Des répercussions à prévoir suivant la baisse de la notation de Moody’s : « Il faut des changements structurels en toute urgence », selon Kevin Teeroovengadum

La nouvelle est tombée en fin de semaine, soit le vendredi 5 mars. Moody’s, agence notation américaine, a revu à la baisse la note attribuée à Maurice. Elle est passée de Baa1 à Baa2. Moody’s met en cause la faiblesse de notre économie, surtout dans le sillage de la pandémie Covid-19. Les perspectives économiques ne sont guère reluisantes, estime l’agence de notation qui s’interroge sur la capacité du pays à rembourser ses dettes. La Banque de Maurice n’a pas tardé à réagir et a attribué cette note aux effets de la pandémie Covid-19. Or, cet argument est réfuté par l’économiste Kevin Teeroovengadum. Il estime, lui, que le ver était déjà dans le fruit avant même que la pandémie ne pointe le bout de son nez, compte tenu de la mauvaise performance économique depuis ces dernières années. Cette régression n’était ainsi qu’une question de temps, selon lui.

« Cette notation est loin d’être une surprise étant donné la profonde contraction, soit plus de 15% du Produit Intérieur Brut (PIB), et la très faible visibilité concernant la relance du tourisme qui est pourtant un secteur clé de l’économie », soutient Kevin Teeroovengadum. La dernière fois que Maurice avait eu une telle notation remonte en 2012. Il y avait alors une récession mondiale, bien que Maurice eût été épargné. « On a perdu huit ans de progrès », se désole l’économiste. Le plus grave est à venir. Car ces perspectives négatives, prévient-il, pourrait engendrer d’autres risques pour l’économie mauricienne. « D’abord, la politique monétaire se retrouve maintenant dans une situation stagnante. Puisque le repo rate est déjà à un taux minimal, une baisse additionnelle n’aura pas d’impact significatif », explique notre interlocuteur. Il élabore : « Quand le taux d’intérêt est déjà faible et que les compagnies et individus sont lourdement endettés, une autre réduction du taux d’intérêt n’est plus la solution. Les compagnies ont besoin de nouvelles injections de capitaux alors que les individus doivent, eux, vivre selon leurs moyens ».

Selon Kevin Teeroovengadum, les injections des Rs 60 milliards et des Rs 80 milliards de la Banque de Maurice au gouvernement et à la « Mauritius Investment Corporation » (MIC) respectivement seront source de pressions additionnelles sur le taux d’inflation et sur la dévaluation de la roupie, surtout dans un contexte où le tourisme, qui nous rapporte généralement Rs 60 milliards de forex, prendra du temps avant de redémarrer. Pour corser l’addition, le pays se retrouve dans une spirale infernale de la dette publique qui a grimpé dangereusement pour atteindre un niveau vertigineux d’où on ne pourra pas s’en sortir à court ou moyen terme. De toutes les façons, même si le gouvernement songe à contracter d’autres emprunts sur le plan international, il sera probablement confronté à des difficultés, incluant l’imposition d’un taux d’intérêt élevé avec la notation de Moody’s.

Enfin, nous dira l’économiste, « nous avons des problèmes structurels à résoudre, dont le vieillissement de la population. Le montant de la pension payable aux personnes âgées ne cessera d’augmenter d’année en année alors que notre économie ne produit pas suffisamment de richesses ». Moody’s a raison, souligne-t-il, de prévoir un contrecoup économique plus sévère que sa prévision de l’année dernière. Ce qui affaiblirait la politique économique et fiscale. « Il y a un défi énorme qui attend le pays. Je le dis depuis l’année dernière, les autorités ainsi que les Mauriciens sont en train de sous-estimer non seulement l’impact réel de cette récession, mais aussi des changements structurels qu’il nous faudra impérativement aborder en toute urgence. Au cas contraire, nous nous retrouverons dans une spirale descendante. Je dois rappeler que la crise grecque avait démarré quand la notation de Moody’s avait chuté de A1 à Baa2. Il y a beaucoup de similarités entre la situation grecque et mauricienne  », conclut Kevin Teeroovengadum.