Bien plus inquiétant que la carte biométrique !

Safe City Project

Le sujet du Law and Order semble être la priorité pour le gouvernement. Comment combattre le crime à Maurice ? Pravind Jugnauth a la réponse ! Il avait annoncé lors de son message à la nation le 1er janvier dernier que le gouvernement procèdera à l’installation de plus de 4 000 caméras sophistiquées, dites ‘smart’, sur plus de 2 000 sites à travers le pays dans le cadre du projet Safe City.  Ces cameras peuvent reconnaître les visages en utilisant la technologie de la reconnaissance faciale. Mais ce système de surveillance, développé et appliqué massivement en Chine, est aussi innovant qu’effrayant. Le ‘Big Brother’ de George Orwell, décrit dans le roman dystopique 1984, pointerait-il le bout de son nez à Maurice ?

Marwan Dawood

Vouloir s’assurer de la sécurité de tout un chacun, c’est bien. Mais est-ce que les caméras à reconnaissance faciale constituent un système sécuritaire anodin et inoffensif ? Pas forcément.  Les images prises par les caméras CCTV dites intelligentes, à reconnaissance faciale, constitueront autant de petites fiches biométriques dans l’éther du cyberespace.

On se tourne vers les lois d’autres pays pour plus d’éclaircissements. La reconnaissance faciale est considérée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de France comme faisant partie de l’identification biométrique, sujette à la Réglementation générale sur la protection des données (RGPD), une nouvelle réglementation européenne qui est entrée en vigueur  le 25 mai 2018.

Biométrique : un terme qui avait soulevé les passions à Maurice. La nouvelle carte d’identité nationale, avec ses caractéristiques biométriques, avait provoqué une contestation juridique sans merci, qui dure depuis 2011 devant la Cour suprême.

Pravind Jugnauth avait lui-même contesté la carte biométrique avant d’accéder au poste de Premier ministre car il la jugeait anticonstitutionnelle.  Mais avec la venue bientôt du Safe City Project et les caméras CCTV intelligentes, notre identité photographique serait-elle une nouvelle fois menacée ?

Sous l’impulsion du marketing individualisé, les technologies de reconnaissance faciale se développent à la vitesse grand  V.  Ce qui voudrait dire que le droit à la vie privée des citoyens pourrait être une chose du passé, dans un avenir proche.

Comment ça marche ? (Infographie)

Il n’y a en effet que quatre petites étapes dans le traitement d’images des caméras CCTV intelligentes à reconnaissance faciale.  Les étapes sont comme suit :

1 Acquisition des images

Des caméras de surveillance, placées par exemple dans une rue, filment les visages des passants.

2 Traitement et évaluation

Chaque visage est analysé afin de déterminer ses caractères uniques. Lorsque la photo est prête à être comparée à d’autres visages, la troisième étape peut commencer.

3 Comparaison

Un logiciel compare chaque modèle d’image avec une base de données d’images enregistrées de personnes recherchées.

4 Réactivité

En cas d’image correspondante, une alerte est envoyée aux forces de l’ordre.

Motus et bouche cousue du côté des autorités

Personne ne souhaite commenter le projet Safe City.  Au niveau de la police, qui sera le responsible body de ce projet, on avance qu’il serait encore trop tôt, voire prématuré, de s’aventurer sur le fonctionnement du Safe City.

Pour le moment, seul Xavier Duval et quelques autres membres de l’Opposition ont pris position pour exprimer leurs craintes face à ce projet. Mais en l’absence d’une véritable  dissidence, la reconnaissance faciale fera bientôt partie du quotidien des Mauriciens.

Un chef d’entreprise, qui s’est fait un nom dans le milieu des caméras surveillance nous explique : «Ces caméras seront les toutes premières que le gouvernement introduira à Maurice.  Elles permettront d’identifier les piétons trop pressés qui traversent un feu rouge par exemple », explique-t-il.  Ce dernier concède cependant qu’une telle application de cette technologie aura inévitablement des conséquences sur la vie privée des Mauriciens.  « Le simple fait de se sentir surveillé va modifier notre attitude.  Quand on se sait surveillé, on se conforme à la norme, on n’ose plus exprimer d’opinions divergentes, ni penser, ni agir, de peur d’être jugé », dit-il.

L’efficience redoutable des caméras smart, comme démontré en Chine

Une chose est sûre, les technologies de reconnaissance faciale sont devenues redoutables.  Il y a deux mois, un homme recherché en Chine pour «crime économique » a été repéré par les caméras au milieu d’une foule de… 50 000 personnes, dans un concert ! Selon le journal en ligne, Le Monde, les policiers ont utilisé les caméras de sécurité de la salle de spectacles afin de le repérer et de l’arrêter. Dans une déclaration à la presse étrangère, l’intéressé explique qu’il n’aurait jamais pensé courir autant de risques en se rendant à ce concert.  Et pourtant…

Selon les autorités de la ville où se tenait le festival, le système de reconnaissance faciale se trompe rarement. Il est capable d’identifier les visages consignés dans la base de données de la police avec un taux d’exactitude de 98,1 %.

Une base de données biométriques des Mauriciens déjà existante !

C’est là où le bât blesse.  Après des recherches approfondies et des informations réunies auprès des personnes qui s’y connaissent en termes de nouvelle technologie, il est inévitable que les autorités mauriciennes devront compter sur une base des données fiable, mais laquelle ?

L’Alliance Lepep avait promis de détruire la base des données biométriques, qui, rappelons-le, contient les photographies individuelles, accumulées par le projet Mauritius National Identity Card (MNIC) si elle remportait les élections de 2014. Or, on se rappelle  du changement de position brusque sur la question quelque temps après. Aujourd’hui, le gouvernement veut mettre sur pied le projet Safe City avec des caméras à reconnaissance faciale.  Coïncidences ? Et si toutes ces coïncidences avaient un sens et un but précis ?