Nous avons fait un tour d’horizon pour connaître les attentes des stakeholders pour le prochain budget. Ces parties prenantes, du moins plusieurs parmi elles, expriment un certain abattement. Un certain scepticisme s’affiche quant à la prestation de Pravind Jugnauth ce 8 juin. Que le présent gouvernement a plutôt déçu les attentes de l’électorat depuis les élections de 2014 n’est pas fait pour arranger les choses.  Création d’emplois, combat contre la pauvreté, le pouvoir d’achat qui s’amenuise d’année en annexe, des mesures annoncées puis reléguées aux oubliettes… Pravind Jugnauth aura fort à faire pour redonner un semblant de confiance à la population mauricienne.

Création d’emplois

 « Nous ne voulons plus d’emplois précaires » 

Reaz Chuttoo, le secrétaire général de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), réclame que le budget 2017/2018 soit plus clair et explicite sur les types d’emploi qui seront proposés aux jeunes. Jusqu’ici, des milliers d’emplois ont bien été créés mais sont de nature précaire. Le monde de l’emploi a connu une immense dégringolade car le gouvernement ne vient pas avec des opportunités concrètes et à long terme.

« J’espère voir une amélioration, Rs 1 500 par mois n’est pas une vie », dit-il, faisant référence aux salaires de misère dans certains secteurs.

 Combat contre la pauvreté

 « Pourquoi le gouvernement ne donne pas les chiffres ? » 

Le travailleur social Salim Muthy dit constater de visu que bon nombre de familles sont restées au bas de l’échelle. Pravind Jugnauth avait déclaré ceci dans un de ses discours : “This Government has pledged to fight poverty and empower families at the lower rung to move up the ladder. This commitment underpins the core philosophy of this Government.” Or rien de très concret jusqu’ici, selon Salim Muthy.

Le travailleur social, qui a été sous les feux des projecteurs récemment, n’attend pas grand-chose de ce prochain budget. « En 2007, on a créé le ministère de l’Intégration sociale pour combattre la pauvreté. Dix ans après, nous sommes toujours en train de la combattre », nous précise-t-il.

« Plusieurs organisations comme le National Solidarity Fund, le CSR Fund et le National Empowerment Fund ont été mis sur pied. Qu’attend le gouvernement pour donner les chiffres officiels sur la pauvreté ? Pourquoi il n’y en a pas jusqu’à maintenant ? Combien de personnes sont dans les poches de la pauvreté ? Ce sont là des raisons pourquoi je n’attends pas grand-chose dans ce budget par rapport à la pauvreté. »

Pouvoir d’achat

 « Que l’imposition des taxes ne pénalisent pas les consommateurs »

 Du côté de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), son président Sutthydeo Tengur souhaite à ce que le ministre des Finances vienne avec des mesures concrètes en ce qu’il s’agit de la protection des consommateurs.

De ce fait, Sutthydeo Tengur souhaite que Pravind Jugnauth fasse provision pour l’introduction d’une politique pour structurer les prix à Maurice. « Au niveau de l’APEC, on fait un appel pressant au ministre des Finances que si jamais il compte introduire des taxes, que l’imposition de ces taxes ne pénalise pas les consommateurs, surtout ceux issus de la classe moyenne », plaide-t-il.

Sutthydeo Tengur confie avoir envoyé plusieurs propositions au ministre des Finances et espère que ses idées seront prises en considération.

L’investissement 

 « Que le GM implémente les projets du dernier budget avant de venir avec de nouveaux projets ! » 

 Eric Ng, économiste, est quant à lui plutôt dubitatif quant au prochain budget. Il fait ressortir que le mot investment apparait plus de 45 fois dans le discours budgétaire de l’année dernière. « Il faut d’abord que le GM aboutisse ses projets du dernier budget avant d’en prévoir d’autres. Il faut d’abord commencer à débloquer les projets du dernier budget. Nous devons aussi penser au recrutement des compétences étrangères dans les secteurs où il n’y a pas de compétences locales. Il faut gagner la confiance des investisseurs et pour ce faire, nous devons créer un environnement économique et monétaire stable », explique-t-il.

Petites et moyennes entreprises

« Un one-stop shop pour les PME, depuis le temps qu’on nous le promet » 

 Selon le président de la fédération des PME, Amar Deerpalsing, les mesures annoncées dans le dernier budget pour les PME n’ont pas été  implémentées à ce jour, notamment la construction des parcs industriels et la construction d’un parc agro-industriel à Phoenix. Amar Deerpalsing est catégorique : le secteur des PME est le plus gros employeur du pays et contribue à lui seul 40 % du produit intérieur brut (PIB). Autant dire que ce secteur mérite une grande considération de la part du gouvernement.

Pour cette année, Amar Deerpalsing classe les attentes des PMEs en deux catégories : financial and non-financial implications.

Pour ce qui est des non-financial implications, le président déclare ceci : « 400 permis d’opérations sont délivrés par une multitude d’institutions et d’autorités. Un entrepreneur voulant avoir un permis est appelé à faire de multiples demandes auprès de ces institutions. Or, un étranger souhaitant investir au pays n’a pas à faire tous le parcours du combattant. Le Board of Investment lui facilite grandement la tâche », explique-t-il. Par ailleurs, il dénonce une attitude de rejet à l’encontre des fabricants locaux, qui sont découragés par cette façon de faire.

En ce qui concerne les implications financières, il met accent sur l’importance d’investir dans le marketing, qui est la clé de la vente des produits fabriqués par les entrepreneurs. « Il faut considérer les nouvelles évolutions en matière de shopping et les nouveaux modes de paiement adoptés par les Mauriciens ».

Tourisme

 « Maurice doit reprendre le flambeau du tourisme régional » 

 Pour ce qui est du secteur du tourisme à Maurice, Sen Ramsamy, le directeur général de Tourism Business Intelligence est d’avis qu’il serait simpliste de mesurer le succès du secteur du tourisme uniquement en nombre d’arrivées. Il serait plus judicieux de le mesurer en devises étrangères, l’investissement injecté, les valeurs ajoutées et la création d’emplois. Maurice doit reprendre le flambeau du tourisme régional, selon notre interlocuteur.

Il espère par ailleurs avoir un changement de politique concernant les dépenses moyennes des visiteurs, qu’il considère être trop bas comparé à nos concurrents directs. Adopter une stratégie de marketing plus intelligente et renforcer la sécurité dans toute île doivent être des priorités.

Il estime que la pratique de vendre la destination en forfait ‘All inclusive’ tue la destination à petit feu et doit être revue. Il espère aussi des solutions durables concernant les problèmes des taxis des hôtels et le taux d’intérêt imposé par les banques commerciales sur les prêts des hôteliers, exorbitant selon lui.

Cultures vivrières

 Un fonds pour les planteurs

 Au niveau de l’agro-alimentaire, Kreepalloo Sunghoon, le secrétaire de la Small Planters Association souhaite que plus de facilités soit accordés aux planteurs. « On souhaiterait que le ministre des Finances mette sur pied un fond spécial pour les planteurs pour l’achat de pesticides et d’équipements et qui permettrait aussi la maintenance et la mise à niveau des voies d’accès aux champs des planteurs situés dans des endroits difficiles d’accès», réclame-t-il.

Kreepalloo Sunghoon souhaite aussi que le ministre des Finances accorde une attention particulière au secteur de la pêche et au secteur sucrier : « Nous demandons au PM de mettre en œuvre des plans permettant une participation à hauteur de 35 % des petits planteurs dans le secteur sucrier. ».

Pêche

 « Une école de la pêche pour la formation des pêcheurs »

 Au niveau du secteur de la pêche, Judex Ramphul, du syndicat des pêcheurs, explique que les attentes des pêcheurs sont grandes : « Nous attendons à ce que le ministre des Finances accorde une attention spéciale aux pêcheurs dans le prochain budget, car ces derniers ont trop souffert ces derniers temps. On espère qu’il viendra de l’avant avec une école de la pêche pour la formation des pêcheurs. Nous lui demandons aussi d’allouer un subside pour l’achat de l’essence pour les bateaux et d’introduire un système de Voluntary Retirement Scheme (VRS) pour les pêcheurs ayant plus de 60 ans. »

Le syndicat des pêcheurs demandent au Grand Argentier de permettre aux pêcheurs d’exploiter l’aquaculture sur les barachois abandonnés.