Prix exorbitants des fruits saisonniers et des légumes

Avec l’été qui approche à grands pas, on s’attendait à se gaver de fruits de saison comme les ananas, les letchis, les mangues et les melons d’eau. Mais avec les prix affichés, il faudrait quand même faire gaffe à son portefeuille. Cap au marché central. Un ananas se vend entre Rs 100 et Rs 125 l’unité. Un peu plus loin, les mangues se vendent à Rs 100 la livre, tandis que le melon d’eau se vend actuellement entre Rs 500 et Rs 600 l’unité. Ce n’est pas mieux en ce qui concerne les légumes. Le ‘lalo’ se vend actuellement à Rs 250 la livre tandis que les ‘margozes’ se vendent à Rs 80 la livre.

Ajay, un marchand, nous indique qu’il vend un melon d’eau entre Rs 500 et Rs 700, dépendant de sa taille, tandis qu’une moitié se vend entre Rs 200 et Rs 350. « Prix la cher akoz fek sorti la », nous rassure-t-il. Il prédit qu’après deux ou trois semaines, les prix des melons d’eau baisseront car il y aura plus de ces fruits sur les étals. « Akoz fer chaud, boukou dimoun envi aster melondo », nous dit-il. Il prend des mangues dans sa main et nous les montre. Une mangue se vend entre Rs 20 et Rs 35, alors que trois mangues se vendent à Rs 100. Pourquoi est-ce si cher ? « Bann chauves-souris ine fer boukou degats dan plantations », lance-t-il.

« Ban zen nepli oule met la main dan la terre »

Bhurosy vend quant à lui des fruits plus difficiles à trouver, comme les grenades et les fraises locales. Chez lui, les grenades se vendent entre Rs 100 à Rs 150 l’unité, tandis que les fraises se vendent à plus de Rs 200 la livre. Ce qui explique ces prix, selon lui, c’est que la production a chuté car les jeunes ne sont plus intéressés à se tourner vers la plantation. « Ban zen nepli oule met la main dan la terre ditou », lance-t-il. Ainsi, en ce qui concerne les fraises, il y a peu de personnes qui veulent s’engager dans sa cueillette car ce fruit est cueilli en hiver, sur une plante qui a beaucoup d’épines et qui pousse sur des terrains montagneux.

Chez Beeharry, une banane se vend à Rs 8 l’unité. Selon lui, il y aurait actuellement une « pénurie de bananes » sur le marché, ce qui expliquerait ce prix relativement élevé. Il ajoute que la demande est toujours aussi forte pour les bananes mais que les plantations de bananes se sont considérablement réduites. Il constate aussi que les jeunes ne sont plus intéressés par l’agriculture. Qui plus est, « ena voler partou. Ou pe plante, lezot pe kokin », fait-il ressortir. Il a aussi souligné le fait qu’il n’y a aucune protection pour les planteurs qui sont victimes de vols de légumes ou de fruits de leurs champs.

Chez Ram Chamroo, marchand de légumes, le ‘mangoze’ se vend à Rs 80 la livre mais il affirme que d’autres marchands vendent ce légumes à Rs 90 la livre. Selon lui, ce serait la faible pluviosité qui occasionnerait cette flambée des prix des légumes. Il maintient que les gens continuent d’acheter les ‘margozes’ mais à demi-livre, vu qu’ils non pas le choix.

Une production locale qui ne fait que baisser

Le secrétaire de la Small Planters Association (SPA), Kreepalloo Sunghoon, fait une comparaison des prix avec la même période pour 2021, et selon lui, les légumes et les fruits se vendraient de 50 à 60 % plus cher cette année-ci. Quel sera l’impact sur les consommateurs ? L’agriculteur fait ressortir qu’à Maurice, certaines communautés et groupes religieux sont actuellement en période de jeûne et consomment beaucoup de légumes, et que définitivement, le prix des légumes pèsera lourd sur le porte-monnaie de ces derniers.

En ce qui concerne les fruits, Kreepalloo Sunghoon nous indique d’emblée qu’une production amoindrie est la cause principale de leur cherté. Selon lui, il y a une réduction dans la superficie de vergers, vu qu’avec le développement infrastructurel, de nombreux arbres sont abattus. Néanmoins, il tient à nous rassurer car une fois le ‘peak season’ atteint, les fruits seront plus abondants sur le marché, et on pourra définitivement compter sur une baisse des prix.

Les ananas récoltés par exemple, explique-t-il, n’étaient pas tous de qualité vendable et consommable. Une situation due à plusieurs facteurs. Les agriculteurs, ayant réalisé beaucoup de pertes, ont alors préféré diminuer la production de ces fruits. Pour le melon d’eau, qui se vend actuellement entre Rs 500 et Rs 600 l’unité, le secrétaire de la SPA nous indique que son prix baissera prochainement, avec plus de melons d’eau sur le marché. En ce qui concerne les letchis, il nous explique qu’il a plu très rarement ces derniers temps, et que cela pourrait se révéler néfaste pour les plantations des letchis.

« Aucune volonté politique pour apporter des changements »

En ce qui concerne les légumes, Kreepalloo Sunghoon fait ressortir que le pays traverse actuellement une sècheresse et cela fait environ trois mois depuis que nous n’avons pas eu de grosse pluie. Il prédit ainsi que dans les jours à venir, le consommateur éprouvera beaucoup de difficultés pour avoir des légumes à des prix abordables. Mais la raison principale qui affecte la production de légumes est que, comme pour les fruits, il y a un manque de planteurs. En outre, les planteurs qui restent sont découragés par la cherté des semences, des fertilisants, d’insecticides, des pesticides, par le manque de main d’œuvre et par la disponibilité de l’eau. Ce qui fait que beaucoup de planteurs ont réduit la superficie qu’ils cultivaient car ils dépensaient beaucoup trop d’argent par rapports à de maigres profits. Dans ce contexte, avec cette production locale amoindrie, il avance que plus de 80 % de nos produits alimentaires sont importés.

Un autre élément qui décourage les planteurs est l’omniprésence des voleurs, qui dévastent les champs. Kreepalloo Sunghoon estime que les vols dans les champs ont grimpé de 25 à 30 %. « Cela alors qu’il n’y a aucune volonté politique pour combattre ces vols », ajoute l’agriculteur. Mais selon Kreepalloo Sunghoon, des changements sont possibles « du moment qu’il y a une volonté politique ». Ainsi, « il faudrait avoir un ministre qui comprend l’agriculture ». Mais il se demande si tel est vraiment le cas actuellement. « J’ai à plusieurs reprises essayé d’attirer l’attention des autorités pour soutenir les planteurs pour que les Mauriciens puissent bénéficier des légumes à des prix raisonnables, mais peine perdue », nous dit-il, résigné.

Quelle stratégie préconise-t-il ? Selon lui, il faudrait en premier lieu chercher des moyens afin de stabiliser les prix des éléments nécessaires pour la plantation, comme les semences et les fertilisants. Il faudrait ensuite avoir un bon planning de notre production agricole basée sur la quantité de légumes et de fruits que le grand public mauricien consomme chaque mois. Il préconise aussi que le gouvernement introduise un système de ‘Land Bank’ car il y a des gens et des jeunes motivés qui veulent intégrer le secteur agricole mais n’ont pas de terrains à cultiver. « Tout cela est possible si on a une bonne stratégie », résume Kreepalloo Sunghoon.