Covid-19 au Brésil : la gestion de crise de Jair Bolsonaro fait tomber un deuxième ministre de la Santé

En pleine pandémie de coronavirus au Brésil, le ministre de la Santé Nelson Teich n’aura tenu que quatre semaines. Il a démissionné, vendredi, en raison de divergences avec le président Jair Bolsonaro, qui avait limogé son prédécesseur pour les mêmes raisons.

En poste depuis seulement quatre semaines, le ministre brésilien de la Santé, Nelson Teich, a démissionné, vendredi 15 mai, en raison de désaccords avec le président Jair Bolsonaro, au moment où le pays aborde la phase aiguë de l’épidémie de coronavirus.

Son prédécesseur avait été limogé par le chef de l’État, déjà pour des divergences sur la lutte contre le Covid-19 ayant entraîné une cacophonie qui a totalement déboussolé les Brésiliens.

“Aujourd’hui, j’ai décidé de partir”, a annoncé dans une déclaration à la presse le ministre, sans expliquer les raisons de sa démission. “En ce moment, le pays tout entier lutte pour la santé du Brésil”.

Auparavant, des sources du ministère de la Santé avaient indiqué à l’AFP que cet oncologue de 62 ans avait démissionné pour “des divergences de vues”, sur le traitement à la chloroquine, dont l’efficacité n’a pas été prouvée et qui peut entraîner de graves effets secondaires.

Jair Bolsonaro a fait pression sur son ministre pour que la chloroquine, réservée jusqu’ici aux cas graves de Covid-19, soit utilisée dès le début du traitement.

“Celui qui succèdera à Teich devra probablement adhérer au penchant du président pour la chloroquine”, a estimé Filipe Gruppelli Carvalho. L’analyste d’Eurasia Group souligne également les “dysfonctionnements” au sein d’un ministère de la Santé lourdement bureaucratique censé organiser la coordination avec des Etats en première ligne dans la lutte contre le coronavirus. Mais la chloroquine a été “la goutte d’eau” qui a fait déborder le vase.

La voie était étroite en effet, voire impraticable, pour le ministre de la Santé, face à un président qui a longtemps dénoncé “l’hystérie” contre le coronavirus, cette “petite grippe”, et appelle la population à reprendre le travail.

“Alignement total” 

Jair Bolsonaro fustige quotidiennement les mesures de confinement prises par les gouverneurs de la plupart des États, notamment ceux de Sao Paulo et de Rio de Janeiro, les plus touchés.

Et ce, alors que la courbe des contaminations progresse dans le pays de 210 millions d’habitants, avec près de 14 000 décès pour plus de 200 000 cas confirmés.

Des chiffres officiels qui en réalité sont au moins 15 fois plus élevés, avertissent des scientifiques dans ce pays qui pratique très peu de tests et ne devrait connaître le pic de la pandémie qu’au début juin.

À son arrivée au ministère, Neslon Teich avait affirmé son “alignement total” avec le président issu des rangs de l’extrême-droite. Largement moins médiatique que son prédécesseur, on l’a peu entendu et il n’a jamais annoncé de programme spécifique de lutte contre la pandémie. Vendredi, en jetant l’éponge, il a simplement déclaré avoir “préparé un programme de tests” et “un plan stratégique (…) qui doit être poursuivi”.

Nelson Teich a également subi des camouflets, comme la publication, sans qu’il en ait été informé, par le président Bolsonaro d’un décret la semaine dernière incluant dans “les activités essentielles” devant rester ouvertes les salons de coiffure et de beauté ainsi que les salles de musculation.

Des bâtons dans les roues 

Nelson Teich avait remplacé le 17 avril le populaire ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta, également médecin.

Le président brésilien a systématiquement mis des bâtons dans les roues de ses deux ministres, encourageant ouvertement les cortèges bruyants de ses supporters qui manifestaient dans la capitale Brasilia ou à Rio de Janeiro contre le confinement.

Il a aussi choqué de nombreux Brésiliens en faisant du jet-ski, des exercices de tir ou des barbecues alors que le coronavirus amenait les hôpitaux de Sao Paulo, Rio ou des Etats du Nord et du Nord-est au bord de la saturation, avec des personnels médicaux totalement débordés.

Le départ du ministre “va renforcer l’idée parmi la population que le président gère mal la pandémie”, a déclaré l’analyste d’Eurasia Group.

Une demi-douzaine de ministres ont été remerciés ou ont démissionné depuis janvier 2019.