Le leader de l’Opposition, le Dr Arvin Boolell, était l’invité de notre émission Tête-à-tête jeudi soir. Une émission que vous pouvez retrouver en intégralité sur nos plateformes digitales. Nous reproduisons ci-dessous quelques brefs extraits de cet entretien réalisé par Zahirah RADHA…
Q : L’interpellation musclée des manifestants pacifiques, y compris Rajen Narsinghen, à Côte d’Or mardi a choqué tout le monde. Y a-t-il eu abus de la police, selon vous ?
Les instructions venaient d’en haut. Le gouvernement a utilisé une force musclée et menaçante contre eux. De par son caractère et sa profession, Rajen Narsinghen a une culture de retenue et il agit toujours selon les paramètres de la loi. Nos amis de la communauté tamoule ont protesté à juste titre puisque le terrain initialement alloué pour la construction de leur centre culturel tamoul a été repris au profit d’un développement foncier. D’ailleurs, on ne peut pas, lors d’une manifestation, empêcher les manifestants de revendiquer leurs droits. Des policiers, qui ont une certaine proximité avec le MSM et que je connais très bien, ont agi avec force parce qu’il y a eu une réaction verbale de la part des manifestants. Ils en ont profité pour agir d’une façon brutale véhémente qui n’avait pas sa raison d’être.
Q : Et ce n’est pas tout, semble-t-il…
Ce n’est pas tout. Les manifestants interpellés ont été conduits à Quartier-Militaire où je me suis moi-même rendu en compagnie de Veda Baloomoody et de Rouben Mooroongapillay. De là, Rajen Narsinghen a été conduit à la Mediclinic avant d’être emmené au poste de police de Saint-Pierre. Et là, certains policiers n’ont pas voulu que ce dernier subisse un examen médical. J’ai dû faire un plaidoyer pour qu’il obtienne le feu vert, d’autant qu’il souffrait de douleurs atroces après avoir reçu des coups. Je tiens d’ailleurs à féliciter les manifestants pour leur endurance et leur persévérance. Ils ont le soutien de toute l’île Maurice. Je rappelle qu’il y a eu des marches pacifiques contre la mainmise de l’État sur les terrains alloués aux organisations socioculturelles.
La question a aussi été soulevée au Parlement par l’ancien leader de l’Opposition, Xavier Duval. Pour ma part, outre la PNQ que j’avais adressée sur les facilités accordées au contracteur Vinash Gopee à Ébène, j’avais aussi soulevé une question sur les terrains au Réduit Triangle. Il faut se demander qui seront les bénéficiaires ultimes lorsque Royal Green sera agrandi. L’Acting Prime Minister d’alors, Steve Obeegadoo, avait évité de répondre à la question, mais nous savons que c’est le contracteur Gopee qui en profitera.
Q : Comment qualifierez-vous l’attitude contradictoire du Premier ministre qui, d’une part, dit promouvoir les cultures et qui d’autre part reprend les terrains initialement alloués pour des centres culturels pour les donner aux proches du pouvoir pour « fer bizness » ?
Ce n’est pas seulement contradictoire, mais elle va aussi à l’encontre de l’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité. Nous ne devons pas oublier que Maurice est un pays de peuplement. Cette mainmise sur ces terrains relève malheureusement d’un esprit de mercantilisme.
Q : Il y a malheureusement un sentiment d’exclusion qui règne au sein de la communauté tamoule. Cela n’est-il pas dangereux pour l’unité et l’harmonie nationale ?
Tout comme la démocratie, cette unité nationale n’a pas de prix. Or, le terrain alloué à la communauté tamoule a été repris sans qu’il y ait eu de discussions au préalable. L’excuse qui a été brandie par le gouvernement n’est pas un argument valable à mon avis. L’aide de l’État avait été sollicitée et le projet était fin prêt. Le gouvernement n’avait pas le droit de reprendre ce terrain. Il y a eu un engagement et un accord légal. C’est donc le gouvernement qui a agi dans l’illégalité en le reprenant, non pas pour un projet de développement par l’État, mais avec un objectif purement mercantiliste. Il ne manque d’ailleurs pas de terrain dans cette région. Pourquoi fallait-il absolument reprendre des terres qui se trouvent précisément au Réduit Triangle ? Gopee n’est, pour moi, qu’un paravent. Who are the ultimate beneficiaries ? C’est cela la question clé.
Q : Craignez-vous que ces abus policiers ne deviennent récurrents durant la prochaine campagne électorale ?
Ce gouvernement veut créer une division au sein de la communauté mauricienne. Il mène une politique de ‘divide and rule’, de ‘fake news’, de brutalités et de menaces. Sur une simple allégation d’‘annoyance’, quelqu’un peut être arrêté aujourd’hui. Il ne croit d’ailleurs pas dans la ‘freedom of information’. Qui plus est, il a de gros moyens financiers. Selon mes informations, il dispose d’un budget Rs 20 milliards pour les prochaines élections générales. D’après certains calculs, Rs 10 000 seront dépensés par tête d’électeur. Il utilisera aussi l’intelligence artificielle pour faire croire que ses adversaires sont à couteaux tirés.
Par contre, il ne pipera mot sur l’ampleur du fléau de la drogue dont le principal responsable reste le gouvernement, sur notre économie qui demande à être redressée, ou sur les taxes que sont la CSG et l’inflation. Alors qu’il prône une politique de bombe communale ambulante, il y a, à l’intérieur de l’alliance gouvernementale une situation explosive. Qui plus est, il y a aussi un axe entre ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont à la tête de l’économie parallèle financée grandement par la drogue. Nous avons droit à un régime extrêmement dangereux qui ne lésinera pas sur les moyens pour atteindre ses objectifs. Raison pour laquelle le peuple doit être vigilant, surtout lorsqu’il sera appelé aux urnes pour exercer son droit civique.
Q : Pourquoi dites-vous que la situation est explosive à l’intérieur du gouvernement ?
L’arrivée du PMSD n’est pas la bienvenue au sein de l’alliance gouvernementale. Je connais la réaction des membres du ML, et je ne parle pas uniquement du Deputy Speaker Zahid Nazurally, mais aussi de l’embarras d’Ivan Collendavelloo. Ce dernier n’arrive toujours pas à pardonner au gouvernement pour sa révocation dans le sillage de la saga Saint-Louis. Il dit à qui veut l’entendre qu’il y a un parti pris de la part du Premier ministre.
Q : Mais certainement pas en public ?
Il n’a pas le choix…
Q : Il a le choix de quitter le gouvernement !
Il veut probablement protéger celle qui est ambassadrice à Berlin. Il y a néanmoins l’affaire Saint-Louis qui pèse comme une épée de Damoclès sur sa tête. En passant, la presse danoise blâme les autorités mauriciennes de n’avoir rien fait dans cette affaire alors qu’il y a un jugement qui a déjà été rendu au Danemark. L’impression c’est que le gouvernement mauricien est partie prenante dans une affaire de corruption […].
Q : Revenons à cette situation explosive au sein du gouvernement ?
Oui, il y a ensuite ceux au MSM qui ne veulent pas perdre leur rang avec l’arrivée d’un nouveau venu […] L’arrivée du PMSD remet également en cause la place qu’occupe Alan Ganoo et Steve Obeegadoo au gouvernement. Qu’on le veuille ou pas, ils doivent se sentir délaissés. D’autant plus que le PMSD n’apporte rien au gouvernement. Au contraire, il précipite la chute de ce dernier à une vitesse vertigineuse. Avec tout ce qui se passe, il y a une bombe à retardement au sein du MSM. Ses seuls atouts, ce sont la MBC, le money politics et ce que j’appelle les réactions instinctives […]
Le MSM reste un parti familial, un Trust, et non un parti national qui appartient au peuple. Le MSM ne réalise pas qu’il n’est qu’un simple locataire du Government House. Après deux termes, c’est la décadence et une descente aux enfers. Le peuple en a marre. L’alliance PTr-MMM-ND – et d’autres amis je l’espère – viendra bientôt avec son programme électoral et sa liste de candidats. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous répondrons aux aspirations du peuple.
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