Avinash Gopee. Le nom n’est pas inconnu. Ni dans le milieu de la construction. Ni dans celui de l’immobilier. Ni dans la sphère politique. Et encore moins dans les arcanes du pouvoir. Le nom est d’ailleurs souvent cité dans le domaine politique et public. Et pour cause ! Il est l’un de ceux qui gravitent autour du gouvernement. Il est à la fois nominé politique, promoteur de projet sur des terrains de l’État, bénéficiaire de fonds à travers la MIC, de contrats de location et de prêts bancaires, et enfin, propriétaire de bâtiments loués par des organismes gouvernementaux. A-t-il plusieurs cordes à son arc ? Pas nécessairement, bien que l’estime qu’on lui accorde au sein du gouvernement, plus précisément Lakwizinn, démontre l’étendue de ses pouvoirs. Sans compter les sommes colossales qu’il empoche pour ses diverses prestations, contribuant ainsi à son enrichissement personnel.
Tel père tel fils. Avinash, dit Vinash, suit ainsi les pas de son père, Nundun Gopee. Non seulement il a pris le relais à la tête du business familial, Nundun Gopee Co. Ltd, mais il semble également être gâté par le MSM, tout comme son père l’avait été. Le fils Gopee a encore fait parler de lui cette semaine. Il est, en effet, au cœur d’une nouvelle polémique concernant des espaces qu’il loue à la ‘Financial Services Commission’ (FSC). Lors d’une question parlementaire d’Eshan Juman mardi, le ministre Sunil Bholah a révélé qu’une location mensuelle de l’ordre de Rs 4,6 millions est payée à la société PSH Investments Ltd, appartenant à Avinash Gopee, pour des espaces au 7 Exchange Square Building à Ebène. Plus scandaleux, ces locaux sont inoccupés depuis janvier 2024. Donc, le proche du gouvernement a empoché presqu’environ Rs 28 millions à ce jour pour rien. Et ce, sans que le gouvernement, et surtout Sunil Bholah, ministre de la Bonne gouvernance, ne soit gêné pour ce gaspillage outrancier de fonds publics.
Toutefois, nous apprenons que depuis que cette information a été révélée à l’Assemblée nationale, des pressions sont exercées à la FSC pour que des employés déménagent en quatrième vitesse bien que ces bureaux n’aient pas encore été aménagés six mois après leur location. Mais il faut aussi souligner que ce n’est pas seulement la FSC qui loue des espaces au 7 Exchange Square Building à Ebène. En effet, l’‘Economic Development Board’ (EDB) est aussi locataire de quatre étages du bâtiment appartenant à PSH Investments Ltd d’Avinash Gopee. Et ce depuis bien avant que le bâtiment n’existe, parait-il. C’est d’ailleurs l’ancien leader de l’Opposition, Xavier Duval, qui l’avait dénoncé, en 2021. « Il est allé voir l’Economic Development Board qui a accepté de louer des espaces de bureaux pendant 10 ans. L’EDB loue des bureaux dans un bâtiment qui n’existe pas encore ». Il compte aussi, parmi ses locataires, la SBM qui occupe, elle, les troisième et quatrième étages de ce même bâtiment. « Pa bizin monte lor montagne pou koné kifer tou sa bane compagnies gouvernement la loué bureau are li », nous dit quelqu’un qui le connait bien.
Interrogations autour des Rs 200 millions de la MIC
Détrompez-vous si vous pensez que c’est tout. Non, puisque le ‘blue-eyed boy’ de Lakwizinn a trouvé bien d’autres astuces pour agrandir son business et s’enrichir. Le public l’a appris, encore une fois, grâce aux révélations faites par l’ancien leader de l’Opposition, Xavier Duval, qui semble ces jours-ci se rapprocher de ce même gouvernement qui a accordé des largesses à Avinash Gopee. La société PHS Investments Ltd, aurait également obtenu Rs 200 millions de la MIC, cela après un prêt de Rs 600 millions contracté auprès de la SBM, pour un projet de construction sur un terrain de trois arpents obtenu grâce à Landscope à Ébène.
C’est ce même bâtiment, 7 Exchange Square Building, qui est actuellement loué à la FSC et à l’EDB. Mais la façon dont il a obtenu une aide financière auprès de la MIC soulève bien des interrogations. Celles-ci ont d’ailleurs fait l’objet d’une PNQ le 20 juillet 2021. Y a-t-il eu ingérence pour qu’Avinash Gopee obtienne Rs 200 millions de la MIC pour compléter son projet de « Luxury Retirement Village » à Moka ? Pourquoi le board de cette instance a-t-il renversé le refus initial de l’‘Investment Committee’ d’approuver ce prêt ? Ce sont des questions qui sont restées sans réponse jusqu’ici, le ministre Renganaden Padayachy ayant refusé à l’époque de répondre aux questions de Xavier Duval.
« Le projet de « luxury homes », baptisé Royal Green et se trouvant dans la circonscription du Premier ministre au no. 8, ne tombe pas, selon des observateurs avertis, dans la catégorie des secteurs systémiques. Ce projet est-il donc considéré comme étant stratégique visant à faire de Maurice une « innovation-driven and self-sufficient economy » qui fait également partie de la mission que s’est fixée la MIC ? Pas vraiment, insistent certains opérateurs économiques qui préfèrent garder l’anonymat. Le Royal Green, dont les « senior residences » comprenant une chambre et une piscine commune se vendent à partir de Rs 7 millions selon des publicités en ligne, était-il néanmoins viable dans le contexte économique actuel pour pouvoir obtenir un financement de la MIC ? Là encore, rien n’est sûr ». C’est ce que Sunday Times écrivait dans son édition du 25 juillet 2021. Comme cela a toujours été le cas sous le gouvernement MSM de Pravind Jugnauth, la politique d’opacité aura pris le dessus sur les questions d’intérêt public.
Controverses entourant des projets
Le nom d’Avinash Gopee a aussi été associé à divers projets sur des terrains appartenant à l’État. Deux d’entre eux ont fait l’objet de pas mal de controverses. D’abord, il semble qu’il serait l’heureux bénéficiaire des terres initialement allouées pour la construction du Centre Culturel Tamoul à Moka. Le gouvernement, plus précisément le DPM Steve Obeegadoo, a dit vouloir y faire un « medical hub ». Est-ce un hasard ? La question se pose puisque, comme par coïncidence, la luxueuse maison de retraite appartenant à Avinash Gopee, le « Royal Green », celle-là même qui aurait bénéficié de l’aide financière de Rs 200 millions de la MIC, se trouve dans cette localité. Pas que. Le proche du régime y a également construit, grâce à un terrain obtenu de l’État, une clinique privée, le « Royal Green Hospital ». Celle-ci, nouvelle venue dans le secteur de la santé, a pu, par un tour de magie, négocier un contrat avec Mauritius Telecom pour offrir des services médicaux à ses employés. On ne sait pas, à ce jour, si le terrain précédemment prévu pour accueillir le Centre Culturel Tamoul a déjà été octroyé à Avinash Gopee.
Par contre, un autre terrain se trouvant sur les pas géométriques à Anse-La-Raie avait bel et bien été alloué au protégé de Lakwizinn. Du moins, une « Letter of Reservation » avait déjà été émise par le ministère du Logement et des Terres à une de ses compagnies, « Luxury Suites Ltd » pour l’aménagement d’un projet hôtelier de 5-étoiles sur un terrain de 25 arpents. Face au tollé général et aux pressions populaires exercées de toutes parts, Avinash Gopee a finalement choisi de battre en retraite. « Face à la multiplication des calomnies éminemment politisées, j’ai pris la décision de renoncer au projet de développement touristique à Anse La Raie », a-t-il dit dans un communiqué émis le 25 novembre 2023. Et d’ajouter, tout en jetant le blâme de « l’acharnement » qu’il subit sur le dos des « dirigeants du PTr », que « cela aurait, en effet, été un moment de grande fierté pour N-G Group de poursuivre sa diversification dans le secteur touristique et de contribuer davantage au développement économique du pays. Mais nous préférons mettre fin à toute polémique infondée, quitte à renoncer au projet ».
Avinash Gopee s’est aussi justifié en faisant croire qu’il a eu des « discussions constructives » avec des habitants d’Anse-La-Raie. Le hic, ces derniers, à travers le « Kolektif Pa tous Nou Anse-La-Raie », maintiennent qu’il n’y a jamais eu de discussions avec les habitants du voisinage. Pas difficile de deviner qui dit vrai et qui ment.
Nominations scandaleuses
Outre les contrats publics alloués à la compagnie des Gopee pour la réalisation de projets gouvernementaux, dont la construction des maisons sociales de la NHDC et qui ont, dans certains cas, apporté leur lot de controverses, l’expertise d’Avinash Gopee a aussi été sollicitée et plébiscitée par le gouvernement à travers diverses nominations. Le ‘blue-eyed boy’ aura ainsi cumulé plusieurs fonctions. Il a respectivement été nommé à la présidence de la « Tourism Authority » (TA), de la « Mauritius Multisports Infrastructure Ltd » (MMIL) et du « Drains Infrastructure Construction Ltd » (DICL). Alors qu’il quittait la MMIL pour assumer des nouvelles responsabilités à la TA, il avait confié à l’Express, le 2 mars 2020, « je pars le cœur gros […] le complexe de Côte d’Or est avant tout mon bébé ». Ce complexe se trouvant dans la circonscription du Premier ministre, on l’a mainte fois décrié, n’est qu’un éléphant blanc, servant plus à accueillir des foires que des activités sportives.
Pour couronner le tout, il a eu, en tant que chairman de DICL, un budget colossal de Rs 10, 4 milliards à gérer, sans qu’il n’ait de compte à rendre, puisque cet organisme est un ‘Special Purpose Vehicle’ (SPV) créée en 2021 pour accélérer la construction des projets de drains à travers le pays. Le bilan n’est pas aussi reluisant, seulement sept contrats ayant été alloués tandis que d’autres sont en cours d’évaluation, selon une réponse parlementaire du 7 mai 2024. La performance d’Avinash Gopee a-t-elle été évaluée par le gouvernement ? Non, sans doute. Mais le pouvoir doit être certainement satisfait de ses réalisations et ses exploits pour qu’il soit tant plébiscité et protégé.