Le waqf familial : incompréhensions et obstacles

Il est un fait indéniable que de nombreux terrains légués sous le waqf sont laissés  à l’abandon. Cet état des choses, tant décrié, semble laisser indifférents, d’une part les Muwatallis concernés, et d’autre part, le Waqf Board, qui n’a pas le pouvoir légal d’obliger un Muwatalli de développer une propriété waqf.

Il faut savoir que le waqf familial, connu sous le nom waqf awlad, a pour bénéficiaires essentiellement des membres de la famille, soit les héritiers immédiats ou futurs, toutes générations confondues. Cette situation a apporté son lot d’incompréhensions et de frustration chez les bénéficiaires, surtout ceux des générations actuelles, s’estimant lésés dans leurs droits en tant qu’héritiers. Cette frustration découle certes de l’incompréhension du concept même du waqf, mais aussi de l’absence de communication entre le Muwatalli et les autres bénéficiaires. De plus, il existe cette impression que le donateur, le waqif, leur aïeul commun, aurait dédié ses biens sous le waqf pour punir ses héritiers.

Il existe ainsi des situations où des bénéficiaires auraient fait des tentatives, par voie légale ou autre,  de récupérer une part des biens concernés. Dans un autre cas, un bénéficiaire, par alliance, aurait tenté de s’approprier une part des biens pour l’exploiter  à son profit. Il existe aussi un cas extrême où le Muwatalli, se trouvant à un âge avancé, aurait proposé à  des personnes capables d’exploiter un terrain sous sa responsabilité de leur vendre ses droits, soit transférer son mutawalliship contre paiement!

Aussi incongru que cela puisse paraitre, tout ceci est la conséquence directe d’un manque de compréhension du concept du waqf ainsi que le manque de confiance en Allah quant à Sa générosité en termes de récompenses pour la gestion d’un bien appartenant au Créateur. Car c’est de cela qu’il s’agit.

Pour rappel, le waqf est défini comme la donation, par le waqif, le donateur, d’un bien, ou de l’argent à Allah (swt) dans le but d’acquérir une récompense perpétuelle, le sawab-e-jariya. En plus de permettre à l’initiateur d’un projet waqf de bénéficier du Sawab-e-Jariyah, le waqf est aussi défini comme l’investissement d’un bien, d’une propriété ou de l’argent, dans le but de l’utilisation des revenus ainsi générés à des projets philanthropiques, l’allégement de la pauvreté ou le renforcement des capacités.

Il existe différents types de waqf, notamment le waqf à titre religieux, dont font partie certaines mosquées, le waqf philanthropique tel que des hôpitaux ou des universités, et le waqf-ul-awlad, dont les bénéficiaires sont les membres de la famille du waqif. Dans tous les cas, le waqf a ses spécificités, notamment le fait d’être perpétuel, donnant au bien légué son caractère d’irréversibilité et d’être irrécupérable.

Les héritiers directs, qui se sentiraient lésés dans leurs droits sur un bien, devraient réaliser, qu’à partir de l’acte de waqf par le waqif, celui-ci a cessé d’être le propriétaire du bien légué, ayant cédé son droit de propriété à Allah (swt).  Par conséquent, ceux qui se considéreraient comme étant des héritiers, des ayant-droits, auraient ainsi eux aussi perdu tout droit sur la dite propriété.

Cependant, au lieu de tout voir sous l’angle matérialiste, ils gagneraient à contribuer à développer le waqf en question en vue d’en retirer des revenus, dont une partie pourrait être dédiée à l’allègement de la pauvreté et contribuer au développement socio-économique de la société.

Tout en s’assurant de bénéficier matériellement du waqf, en le rendant productif, les bénéficiaires d’un waqf familial devraient aussi voir en la gestion du bien en question une façon de plaire au Créateur, car ils contribueraient à développer une propriété appartenant à nul autre qu’Allah (swt).

A l’opposé, ils devraient aussi considérer que laisser un terrain légué sous le waqf à l’abandon pourrait leur faire encourir la colère d’Allah. Il est estimé que laisser des terrains waqf à l’abandon est une trahison envers le concept du waqf, et envers le waqif, leur aïeul.  Ces propos qui peuvent choquer devaient nous inciter, ainsi que les Mutawallis qui ont des terrains waqf  sous leur responsabilité, et les bénéficiaires de waqf awlaad, à réfléchir sur leur responsabilité respective quant à  l’état d’abandon de la propriété placée sous leur responsabilité.  

A la décharge des Mutawallis, il fait reconnaitre néanmoins que cet état des choses est la conséquence de nombreux facteurs, dont le principal demeure le manque de compréhension, au sein de la communauté, du concept même du waqf. Parmi les autres facteurs, on peut relever le manque de connaissance, chez certains Mutawallis des principes de base de l’investissement et du management, le manque cruel de moyens financiers, ainsi que la léthargie ou l’indifférence des Musulmans sur le waqf.

L’impossibilité de recourir à des emprunts bancaires, sous garantie hypothécaire, contribue à la problématique du financement des projets sur des terrains waqf. La raison principale est la crainte de la perte de la propriété ainsi hypothéquée, conséquence de l’incapacité de remboursement de la dette. 

Au final, les biens légués en waqf comportent la richesse de l’Ummah. Il convient aux Mutawallis qui se trouvent dans l’incapacité de gérer de tels biens d’avoir recours à l’expertise de ceux potentiellement capables de les exploiter.

Mosadeq Sahebdin

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