Cherté de la vie : « La situation est explosive »

« Dimoune pe souffert » : avec la cherté de la vie, c’est devenu le cri de cœur du petit peuple. Cette souffrance, qui est palpable, se manifeste dans les familles, sur le lieu de travail, dans les coins des rues, au marché, bref partout. On peut même remarquer qu’une certaine tendance socio-économique se dessine, et que deux classes se distinguent : les riches et les pauvres. La classe moyenne s’estompe. Comme dirait l’Anglais : « Adapt or perish ». Trois travailleurs sociaux décrivent la réalité économique telle qu’elle est vécue par le peuple mauricien.

C’est en ces termes que Nizam Nasroollah, fondateur et président de ‘Naw & Sha Social Service’, décrit la situation, telle qu’elle est. Un habitué du terrain dans la région de Vallée-Pitôt, il affirme que la pauvreté est de plus en plus exacerbée.

Selon lui, de nombreuses familles, qui étaient autrefois dans la couche socio-économique dite moyenne, se retrouvent aujourd’hui au bas de l’échelle. Pour preuve, il soutient que bon nombre de personnes qui autrefois soutenaient financièrement son organisation, sollicitent désormais de l’aide auprès de lui.

« Cela fait mal au cœur quand vous voyez un père de famille, qui autrefois nous soutenait, venir nous voir aujourd’hui pour demander un paquet de nouilles pour avoir de quoi manger. Cela paraît invraisemblable mais c’est la dure réalité », explique-t-il.

Selon lui, la situation avait commencé à se détériorer à partir de 2019, avec l’avènement de la pandémie de covid-19. « Après deux confinements successifs et le décret d’une zone rouge pour deux semaines à Vallée-Pitôt l’année dernière, bon nombre de pères de famille, qui pour la plupart sont des marchands ambulants, se sont appauvris davantage. Et maintenant, avec les récentes hausses des prix des produits alimentaires, la situation est encore pire », constate Nizam Nasroollah.

 « La politique économique prônée par le gouvernement entraîne lentement mais sûrement l’élimination de la classe moyenne », analyse-il. Il ajoute qu’il n’existe maintenant plus que deux catégories de personnes à Maurice : les riches et les pauvres.

Répercussions sur l’éducation des enfants

Nathalie Edoo

Pour sa part, Nathalie Edoo, travailleuse sociale au sein de l’ONG SOS Village Enfants, abonde dans le même sens en précisant que la pauvreté est tangible.

Elle fait partie du Programme de renforcement de la famille, qui a pour but d’aider les familles vulnérables à sortir de la pauvreté. Ce programme concerne les régions telles que Curepipe, Quartier-Militaire, Rivière-Noire et Baie-du-Tombeau.

« On vit depuis deux ans avec la covid-19, qui a été suivie par les pertes d’emplois. Et actuellement, avec la hausse des prix, la situation financière de plusieurs familles est très critique », affirme-t-elle.

Comment font ces familles pour se débrouiller alors ? Selon elle, certaines familles ne peuvent pas se permettre plus de deux repas par jour. « Ils se contentent du strict minimum. Pas de lait, pas de viande ou de poisson et pas de fromage », précise notre interlocutrice. Toujours selon elle, « certains adolescents ont mis fin à leurs études secondaires pour prendre de l’emploi dans des champs et les plantations ».

Ces familles peuvent-elles compter sur les allocations sociales ? Mme Edoo, qui a elle-même affaire à des bénéficiaires du ‘National Empowerment Fund’ (NEF), explique que l’aide provenant de cet organisme n’est pas toujours suffisante. « Quant à nous, nous les soutenons par des paniers alimentaires, selon leurs besoins », ajoute-t-elle.Dans ce contexte, elle déplore que « chercher des parrains pour nous aider dans notre œuvre sociale devient de plus en plus difficile car tout le monde souffre ».

Selon Nathalie Edoo, vu que les enfants ne mangent pas à leur faim, cela entraînera une baisse dans leur niveau d’assimilation en ce qui concerne leur éducation. Leur épanouissement en général prendra un sale coup.

Mme Edoo se dit « attristée » par ce qu’elle voit sur le terrain. « Beaucoup de familles s’enfoncent de plus en plus dans le gouffre de la pauvreté », dit-elle en conclusion.

Sheetal Yashwini Purmanund est la coordinatrice de l’ONG Yeshua Fellowship. Celle-ci trouve également que la situation est alarmante. Elle fait rappeler que la pandémie a fait un tort immense au pays. « Ajouté à cela, il y a eu plusieurs augmentations récentes en ce qui concerne les prix des produits de première nécessité, ainsi que l’inflation », dit-elle. Elle aussi constate que ces familles qui aidaient autrefois l’ONG n’arrivent plus à le faire maintenant car beaucoup se sont appauvries.

ASH