Après l’arrestation de l’avocat Akil Bissessur et de sa compagne Doomila Moheeputh, la police avait procédé à la saisie de leurs portables à des fins d’enquête. Or, des vidéos et des photos intimes du couple, extraites de ces portables, ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Y a-t-il là un manquement grave de la police ? L’avocate Lovena Sowkhee nous éclaire sur l’aspect juridique de ces actes malveillants.
L’avocate nous dit d’emblée que « lorsque des vidéos ou des photos d’une personne dénudée sont diffusées sur les réseaux sociaux, ces images peuvent vite devenir virales. Cela peut être néfaste à la réputation de la personne. Une telle chose peut même détruire la vie de quelqu’un. » Elle affirme qu’il y a bien eu violation du droit à la vie privée d’une personne par la police, qui avait la sauvegarde des portables et de leurs contenus.
Selon le Code pénal mauricien, chacun a droit au respect de sa vie privée. Ainsi donc, d’après la loi, personne ne peut transmettre ou partager des vidéos et photos intimes d’une autre personne sur les réseaux sociaux sans le consentement de cette personne. En ce faisant, quelqu’un peut commettre un délit et il risque d’écoper d’un emprisonnement ne dépassant pas 10 ans et une amende ne dépassant pas un million de roupies. « Que vous soyez un époux ou une épouse, un conjoint ou une conjointe, un amant ou une amante, un copain ou une copine, personne n’a le droit de diffuser des vidéos et des images intimes de leur compagnon ou de leur compagne sans son consentement. La loi sanctionne ce genre de délit », souligne-t-elle.
Lovena Sowkhee devait ensuite revenir sur l’affaire Bissessur. Selon elle, « nous ne savons pas toujours comment ces vidéos ont été fuitées sur les réseaux sociaux. Mais ce qui est clair, c’est que selon les dispositions de la loi, personne au sein de la police n’avait le droit de diffuser ces images intimes du couple. » Elle fait ressortir que l’avocat Akil Bissessur et sa compagne Doomila Moheeputh n’avaient présenté aucune objection à ce que leurs appels et autres messages soient vérifiés pour les besoins de l’enquête. Mais l’avocat avait déjà informé les policiers qui avaient pris possession de son portable et de celui de sa compagne qu’il y avait des vidéos et des photos personnelles dans ces portables.
« Quand la police procède à la saisie d’un portable, les policiers ne peuvent faire tout ce qu’ils ont envie de faire avec », dénonce Lovena Sowkhee. Selon elle, les policiers auraient dû sceller les portables dans un sac pour que personne d’autre ne puisse en avoir accès. Une fois le sac scellé, les policiers auraient alors dû l’ouvrir en présence des deux suspects, et procéder à une vérification des informations sur ces portables en présence de ces derniers. « Qu’est-ce que ces vidéos et photos intimes ont à voir avec l’enquête sur le trafic de drogue ? », se demande-t-elle. « Leur vie privée n’est pas concernée par cette enquête, alors pourquoi la police s’est-elle permise de fouiner dans les vidéos privées de ce couple ? ».
Pour conclure, l’avocate explique qu’il est grand temps que le ‘Police and Criminal Evidence Act’ (PACE), accompagné d’un ‘Code of Practice’, calqué sur le modèle britannique, soit promulgué à Maurice. Cette loi regrouperait plusieurs lois disparates sous une seule loi, ce qui permettrait à la police de mieux s’acquitter de ses tâches, notamment en ce qui concerne l’arrestation d’une personne et le ‘gathering of evidence’. Par exemple, cette loi définirait comment les policiers doivent procéder à une fouille sous un mandat de perquisition, comment doivent-ils prendre des échantillons, comment doivent-ils procéder à la saisie des ‘exhibits’, entre autres. « Mais malheureusement, cette loi tant réclamée par les hommes de loi se fait toujours attendre », regrette la juriste.