Carton rouge à la ‘Hajj Mission’ de l’ICC

Hadj 2023

Les critiques pleuvent sur le Centre Culturel Islamique depuis le retour des Hadjis. La ‘Hajj Mission’, semble-t-il, a failli lamentablement dans son rôle et ses devoirs envers les pèlerins mauriciens. Plusieurs lacunes ont été notées. La plupart des membres de la délégation officielle de l’ICC étaient introuvables, dit-on. Sans compter que des graves irrégularités ont été dénoncées dans l’organisation elle-même, surtout en ce qu’il s’agit de l’octroi des visas. Une politique de favoritisme semble avoir pris le dessus, au grand dam de ceux qui attendaient leur tour avec impatience.

Il s’avère ainsi qu’un agent du ministre des Arts et du patrimoine culturel, soit celui-là même qui a la responsabilité du hadj, se serait retrouvé au sein de la ‘Hajj Mission’. Cet agent, qui aurait d’ailleurs été privilégié en ce qu’il s’agit de l’obtention des visas pour ses proches, n’aurait jamais effectué le hadj auparavant. Pire, il serait resté, selon les dires des pèlerins, en compagnie de ses proches au lieu de les assister, comme le veut son rôle au sein de la ‘Hajj Mission’. Il aurait même été vu, par moments, en train de se déplacer en chaise roulante. Ce qui jette des doutes sur ses capacités d’assister les pèlerins. (Voir aussi hors-texte).

L’on cite aussi le cas de cet autre agent d’une ‘Senior Minister’ qui n’aurait jamais voyagé dans le passé, et qui ne comprend rien en ce qui concerne le hadj. D’où son inefficacité à s’acquitter de ses responsabilités. Il se serait ainsi évaporé en Terre sainte, personne n’ayant pu compter sur son soutien et son aide pour faciliter les pèlerins. La décision d’envoyer un seul médecin, au lieu de deux, est également inexplicable, selon certains opérateurs. Ce qui a résulté un cafouillage total, d’autant que de nombreux pèlerins mauriciens ont été incommodés par la forte chaleur en Arabie saoudite, provoquant un grand nombre de malades, surtout parmi les plus âgés et ceux souffrant de complications de santé.

Le cas d’un pèlerin décédé en Arabie saoudite est ainsi évoqué avec persistance pour dénoncer le manque de médecins sur place. « Ti bizin docteur mauricien pou alle lopital. Noune avoye ene message à dokter la à 9h le matin. C’est vers 16 :51 ki line vine guet patient la. Line dire ene problème mild sa, mais sa moment-la, patient la ti pe deza vomi disang. Line décédé par la suite », dénonce-t-on dans l’entourage de ce Mauricien décédé lors du hadj. Ce n’est pas tout. Un autre cas suscite l’indignation des pèlerins, soit celui du patient qui avait été admis aux soins intensifs à la Mecque. Son épouse a été contrainte d’aller à Médine alors qu’elle voulait rester en compagnie de son époux gravement malade à la Mecque. Ce dernier a finalement rendu l’âme, sans que son épouse ne reçoive aucune visite, et encore moins de soutien de la part des membres de la ‘Hajj Mission’.

Pour toutes ces raisons, et encore d’autres, comme le retour au pays de l’interprète avant même celui des hadjis alors qu’il est censé faciliter le dialogue avec les autorités saoudiennes, la ‘Hajj Mission’, à l’exception de quelques-uns, dont Vavra et Jeeawoody, et l’ICC méritent un carton rouge. Reste à savoir si une enquête sera ouverte et si des actions seront prises contre ceux qui ont failli à leur devoir et responsabilités.

Le ministre Teeluck attend un rapport

Interrogé par le député travailliste Eshan Juman au Parlement, le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Avinash Teeluck, n’a pas nié les problèmes rencontrés par les pèlerins en Arabie Saoudite. Il a reconnu le rôle important que la ‘Hajj Mission’ est appelée à jouer lors du pèlerinage , en soulignant que quatre des membres qui en faisaient partie ont effectué le pèlerinage pour la première fois. Confronté par Eshan Juman à la non-assistance de certains de ces membres aux pèlerins, le ministre Teeluck a dit qu’il attendra le rapport du responsable de la ‘Hajj Mission’ à son retour au pays pour décider de la marche à suivre.

« […] the concern of the hon. Member whether members of the hajj mission are staying with their family, I think this is very serious. If such is the case, Mr Speaker, Sir, I will definitely await a report from the head of the hajj mission once they are back to see if such practices were ongoing. I will, of course, not condone any hajj officer going to assist hajjis, and instead not performing his duties as has been set out in the terms of the hajj mission », a répondu le ministre Teeluck.

Eshan Juman : « C’est le ministre qui est responsable »

Eshan Juman n’y va pas avec le dos de la cuillère. Pour lui, c’est le ministre Teeluck qui est responsable de cette situation. « Li pa ti bizin avoye agent politique ki pas kompran nanrien dans Hadj là-bas », fustige-t-il. Il dit son étonnement face à la réponse fournie par le ministre Teeluck au Parlement. « Li dire ki li pou atan le rapport de la ‘Hajj Mission’ avant prend action. Mais eski Hajj Mission la pou donne ene rapport défavorable lor liem ? » se demande-t-il. Outre l’incompétence de l’ICC et de la ‘Hajj Mission’, le député travailliste déplore aussi les pratiques irrégulières qui ont ponctué l’organisation du pèlerinage. « Il y a eu des pratiques anti-islamiques, alors qu’on parle, ici, d’un pilier de l’Islam. C’est inacceptable ! », martèle-t-il, en réclamant une enquête en bonne et due forme par une équipe indépendante.

Raffique Santally, organisateur du hadj

« Un conflit entre la Hajj Mission et la délégation de l’ambassade menée par S. Soodhun »

Il compte une trentaine d’années d’expérience dans l’organisation du hadj. Pointé du doigt par un proche d’un des Mauriciens décédés en Arabie saoudite, Raffique Santally, président de la ‘Muslim Youth Federation’ (MYF), dit sympathiser avec les familles des personnes décédées, mais rappelle qu’il n’est qu’un opérateur de hadj. Or, le rôle des opérateurs, aussi connu comme des agents, est très limité, selon lui. « Nous obtenons un permis qui nous permet d’accompagner les hadjis, de les héberger, de les guider et de les aider à compléter leurs rituels. C’est tout. Nous ne sommes pas reconnus par les autorités saoudiennes et nous ne pouvons pas intervenir auprès d’eux en cas de problèmes. C’est là qu’intervienne la ‘Hajj Mission’. C’est elle qui a la responsabilité de faire la liaison entre les organisateurs/ agents et le MUASSASAH et le ministère saoudien du Hadj », explique-t-il.

Raffique Santally déplore, dans foulée, l’incompétence de la ‘Hajj Mission’ à qui il renvoie la balle. « Ma conscience est claire devant le Créateur puisque j’ai fait tout ce qui était en ma capacité en tant qu’agent. Je ne pouvais pas aller au-delà de mon rôle, puisque je n’ai pas, selon les règles, l’autorité d’emmener un patient à l’hôpital. Cela relève de la responsabilité de la ‘Hajj Mission’. C’est elle seule qui détient ce pouvoir. Malheureusement, je n’ai jamais vu une ‘Hajj Mission’ aussi incompétence et catastrophique », regrette-t-il. Il ne comprend d’ailleurs pas pourquoi un seul médecin faisait partie de la délégation officielle de l’ICC, d’autant que ce pèlerinage a été l’un des plus difficiles, en raison de la chaleur torride. « Bocou dimoune ine malade et bocou dimoune ine souffert », dit-il.

L’absence de Twaher Budullah, ancien officier de l’ICC, s’est fait ressentir, souligne-t-il. D’autant que les nouveaux membres de la ‘Hajj Mission’ ne connaissaient pas les rouages du hadj. « Ena ti pe reste avec zot famille et zot pane me malle fer hadj. Chairman laem ti introuvable. Ministre la pe rakonte zistwar dans Parlement », dénonce-t-il. Il dit d’ailleurs avoir noté un conflit entre la ‘Hajj Mission’ et la délégation officielle menée par l’ambassadeur Showkutally Soodhun. « Ti ena ene relation tendue là-bas. Hajj Mission ti introuvable. C’est Soodhun kine take over et c’est li kine fer bane réunions avec opérateurs, et kine liaise avec autorités saoudiennes pou régler bane problèmes », avoue Raffique Santally.

Ce dernier affirme que les opérateurs ne connaissaient même pas qui faisaient partie de la ‘Hajj Mission’. « Pas fine ena auken présentation. Zis 4 dimounes parmi sa 13 membres la ki noune trouvé. Lezot ti introuvable », insiste-t-il. « La Hajj Mission a une lourde responsabilité. Il faut qu’elle compte des personnes compétentes en son sein, surtout quand on sait que ce n’est guère évident de négocier avec les autorités saoudiennes », dit-il. Il déplore, dans la même foulée, que la ‘Hajj Mission’ soit restée dans le même hôtel qu’un opérateur. Ce qui relèverait, selon lui, d’un conflit d’intérêts. Cet hôtel aurait même fait l’objet de beaucoup de critiques. « Nou atan nou gueté ki actions ICC pou prend contre li », poursuit-il, en réclamant une rencontre entre les opérateurs et l’ICC.

Le rôle de la ‘Hajj Mission’, selon le ministre Teeluck

Lors de sa réponse à la question parlementaire d’Eshan Juman, mardi, le ministre Teeluck a énuméré les responsabilités de la ‘Hajj Mission’, comme suit :

  • They provide guidance and support to the pilgrims throughout their spiritual journey;
  • They ensure that pilgrims understand and follow the religious and safety guidelines and protocols;
  • They handle the logistics of the pilgrims and pilgrimage including transport and accommodation;
  • They manage the movement of pilgrims between various locations;
  • They are responsible for the well-being of the pilgrims, particularly in terms of health and safety;
  • They assist the medical services when needed;
  • They may also act as mediators or facilitators in resolving any disputes or conflicts that may arise among the pilgrims themselves in a peaceful and fair manner.
  • Moreover some general responsibilities for other Inspectors forming part of the Hajj Mission are to conduct safety inspections of structures such as hotels, accommodation facilities and public buildings.

Or, selon des témoignages recueillis sur place, la ‘Hajj Mission’ ne semble pas avoir respecté ses engagements.

Deux Dubaïotes parmi la délégation de Soodhun

Alors que certains saluent la prompte intervention de l’ambassadeur Showkutally Soodhun à plusieurs occasions lors du pèlerinage, d’autres n’hésitent pas à le dénoncer. C’est ainsi qu’on a appris que deux Dubaïotes faisaient partie de sa délégation officielle comprenant, au total, quatre personnes. Outre le ‘Second Secretary’, Y. Hansrod, et Soodhun lui-même, il y avait un PRO/ interprète ainsi que le ‘Personal Assistant’ (PA) de l’ambassadeur qui ont fait le déplacement de Dubai à Jeddah pour l’Arabie Saoudite afin d’assister et de faciliter les pèlerins mauriciens. Ce qui les fait tiquer…

Favoritisme pour un membre du board

C’est Eshan Juman qui a dénoncé ce cas de favoritisme au Parlement. Selon le député travailliste, ce membre de l’ICC, agent du ministre Teeluck et faisant partie de la ‘Hajj Mission’, aurait été favorisé au détriment d’autres pèlerins mauriciens. Ses proches auraient été sélectionnés et obtenu leurs visas alors qu’ils n’auraient soumis leurs noms à l’ICC qu’en mars 2023. Les proches de cet agent politique auraient eu les numéros suivants : 32561, 32562, 32563, 32653 et ont pu accomplir le hadj.

D’autres proches et agents de ministres auraient également bénéficié d’un traitement préférentiel. Ces derniers, ayant obtenu les numéros 29870 et 29871 ou encore 29509 et 29510, auraient aussi été sélectionnés pour effectuer le hadj cette année. Cela au grand dam des centaines d’autres Mauriciens enregistrés avant eux et qui se trouvent sur la liste d’attente de l’ICC depuis plusieurs années. « Officiellement, zot fine arive zis ziska bane dimoune ki ena numéros 14000 », dénonce Eshan Juman.

Hadj 2023 : Des manquements décriés par les pèlerins et les organisateurs

Shameem, la belle-fille de Mohamed Reshad Codadeen, un pèlerin mauricien décédé en terre sainte (Arabie Saoudite), déplore le manque de support de la part de l’ICC. Selon elle, sa belle-mère a été laissée sans assistance et sans soutien moral après le décès de son époux à Makkah. « ICC avec so bann agent ki ena inn arrive l’heur pu changer… Mo pann gayn okenn nuvel depi agent ni depi ICC. Mo mem monn bizin telefonn lopital tous les jours », insiste le fils de Reshad Codadeen.

Le couple, qui habite au Canada, déplore le fait que l’agent a emmené l’épouse de Reshad Codadeen à Madinah, alors que les funérailles de son époux avaient lieu à Makkah. « Agent inn koz menti inn dir mwa ki namaz janazah pu fer Esha, kan Soodhun inn dir mwa namaz janazah inn fer Zohr », dit Shameem.

Pour rappel, six Mauriciens sont décédés lors du Hadj 2023 en Arabie Saoudite.