Au total, 11 personnes font l’objet d’une accusation provisoire depuis juin 2020. Plus de 400 dépositions ont été consignées par les limiers, dont 80 ‘Under Warning’. Mais certaines questions restent sans réponse jusqu’ici : Où est passé le rapport de l’enquête commanditée en 2020 par la BWSC ? Le nom de certains politiciens mauriciens figurent-il dans ce document ? Personne n’a voulu apporter de précisions sur ce fameux document que le directeur par intérim des enquêtes de la défunte ICAC avait récupéré auprès de la BWSC en octobre 2020.

D’autres interrogations sont soulevées après le jugement de la cour danoise : est-ce que les autorités mauriciennes comptent à nouveau solliciter les autorités au Danemark pour une collaboration ? Est-ce que les politiciens et les hauts fonctionnaires incriminés seront inquiétés dans le cadre de cette enquête ?

Rappelons que l’affaire Saint Louis avait éclaté en 2020 suite à un rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD). Celui-ci faisait état de pots-de-vin entourant ce projet de centrale thermique. Le Premier ministre avait alors pris la décision de révoquer son adjoint quelque temps après. Depuis, Ivan Collendavelloo n’a pu retrouver son poste.