Covid-19 : « C’est le cycle du variant Delta qui commence », prédit le Dr Shameem Jaumdally

  • L’effet sera visible dans 2 à 3 semaines, selon le virologue
  • 3 cas sur un séquençage de 32 échantillons depuis septembre, soit avant l’ouverture des frontières, sous-entendent qu’il y a actuellement beaucoup plus d’infections de ce variant présent dans la communauté

Le Dr Shameem Jaumdally est catégorique. Le pays ne compte pas seulement trois cas du variant Delta, comme annoncé par le ministre de la Santé vendredi, mais beaucoup plus qui sont actuellement en circulation dans la communauté. Car, rappelle-t-il, le séquençage n’est basé que sur un échantillon de 32 cas. « On ne sait pas, parmi les autres cas positifs détectés, qui ont contracté le Delta ou pas », dit-il. Il ne trouve pas surprenant que le variant Delta ait fait son apparition chez nous, ayant toujours soutenu que ce n’était qu’une question de temps, mais il est par contre d’avis que ce variant était présent bien avant l’ouverture des frontières puisque les échantillons avaient été envoyés dès le mois de septembre. « Il est fort probable que ce soit quelqu’un qui est arrivé à Maurice après l’assouplissement des mesures de quarantaine à la mi-août, notamment pour accueillir des étrangers dans les resort bubbles, qui a contaminé des employés de l’hôtel qui ont, à leur tour, propagé le virus dans la communauté », explique-t-il.

Le virologue basé en Afrique du sud prévoit qu’il y aura une prédominance de ce variant à Maurice d’ici 6 à 8 semaines. « Ce variant vient avec une charge virale nettement supérieure aux autres. Son taux de transmission est 4 à 6 fois supérieur aux autres virus. De plus, sa période d’incubation est moindre que les autres », renchérit-il. « So fitness tellement supérieur ki bane lezot virus ki li outpass zot tou. Li pou affecté le maximum dimoune ki li kapave », dit-il, en soutenant que c’est le début du cycle du variant Delta à Maurice. « Il va causer les mêmes dégâts qu’il a fait en Inde, en Amérique, en Europe et ailleurs », ajoute notre interlocuteur. Il est difficile, à ce stade, de prévoir pour combien de temps il va durer, car dépendant sur plusieurs facteurs.

Le danger, avertit le Dr Shameem Jaumdally, c’est qu’il affecte des personnes plus jeunes et qu’il résiste mieux à la vaccination. D’ailleurs, poursuit-il, les répercussions pourront être constatées dans 2 à 3 semaines quand davantage de jeunes se verront contaminés par le Delta. Il met en garde les personnes déjà testées positives dans le passé. « Il faut faire très attention car ce variant peut aussi contaminer une personne qui a déjà été infectée auparavant ». Le Dr Shameem Jaumdally se dit surtout inquiet parce que l’efficacité des vaccins inoculés jusqu’ici est controversable, d’autant que le variant Delta résiste mieux à la vaccination.

Outre le maintien des gestes barrière, une des solutions pour prévenir toute forme sévère de la maladie en cas de contamination demeure, selon lui, le ‘booster shot’. La mise en place de certaines restrictions par le gouvernement peut aussi aider à atténuer la situation, comme cela a été le cas en Afrique du sud. « La vaccination n’est pas efficace contre la propagation du variant Delta. D’où la nécessité de mettre en place des mesures additionnelles visant à mitiger les possibilités de transmission », insiste le Dr Jaumdally. Il se désole toutefois qu’à Maurice, aucune mesure dans ce sens n’a été annoncée. « Il faut absolument que le gouvernement ait un plan pour lutter contre la propagation de ce variant », martèle le virologue. Sinon, le pays court le risque de voir ses hôpitaux submergés d’ici décembre ou janvier de l’année prochaine.

Il met, dans la même foulée, l’accent sur l’importance d’augmenter le nombre de dépistage effectué. Ce qui n’est pas le cas actuellement, le dernier protocole mis en place par les autorités préconisant le dépistage de ceux âgés de plus de 65 ans ou des patients symptomatiques uniquement. Il faut agir maintenant, prévient-il, avant qu’il ne soit trop tard.

Le Dr Oaris s’inquiète du manque de personnel

Le Dr Dawood Oaris, président de l’Association des cliniques privées explique que le manque de personnel médical et paramédical face à la pandémie est inquiétant. « Il y a une pénurie de médecins sur le marché, que ce soit des qualified nursing officers, des lab technicians en autres. Le gouvernement est à pied d’œuvre pour importer des personnels de l’extérieur ». Les recrutements récents du secteur public ont certes réjoui plus d’un, surtout après le période difficile de la covid-19 où beaucoup de personnes se sont retrouvées sans emploi. « Beaucoup de personnes ont préféré quitter le privé pour le service public et ils optent pour des emplois sous contrat, où le salaire est plus intéressant », en soutenant toutefois qu’il n’y a pas de compétition entre le service public et le privé. 

La DMU pointée du doigt

Le rôle de la Domiciliary Monitoring Unit est pointé du doigt par des patients contaminés. Cette unité, rappelons-le, est censée faire le suivi des patients en auto-isolement. Or, beaucoup sont ceux qui se plaignent du fait qu’il n’y a eu aucun suivi dans leur cas. Dans le milieu concerné, on le met sur le dos d’un manque de personnel. Raison pour laquelle le ministère de la Santé a décidé de recruter des médecins sur une base contractuelle.

Entretemps cependant, des patients en isolement déplorent que la DMU ne fait pas son travail convenablement. « Le virus continue à circuler et tout est en dessus-dessous. La situation devient ingérable alors que les services de santé sont remplis et nos personnels soignants sont débordés. J’ai moi-même été renvoyée chez moi en auto-isolement après avoir effectué un test PCR qui s’est révélé positif. Voilà une semaine que je suis isolée et je n’ai reçu aucune visite ni d’appel du ministère de la Santé », déplore un fonctionnaire.

La situation changera-t-elle une fois de nouveaux médecins recrutés ? C’est du moins ce qu’on espère, d’autant qu’une flambée de cas est appréhendée avec l’ouverture des frontières et l’apparition du variant Delta.

Appréhensions…

Depuis l’annonce des trois cas de Delta faite vendredi, la majorité de la population affiche leur appréhension, car ce variant est considéré comme étant le plus contagieux. L’ancien directeur des Services de santé, le Dr Vasantrao Gajudhur, appréhende également cette situation. Il se demande si le séquençage avait été fait parmi les voyageurs pour déterminer le nombre de cas positifs. Il présume que ce variant a dû contaminer plus de 3 passagers qui ont eu des interactions avec d’autres voyageurs ainsi que dans les centres de quarantaine. Il demande ainsi au ministre de préciser le nombre de cas positifs durant cette période, vu la contagiosité du variant delta.

Pour rappel, le variant Delta, également connu sous le nom de variant B.1.617.2, a été identifié pour la première fois en Inde en décembre 2020 et a causé un nombre important de décès. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que le variant “préoccupant” Delta, présent dans 185 pays, a largement pris la place des trois autres variants “préoccupants”, Alpha, Bêta et Gamma, qui représentent désormais chacun moins de 1% des cas séquencés.

19 décès cette semaine

Depuis le 1er octobre, 9 passagers entrant à Maurice ont été testés positives à la covid-19, soit une moyenne d’un cas par jour. La plupart de ces derniers sont des Mauriciens. Asymptomatiques, ils avaient été tous vaccinés et sont actuellement en auto-isolement.

Par ailleurs, il y a eu 19 décès liés à la covid-19 pour la semaine écoulée. Ces personnes décédées présentaient déjà des signes de comorbidités avant leur arrivée à l’hôpital. 16 d’entre elles étaient âgées de plus de 60 ans et n’avaient pas été vaccinées contre la covid-19.

Valeur du jour, le nombre de personnes ayant déjà eu leur troisième dose remonte à 5 094. Le ministre de la Santé garde toutefois l’espoir que ce chiffre va augmenter durant les prochains jours.  En ce qu’il s’agit de la vaccination des adolescents, jusqu’au jeudi 7 octobre, 13 197 d’entre eux avaient déjà reçu leur première dose de Pfizer.