Port-Louis Bunkering Hub…Illusions et déceptions d’un systeme archaïque

Après avoir comparé Port-Louis à Los Angeles, c’est maintenant au tour de Gilbratar d’être pris comme comparaison…Nul besoin de noyer ainsi le poisson ou d’étaler en public son manque évident de connaissance dans les spécificités des ports concurrents les plus proches !

Mais puisque dans le cas du bunkering hub, Gibraltar a été cité, permettons-nous cette incartade et jouons le jeu.

Gibraltar est géographiquement et avantageusement situé sur un corridor maritime très fréquenté ou transitent approximativement 80,000 navires chaque année. De plus Gibraltar présente et offre des atouts élémentaires de base que Maurice n’est toujours pas en mesure d’offrir. Ceci est essentiellement dû aux systèmes archaïques dénués de tout esprit commercial qui perdure au sein de l’autorité portuaire de Maurice et du ministère de tutelle.

Le gouvernement mauricien et la Mauritius Ports Authority (MPA) ne semblent nullement disposés à prendre les initiatives adéquates afin de franchir les obstacles freinant Port-Louis dans sa transformation en ce fameux Bunkering HUB que proclament haut et fort tous les gouvernements qui se sont succédé.

En janvier 2015, Xavier Duval, alors ministre du tutelle, et Vishnu Lutchemeenaraidoo, ministre des Finances, mal conseillés par quelques pequenots de la MPA, proclamèrent avec véhémence dans une édition de l’Express que Port-Louis était sur la bonne voie de devenir l’incontournable bunkering hub de la région. Je leur ai adressé une lettre officielle en leur demandant de « stop dreaming eyes wide opened ». Six années après, nous en sommes toujours au même stade des légendaires tergiversations et déclarations habituelles.

Entre temps, TOTAL qui opérait la barge CONGO a cessé ses operations, imité tout récemment par Vivo, ex Shell qui a lui aussi libéré sa barge Gulf Star en mettant fin à plus de 50 années de bunkering . Soulignons que  SHELL a été le pionnier du bunkering à Port-Louis avec la barge l’Ami Constant. Quelles sont les raisons derrière ces cessations d’activités ?


Le bunkering à Maurice demeure un marché non concurrentiel.

Il y a les coûts portuaires qui jouent au détriment de Port-Louis et cela fait maintenant des décennies que cette situation est décriée.

La MPA essaie de donner des allures de grandes manœuvres à quelques-unes de ses insignifiantes décisions déguisées en « incentives ». Mais il manque toujours cette volonté de faire et d’offrir plus afin d’attirer les armateurs et de faire de Port-Louis ce fameux HUB dont nous rêvons.

Contrairement à Gibraltar, Port-Louis ne fournit du bunker aux navires qu’à l’intérieur des limites portuaires. Ce qui implique des coûts portuaires suffisamment élevés. A Gibraltar, le bunkering se fait en dehors des limites portuaires.

La MPA avait, il y a quelque temps, exempté les navires prenant du bunker de la taxe de PIPELINE DUES qui est à USD1.15 par tonne de produit embarqué. Cette taxe vient d’être réinstaurée.

Si les chiffres avancés par la MPA sont exacts (640,746 tonnes) et que la MPA pense maintenir un tonnage similaire dans l’année qui suit, ce sera approximativement Rs29,474,316 que les armateurs auront à casquer en plus.

Venons-en aux chiffres des années financières, publiés par la Mauritius Ports Authority sur son site.

Financial Years16/17 17/18 18/19 19/20
Tons Supplied404837,00 550241,00 593229,00 692503,00
Tons difference 145404,00 42988,00 99274,00 
Percentage 35% 8% 16% 

Est-ce que de tels chiffres de croissance transformeront Port-Louis en BUNKERING HUB REGIONAL ?

Le succès du bunkering est nécessairement lié à la mentalité de gestion d’un port, a son souci de se mettre à l’avant-garde du progrès et de la technologie et surtout de se débarrasser d’une certaine étouffantebureaucratie afin de faciliter l’arrivée et l’entrée des navires dans notre port. Ce n’est pas demain la veille que cela changera. A la MPA, les mauvaises habitudes sont tenaces.

Port-Louis est le seul port de la région sinon du monde à exiger pas moins de 56 documents à être fournis par le Commandant d’un navire arrivant au port. Certains formulaires utilisés d’avant 1977 par la MPA, alors la MMA, ne voulant de nos jours rien dire, sont toujours exigés des navires. C’est cela le progrès, c’est cela l’avancement dans la transformation de Port-Louis en bunkering hub ?  Cet item est un débat en lui-même et cache de nombreuses zones d’ombre…..

En 2019, des consultants singapouriens ont été sollicités (à grand frais assurément) afin de faire des recommandations quant à l’assouplissement, la modernisation des procédures d’entrée de navire à Port-Louis. Voici ce que dit le consultant, Capt-Lee Cheng Wee

Regarding your query, we understand that the Mauritius Port Authority (MPA), had put out an “Open International Bidding” for bidders to develop a Maritime Single Window System in the last quarter of 2020. The bid closed on 10 Nov 2020. However, we are not aware if MPA had awarded the bid. Or if the bid was awarded, the progress of the development by the successful bidder. I hope this information helps.”

Pourquoi une firme Mauricienne a-t-elle été maintenant approchée afin, semble-t-il, de faire le même exercice ???

Le port malgache de Narinda Bay est en passe de devenir un point incontournable pour le bunkering 

Les conséquences seront dramatiques pour Port-Louis. Le positionnement de ce port est stratégique par rapport au couloir maritime qui transite par le canal du Mozambique de et vers l’Afrique de l’Est, les UAE, Inde, le Pakistan etc…

Ce traffic maritime ne va certainement pas préférer faire de grandes déviations vers Maurice quand d’autres facilités existent ailleurs. Cest cela la faiblesse et la pauvreté d’esprit de la Mauritius Ports Authority, Elle croit que les autres ports de la région se mettront volontairement en standby en attendant de voir ce que va faire Maurice.

Durant l’ère Wakashio, la MPA décida arbitrairement de restreindre le bunkering que le jour, pénalisant ainsi bon nombre de navires faisant la queue pour s’approvisionner.

Est-ce que ces armateurs affectés par de telles décisions irréfléchies s’amuseront à venir perdre leur temps à Port-Louis et à dépenser plus qu’il ne faut afin de plaire au gouvernement mauricien ?  Un navire est fait pour être en mer et c’est en mer qu’il coûte le moins cher, certainement pas au port.

Facture de la MPA jointe. Ce navire arrivé le 10/01/20 n’a eu son bunker que le 17/01/20. La note est salée. Savez-vous pourquoi ? Dans tous les ports du monde qui se respectent il y a la formule ‘first come first served’. Maurice est l’exception qui confirme la règle. Les fournisseurs font fi de ce principe au nez et a la barbe des autorités et favorisent le navire de leur petit copain en priorité avec la complicité de la MPA.

Le OCEAN MASTER n’aurait dû payer que USD 1,983 comme frais portuaires s’il avait été traité dès son arrivée. Au lieu de cela, il a attendu 7 jours et a payé USD 12,889.51. Est-ce ainsi que fonctionnera cet hypothétique Bunkering Hub ???

Je l’ai dit et je le répète, le jour où Madagascar se réveillera, Maurice s’écroulera. Il n’y a qu’à voir la performance de Tamatave par rapport à Port-Louis en ce qu’il s’agit de la manipulation des conteneurs. Trop de rêveurs ont cru que Port-Louis allait devenir le Transhipment Hub. Que voit-on aujourd’hui ? Over confidence without proper vision KILLS !!

N’oublions pas que l’Afrique du Sud a son ALGOA BAY qui se situe pratiquement à l’entrée sud du canal de Mozambique entre Port-Elizabeth et East London. Donc, vraiment pas nécessaire d’aller voir Gibraltar ou d’autres ports éloignés. Nos concurrents directs se trouvent à notre porte. Pendant que nous sommeillons sur nos lauriers d’illusions, ils s’activent et nous dévoreront très vite.

La MPA n’a toujours pas acquis les subtilités de l’esprit d’entreprenariat qui font des autres ports de la région ce qu’ils sont aujourd’hui. Elle a continuellement adapté sa politique d’ostracisme envers les port users en s’enfermant dans une coquille hermétique ou seul compte ce qu’elle pense et ce qu’elle décide…

L’autorité suprême quoi….. !!!

Maurice doit comprendre qu’il est primordial de se restructurer et d’évoluer vers un schéma économiquement fiable où tous les partis trouveront leurs intérêts respectifs.

Les choses évolueraient positivement avec des structures supportées par des capacités adéquates de stockage à terre, des barges performantes, un mind set orienté vers le futur, un esprit commercial envers la clientèle et une gestion minutieuse, proactive, professionnelle et irréprochable du port de Port-Louis. Pour le moment nous en sommes encore loin….

Par ailleurs, il ne faudrait pas, d’une part, ouvrir notre territoire aux premiers venants et d’autre part, jouer au delaying tactics dans l’octroi de permis d’opérations déposés par des entrepreneurs locaux.

Il semblerait que les opérations de bunkering de VIVO aient été vendues à un consortium danois dont le CEO fait l’objet de sérieuses poursuites pour « Breach of Euro sanctions » ayant livré du carburant au régime syrien pendant la guerre civile. Et il semblerait aussi que cette nouvelle entité ait été reçue par les autorités locales à bras ouverts et aient bénéficié du « fast track » afin que toutes ses licences soient obtenues dans un munimum de temps. Bis repetita de l’affaire Sobrino. Est-ce que le gouvernement mauricien a fait due diligence sur cette société danoise ou a-t-il simplement regardé le CEO dans le blanc des yeux et conclu qu’il était blanc comme neige ? Pourquoi cet état d’esprit maladif à toujours croire que les étrangers peuvent mieux faire que les locaux ?

Maurice a aussi par crédulité perdu le lucratif business de débarquements et embarquements des gardes de sécurité armés et non armés en faveur de Moroni. Il ya quelques années, je prévenais la MPA (Deputy Director General et son Finance Director) du danger que représentait Moroni pour Port-Louis. On me répondit que je ne pouvais comparer un port de brousse avec Port-Louis !!

Post covid, Moroni accueillait près de 200 navires/mois au détriment de Port-Louis….et cela continue !!!

Aujourd’hui, par manque de vision et de volonté, la majorité des navires qui opéraient les rotations d’équipages à Port-Louis sont déviés sur la Réunion, cette dernière ayant gardé et son aéroport et son port ouverts au plus fort du COVID. Aujourd’hui, ce business s’est aussi envolé vers La Réunion au détriment de Maurice. Ces navires ne sont pas taxés de frais portuaires à La Réunion. A Maurice si !!!

A titre de comparaison Frais portuaires :

Port-Louis USD2800 minimum La Réunion USD 0.00. Voilà le génie MAURICIEN !!!!

Port-Louis doit impérativement se reconstruire et évoluer dans son approche du commerce extérieur. Autrement aucun espoir n’est permis.

Le MONDE n’a pas besoin de nous…nous avons besoin de LUI !!!!

NOTE : Les points de vue exprimés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement ceux de la rédaction et n’engagent que les auteurs eux-mêmes.