L’administration volontaire d’Air Mauritius a pris fin le mercredi 28 septembre. Le gouvernement a bien injecté Rs 12 milliards pour faire redécoller note paille-en-queue national mais cet argent (soit plus de Rs 9 milliards) servira majoritairement à payer les créanciers. Valeur du jour, il n’y a aucun plan de redressement de la compagnie d’aviation nationale.

Pour rappel, la plupart des créanciers ont voté en faveur du ‘Deed of Company Arrangement’ (DoCA). Cela fait suite à la ‘Watershed Meeting’ tenue le 28 septembre, en présence des deux administrateurs de la compagnie, Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool. Ainsi, des Rs 12 milliards que le gouvernement a injectées dans Air Mauritius, plus de Rs 9.5 milliards serviront à rembourser les créanciers. En ce qui concerne les Rs 2.5 milliards restantes, une bonne partie servira à payer les employés.

Comment la compagnie nationale va-t-il reprendre ses ailes ? Est-ce qu’il y a un plan de redressement ?  L’économiste Vinay Ancharaz ne voit aucun plan de redressement pour Air Mauritius. Il se pose des questions quant à l’avenir de la compagnie d’aviation nationale avec sa flotte réduite d’avions. « Je ne sais pas de quel plan de redressement parlent les administrateurs. Qu’est-ce qu’il y a de concret alors qu’on injecte Rs 12 milliards ? », dit-il.

Il est important, selon l’économiste, que l’on réalise que les Rs 12 milliards, c’est l’argent du contribuable. Il se demande comment la compagnie va être rentabilisé avec la majorité des Rs 12 milliards qui seront reversées aux créanciers.  « Rs 12 milliards, c’est quand même une grosse somme ! Comment va-t-on gérer cet argent ? » Pour lui, la situation est extrêmement grave. Il estime qu’il y a un « pattern » dans la façon que le gouvernement gère les choses, avec désinvolture et une opacité totale.

« Dipain diber »

L’économiste indique que cela lui fait rappeler l’affaire BAI, où le gouvernement avait affirmé qu’il comptait récupérer le maximum d’assets pour pouvoir payer tous ceux qui avaient investi dans les différents plans de la défunte BAI. Mais on sait tous par la suite comment se sont déroulées les choses. Il établit aussi un parallèle avec l’affaire Britam, où les actions de BAI avaient été vendues à un prix dérisoire, soit « Pou dipain diber ». Avec la saga d’Air Mauritius, et la vente d’une partie de sa flotte, l’histoire se répète.

D’autre part, l’économiste Pierre Dinan fait ressortir que le ‘Deed of Company Arrangement’ (DoCA) est un arrangement avec les créanciers, mais qui regarde vers le passé. « Or, cela ne nous dit rien en ce qui concerne l’avenir d’Air Mauritius. Il n’y a aucun plan de redressement, selon moi. Dans ces conditions, il est difficile de prédire quel sera l’avenir de la compagnie ». Il rappelle que l’argent que l’État mauricien, en tant qu’actionnaire principal, injecte dans Air Mauritius servira pour le remboursement des créanciers majoritairement. Il est important selon lui de voir quels sont les marchés qu’Air Mauritius doit viser.

Un ‘Senior Flight Purser’ :

« On a décapité tous ceux qui avaient de l’expérience dans l’aviation à Maurice »

Plusieurs employés de la compagnie d’aviation nationale, Air Mauritius, ont été laissés sur le pavé. Retraite forcée ou réduction de salaire, entre autres tracasseries, ces employés n’ont eu d’autre choix que d’accepter leur sort après qu’Air Mauritius ait piqué du nez après la crise de covid-19, finissant en administration volontaire.

Un ancien employé d’Air Mauritius, qui officiait comme ‘Senior Flight Purser’, a dû prendre sa retraite forcée après 37 ans de bons et loyaux services au sein de la compagnie d’aviation nationale. C’est à l’âge de 21 ans qu’il a commencé sa carrière au sein dans la compagnie comme simple steward. Il gravira les échelons pour atteindre le rang de ‘Senior Flight Purser’.

Mais en mai 2020, ceux qui avaient complété plus de 33 ans de service ont reçu une lettre les intimant de choisir soit une retraite forcée soit d’être déclarés ‘redundant’. Les employés n’ont pas eu d’autre choix que de prendre leur retraire prématurée. Ils pouvaient opter soit pour une ‘Full Pension’ ou une ‘Reduced Pension’ assortie d’une ‘Lump Sum’.

« On n’avait pas d’autre choix que de signer la lettre. La plupart des employés ont choisi la deuxième option », nous indique notre interlocuteur. Toutefois, au final, les employés ont reçu une Full Pension’, même ceux qui avaient opté pour la ‘Reduced Pension’ avec la ‘Lump Sum’.

Le ‘Senior Flight Purser’ s’est tourné vers des hommes de loi. Il a envoyé plusieurs correspondances, que ce soit aux administrateurs d’Air Mauritius ou au ministère du Travail. Les employés ont finalement reçu la nouvelle que leur ‘Lump Sum’ sera payé après la ‘Watershed Meeting’, qui s’était tenue le 28 septembre. Ils devaient recevoir leur dû pas plus tard que le 31 octobre.

Avec tous les ‘back pay’, ‘sick leaves’ et autres ‘annual leaves’ qu’ils n’ont pas pris, l’ancien ‘Senior Flight Purser’ nous indique que tout ceci fait une somme assez conséquente. Mais après la ‘Watershed Meeting’, l’administrateur devait leur dire qu’ils n’auraient que 50 % de leur ‘Lump Sum’ qu’il auraient dû recevoir. Ce que n’accepte pas le ‘Senior Flight Purser’, qui a relancé la bataille légale pour obtenir les 50 % restants.

Pour l’ancien ‘Senior Flight Purser’, la compagnie n’a aucune reconnaissance envers ces employés qui l’ont fidèlement servie toutes ces années. « C’est un véritable coup de pied qu’on nous donne», nous dit notre interlocuteur, qui ressent cette injustice. C’est frustrant pour lui et ses collègues qui ont tant trimé à Air Mauritius toutes ses années, mais qui, au final, n’auront aucune récompense.

Il tient aussi à dénoncer les administrateurs d’Air Mauritius, notamment Sattar Hajee Abdoula et Arvindsing Gokhool « Ils ont tranché la tête de tous ceux qui avaient de l’expérience dans l’aviation à Maurice. C’est beaucoup d’expérience que l’administrateur a choisie de jeter à la poubelle », fustige-t-il, lui-même qui est qualifié comme membre du ‘Cabin Crew’ pour 13 différents types d’avions.

« On essaye de survivre selon la ‘Reduced Pension’ qu’on reçoit tous les mois et de s’adapter avec notre nouveau mode de vie », nous dit notre interlocuteur. Ce dernier fait ressortir toutes les difficultés auxquelles lui-même et ses collègues font face avec leurs emprunts, leurs dépenses courantes, les frais d’études pour leurs enfants, entre autres.

Divorcé et père de trois filles, le travail sur ‘shift’ aura détruit sa vie familiale. « J’ai fait ce métier au détriment de ma vie de famille », dit-il ave regret. Et il ne serait pas le seul à se retrouver dans cette situation.