- Le programme gouvernemental du PTr-MMM-ND achevé à 90%. Une première ébauche possiblement prête cette semaine avant qu’elle ne soit tamisée et présentée aux leaders
Par Zahirah RADHA
Q : Le projet de loi sur le financement des partis politiques a été au menu du Parlement cette semaine, et ce sans qu’il n’y ait eu de consultation au préalable avec l’opposition alors qu’une majorité de trois-quarts est requise pour le vote. Pensez-vous qu’il y a un manque de sérieux de la part du gouvernement sur ce sujet pourtant crucial pour la démocratie ?
Effectivement, le gouvernement n’est pas du tout sérieux ! Le financement des partis politiques figurait dans son programme depuis 2014. Un comité présidé par le Deputy Prime Minister d’alors, Xavier Duval, avait soumis son rapport depuis 2016. Mais ce n’est qu’à la veille des élections générales de 2019, soit plus de trois ans plus tard, que le gouvernement est venu de l’avant avec ce projet de loi. Il en a fait de même cette fois-ci. Ce n’est qu’à la veille des élections qu’il a de nouveau présenté ce projet de loi.
C’est donc une stratégie bien calculée du gouvernement, d’autant qu’il sait que ce projet de loi nécessite un amendement à la Constitution, d’où le vote d’une majorité de trois-quarts, et sachant que l’opposition ne le votera pas parce qu’il n’est pas accompagné d’une réforme électorale. Il y aurait dû avoir un consensus autour du sujet. Ce qui explique notre souhait qu’il y ait un Select Committee, comme réclamé par Arvin Boolell, Paul Bérenger aussi bien que Xavier Duval. Je suis d’accord avec Paul Bérenger quand il dit que le gouvernement ne choisit de venir avec ce projet de loi qu’à la veille des élections afin de lui permettre de retirer des « vié zistwars » pour jeter de la boue.
Q : N’est-ce pas ironique que le gouvernement parle de financement des partis politiques quand ses membres distribuent des cadeaux à gogo à l’approche des élections. Ne faut-il pas aussi revoir cette approche qu’on pourrait qualifier de « bribe électoral » ?
Il faut définitivement la revoir, surtout à l’approche des élections. Il y a un ministre qui dit avec force au Parlement qu’il continuera à distribuer des micro-ondes, n’en déplaise à certains.
Q : Ce qui nécessite quand même de gros moyens ?
Évidemment, d’où sortent-ils ?!
Q : De graves irrégularités à la CWA ont fait l’objet d’une PNQ mardi dernier. Quels sont les manquements ou irrégularités les plus flagrants qui interpellent l’opposition ?
Tout tourne autour du ‘Pipe Replacement Programme’. Il y a une nécessité de changer les tuyaux parce qu’il y en a qui sont percés, provoquant des fuites d’eau qui sont alors considérées comme le « non-revenue water ». Outre la distribution de l’eau sur une base 24/7…
Q : Qui est restée au stade de promesse !
Ivan Collendavelloo l’avait redéfinie. Maintenant, ils disent que 24/7, ce n’est pas l’eau qui provient des tuyaux mais des réservoirs (tank) d’eau pour lesquels le gouvernement donne des grants ! Ce qui est absurde.
Q : Sans compter que le Premier ministre lui-même avait dit que 24/7 ne veut pas dire 24/7 ! Mais revenons aux tuyaux percés…
Il faut savoir que les tuyaux percés, en plus de nous faire perdre de l’eau, présente également un gros risque pour la santé publique. Du moment que les tuyaux sont percés et qu’il y a une coupure d’eau, tou kalité kitsoz rentre dans sa tuyau la. Par exemple, s’il y a un tuyau des eaux usées qui est percé à côté et que, par percolation, ces eaux usées entrent dans l’autre tuyau percé, be kan delo coulé tanto, si ou boire sa, ou gagne malade. Raison pour laquelle il faut changer les tuyaux percés.
Lorsque le PTr avait quitté le gouvernement en 2014, le « non-revenue water » s’élevait à 49-50%. Or, aujourd’hui, il s’élève à 64.5% ! Ki kalité travail zot pe fer ?! La CWA a eu trois directeurs depuis 2014 : Yousouf Ismaël qui a ensuite eu de gros problèmes avec l’ICAC, Rooben Maran et maintenant, Prakash Maunthrooa. Il nous faut savoir comment on fait pour remplacer des tuyaux alors que le « non-revenue water » augmente. C’est un mystère extraordinaire. Je l’avais évoqué lors de mon discours budgétaire, mais le ministre Joe Lesjongard ne m’a pas répondu alors qu’il avait promis de le faire. Il a répondu à Paul et Joanna Bérenger ainsi qu’à Patrick Assirvaden, mais pas à moi. Ce qui m’a laissé pantois.
Je suppose qu’il ne peut pas répondre. Selon mes renseignements, on remplace des tuyaux là où il y a des smart cities et là où ce n’est pas nécessaire, mais on le fait simplement pour des raisons politiques.
Q : On a même vu des photos où des tuyaux sont posés à même le sol. Est-ce selon les normes ?
Franchement, je ne comprends pas. Ils sont exposés aux risques d’incendie, d’accident et de percement, entre autres. CEB enbalao, pareil kuma CEB. Dans ma circonscription par exemple, il y a un gros problème de pression d’eau, surtout avec le nombre croissant d’habitants. Depuis deux ou trois ans, je lutte au Parlement pour qu’il y ait un nouveau tuyau d’approvisionnement de 400 mm pour les habitants de Vallée-Pitôt, Tranquebar et Bangladesh, mais en vain. Ce sera l’une de nos priorités lorsque nous serons au gouvernement.
Q : Il a aussi été question de harcèlement contre l’ex-Chief Internal Auditor (CIA). Croyez-vous que le comité d’enquête qui a été institué aboutira vraiment ?
Laissez-moi vous citer deux phrases que le ministre Lesjongard a dit dans sa réponse à la PNQ. D’abord, je cite : « Budget estimates do not reflect market rates ». Ensuite : « Certain things need not have been accounted for ». Elles sont toutes les deux lourdes de sens.
Pour qu’une fonctionnaire prenne une décision de cette envergure, c’est-à-dire de démissionner, cela en dit long. D’ailleurs, le ministre Lesjongard ine carrément coule Prakash Maunthrooa.
Q : Line coule li, mais toujours li pe la ! Est-ce parce qu’il est proche du PMO ?
Pour moins que ça, d’autres ont dû partir dans le passé. Je suis sûr qu’il est maintenu en poste pour des raisons politiques. Faisons aussi ressortir qu’il y en a beaucoup qui commencent à déserter le navire. Celui-là, je ne pense pas qu’on le laissera partir.
Q : Voyons le CEB à présent. Il y a eu des développements dans l’affaire Saint-Louis, avec les charges provisoires rayées contre Shamshir Mukoon et son retour à son ancien poste de ‘Production Manager’. Par contre, on n’a rien entendu sur Ivan Collendavelloo jusqu’ici, au point où lui-même s’impatiente. Bizarre, ou pas étonnant, diriez-vous ?
Je vois qu’Ismael Rawoo et Tulsiraj Benydin insistent pour que leur leader soit réintégré, surtout à l’approche des élections. Ils ne savent pas s’ils seront toujours dans l’alliance gouvernementale ou pas, d’autant que les élus du ML fonctionnent sans leader au Parlement, celui-ci n’étant pas ministre. Encore une fois, c’est un mystère. Pour moins que cela, certains ont été suspendus, sans toutefois être inquiétés. Ce qui me ramène au directeur de la CWA. Rien que les chiffres de « non revenue water » auraient dû interpeller le Premier ministre. Cela démontre que le directeur n’est pas performant.
Q : En parlant de performance, seulement 4% des drains ont été réalisés alors que des milliards de roupies ont été votés et que le pays est systématiquement marqué par des inondations ces derniers temps. Scandaleux, n’est-ce pas ?
Définitivement ! Vous savez, il y a une compagnie qui répond au nom de ‘Drains Infrastructure Construction Ltd’ (DICL). Elle est présidée par un certain Avinash Gopee, qui est très connu du public mauricien. Le CEO de cette compagnie a démissionné de son poste il y a environ deux mois. J’ai adressé une question dessus durant le ‘Committee of Supply’ mais elle a été rejetée par Ashley Ittoo qui présidait la séance. Je souhaite que le ministre vienne dire les raisons de son départ, tout comme je souhaite que le ministre Alan Ganoo vienne nous dire pourquoi le CEO de Metro Express a démissionné.
Pour revenir aux drains, des milliards de roupies sont investis mais ces projets sont mal gérés. D’ailleurs, la ‘Land Drainage Authority’ (LDA) n’est point performante et doit être fermée. Des ingénieurs me confient que la personne qui est à la tête de cette instance n’y comprend rien du tout. Le ministre de tutelle a l’habitude de dire qu’il y a des personnes extrêmement compétentes qui gèrent cette instance. But I beg to differ. On ne peut pas badiner avec des choses pareilles. Un ministre ne peut pas venir dire n’importe quoi au Parlement quand des fonds publics, et surtout la vie des gens, sont en jeu. Il y des personnes qui ont failli perdre la vie dans ma circonscription lorsque leurs maisons se sont écroulées suite à des inondations.
Les autorités avaient été informées des dangers, y compris par moi-même, mais aucune mesure n’a été prise. C’est de l’extrême incompétence ! J’avais envoyé une question parlementaire pour savoir où en est l’enquête qui avait été initiée, mais elle a été rejetée sans aucune explication.
Q : Vous avez plus tôt fait référence à la démission du CEO de Metro Express, Dass Mootanah. Trouvez-vous cela étrange qu’elle intervient après que Shakeel Mohamed et vous-même ayez évoqué les Metro Leaks ?
Lors de mon discours budgétaire, j’ai brandi un hard disk qui contient beaucoup d’informations concernant les Metro Leaks sur lesquels Shakeel Mohamed, Eshan Juman et moi-même travaillons toujours. En temps et lieu, nous les rendrons public. Je trouve inacceptable que cette compagnie, qui avait accusé une perte de Rs 500 millions pour l’année financière de 2019-2020, n’ait pas publié son bilan financier pour les quatre années financières qui ont suivi. Ma question relative a été rejetée. La population doit savoir combien de pertes la compagnie Metro Express a accumulé. Komié milliards pe perdi ?
Metro pas pe roule lor so revenus, trop tiguit pou li sa. D’après les chiffres qu’Alan Ganoo a donné au Parlement, le nombre de passagers du métro a baissé de 10% sur une période d’un an. La première fois que je lui avais posé une question, il ne m’avait pas donné de chiffres, mais il avait précisé qu’il y a en moyenne 50 000 passagers par jour. Or, la semaine dernière, il m’a répondu qu’il y a environ 45 000 passagers en moyenne par jour. Ce qui sous-entend que le nombre de voyageurs a baissé. D’ailleurs, un tiers de ces voyageurs ne paient pas, étant des personnes âgées et des étudiants. En d’autres mots, il y a seulement 30 000 voyageurs qui paient par jour. Si un billet coûte Rs 35, cela fait environ un million de roupies. Seki bien bas, avec toutes les dépenses qui y sont associées.
Je vous donne un exemple : Metro Express a un contrat de Rs 500 millions étalé sur 5 ans avec la compagnie CAF. 100 jours ki Metro roulé, so kas alle pou CAF, so consultants et travayers étrangers ki dans Maurice. Il y a un autre scandale sur les contrats de publicités obtenus par Metro Express Ltd. C’est un vrai scandale ! Nous avons les chiffres et nous les révèlerons très prochainement.
Q : Mais quand comptez-vous faire toutes ces révélations ?
Il y a pas mal de problèmes concernant le Metro Express. Il y a d’abord un problème de rentabilité. Ensuite, les problèmes d’inondations causés par les travaux de MEL à Saint-Jean, Riche-Lieu et Caudan. Il y a aussi un problème de congestion et de sécurité routière et ferroviaire (il donne des chiffres concernant les accidents). À l’époque, Nando Bodha m’avait dit, lors d’une de mes questions parlementaires, que Dass Mootanah détient un PhD en Risk Management. Mais il n’a pu toutefois gérer tous ces risques. Le seul risque qu’il a bien géré, c’est le risque qu’il y a s’il reste au pays à l’approche des élections. Line tuite line allé.
Q : Le Premier ministre et le gouvernement parlent de « réalisations exceptionnelles » en ce qu’il s’agit des logements sociaux. Est-ce le cas lorsque vous analysez les chiffres ?
Le Premier ministre et le ministre se targuent souvent d’avoir construit plus de logements que l’ancien gouvernement travailliste. Encore une fois, I beg to differ. Lorsque nous construisions les maisons, nous suivions les ‘tender procedures’. Mais il n’y a pas eu de ‘tender’ pour les 8000 logements que ce gouvernement a construit. Des logements sociaux ont été construits par des contracteurs à Rs 2, 7 millions par unité. Be si nou osi nou pa ti suive tender procedures au gouvernement travailliste, be nou ti kapave construire 20 000 ! Obeegadoo doit comprendre qu’il a fait un exercice qui ne nous permet pas de savoir si ces logements coûtent bon marché ou chers.
La semaine dernière, un groupe de petits contracteurs est venu voir notre équipe chargée de préparer le programme gouvernemental, y compris moi-même. Ils nous ont dit que ces contracteurs qui ont obtenu Rs 2, 7 millions/ unité pour la construction des maisons sociaux ont sous-loué le travail avec eux pour un tiers du montant obtenu par unité. C’est scandaleux !
Q : Pour terminer, dites-nous où vous en êtes avec la préparation du programme électoral du PTr-MMM-ND ?
Je ne pourrai évidemment pas vous dévoiler ce qu’il contient. Mais nous avons touché tous les secteurs qu’il faut et je remercie tous ceux que nous avons consultés et qui ont soumis des propositions dans un esprit de démocratie participative. A ce stade, nous avons achevé 90% du travail. Je suis confiant qu’une première ébauche pourrait être prête cette semaine. Le processus requerra toutefois qu’on fasse un tamisage avant de la présenter aux leaders de l’alliance pour leur point de vue. Le but, c’est d’avant tout de présenter un programme réalisable qui fera la différence pour le pays et les Mauriciens.
Voir l’intégralité de l’interview (vidéo) sur : https://fb.watch/t7vVEmOplI/