‘Cybersecurity and Cybercrime Bill’ : Une autre loi liberticide ?

Les débats parlementaires sur le controversé ‘Cybersecurity and Cybercrime Bill’ ont débuté ce mardi 9 novembre 2021. Le ministre de la Technologie et de l’innovation, Deepak Balgobin, a essayé de rassurer la population sur les objectifs de ce projet loi. Toutefois, certaines sections pourraient se révéler attentatoires à la liberté d’expression et de la presse.

Le leader du Reform Party, Roshi Bhadain avait vivement critiqué ce projet de loi lors d’une conférence de l’Entente de l’Espoir le samedi 30 octobre 2021. Selon ce dernier, certains aspects dans ce projet de loi vont à l’encontre de la Constitution, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux des citoyens mauriciens. Il devait mettre en garde la population, notamment les jeunes, les médias, et les utilisateurs des réseaux sociaux contre ce projet de loi, tout en leur demandant de prendre connaissance de son contenu.

Dans cette optique, Ish Sookun, expert en informatique, nous donne son avis sur ce projet de loi. Premièrement, il avance que le « bills » ne fournit pas les garanties adéquates relatives à la protection des droits fondamentaux, comme le requiert l’article 15 de la Convention internationale de Budapest sur la cybercriminalité.

L’expert devait aborder les clauses 16 à 20, qui concernent divers délits. Pour Ish Sookun, l’introduction de nouvelles infractions pour répondre à l’évolution de la technologie est une bonne chose. Toutefois, selon lui, ces clauses utilisent une terminologie similaire, avec un manque de définition et de précisons par rapport à ces délits. Or, ce manque de clarté peut facilement donner lieu à des abus. 

Il devait ensuite aborder le ‘National Cybersecurity Committee’, qui sera mis sur pied sous cette loi. « La sélection des candidats à ce Commité national est opaque et ne garantit pas l’impartialité. Le parti pris politique est trop évident ici », fustige-t-il.

En outre, en ce qui concerne la clause 23, relative à ‘Failure to moderate undesirable content’, l’expert pense que cette clause est viciée dans sa forme actuelle. Il manque de clarté et ne définit pas de procédure appropriée pour le signalement, la vérification et la modération des ‘contenus indésirables’. La définition de ce qui est « indésirable » est laissée à l’autorité investigatrice, selon son interprétation de la loi. Cela peut donner lieu à de nouveaux abus de pouvoir et forcer la censure sur les réseaux sociaux et les plateformes d’information en ligne.

La clause 24, ‘Disclosure of details of an investigation’, est tout aussi dangereuse. Obliger les fournisseurs de services à donner accès aux données violera directement d’autres lois existantes, telles que la loi sur la protection des données et les lois internationales. Cela enverra un mauvais signal aux investisseurs et aux entreprises souhaitant héberger leurs données et opérations commerciales à Maurice. « Cette clause du projet de loi ne fournit pas suffisamment d’informations sur la gravité des infractions et sur les types de cas auxquels l’article 24 peut s’appliquer », dénonce Ish Sookun.

En outre, il estime qu’aucun de ces changements ne va améliorer la sécurité sur Internet pour les citoyens mauriciens. L’ingénieur en informatique avance que si nous opérons toujours avec la même ‘Cybercrime Unit’, avec son manque d’effectifs ou avec des effectifs sous-qualifiés et sous-payés, il n’y aura pas de changement. Selon lui, les méthodes et les outils d’enquête de cette unité doivent être améliorés. « La création d’infractions supplémentaires ne résoudra pas plus rapidement les affaires de cybercriminalité », dit-il. Il est d’avis que ce projet de loi aurait dû impliquer davantage de parties prenantes.

Pour sa part, Rajen Narsinghen, chargé de cours en droit à l’Université de Maurice, affirme qu’il y a des points positifs dans ce projet de loi, notamment en ce qui concerne le cyberbullying, et sur le plan de la coopération internationale.

Mais néanmoins, il souligne qu’il y a aussi des points qui vont à l’encontre de la liberté d’expression de la presse à Maurice. Il revient sur la définition du terme ‘harm’ dans la clause d’interprétation, qui est très vague et très imprécise, selon lui. Cela impliquera une interprétation subjective de plusieurs éléments. Qui plus est, c’est difficile pour une cour de justice de déterminer si une mauvaise utilisation de l’Internet a causé un ‘harm’ quelconque à une personne.

Il réitère que ce projet de loi aura un impact direct sur la presse du pays car de nombreux titres de presse ont leur publication en ligne, que ce soit sur Facebook ou sur leur propre site Web, avec une section de commentaires.