Rajen Narsinghen, responsable de la faculté des droits à l’UoM 

 “La démarche du cabinet est ridicule!”

Q: Une commission d’enquête pour faire la lumière sur l’institution d’une autre commission d’enquête. A-t-on déjà vu une situation similaire à Maurice ?

Non, c’est une première. Je crois que cette nouvelle commission d’enquête (ndlr : celle instituée par le Conseil des ministres), en vertu des sections 83 et 81 de la Constitution, usurpe les pouvoirs de la Cour suprême et du Conseil privé de la Reine. C’est un non-sens puisque les juristes de l’ancienne présidente peuvent invoquer l’article 30 (A) pour dire qu’elle bénéficiait de l’immunité et qu’elle ne peut donc faire face à une commission d’enquête. Elle peut aussi arguer qu’elle a agi conformément à la Constitution en vertu de la section 28(1)(b). D’ailleurs, selon l’article 64(5) de la Constitution, personne ne peut contester sa décision en cour. À mon avis, c’est tout à fait possible qu’elle n’ait même pas à se présenter devant cette commission d’enquête. Raison pour laquelle je trouve cette démarche ridicule !

Q : Le PMO fait-il donc fausse route ?

Je pense que si le gouvernement voulait vraiment ‘take the president to task’, il aurait dû l’amener devant un tribunal comme prévu par la Constitution. Il se peut qu’il y ait eu une ‘breach of ethics’ ou ‘breach of obligations’ mais pas nécessairement une ‘breach of law’.  Sinon, sir Hamid Moollan QC, qui est un grand juriste, n’aurait pas, à mon point de vue, accepté de présider cette commission d’enquête.

Q : Quid de son immunité devant ce tribunal ?

Elle bénéficie de l’immunité aussi longtemps qu’elle assume les fonctions de présidente. Si elle agit en une autre capacité, elle n’en bénéficie pas. Par exemple, le gouvernement aurait pu instituer une commission d’enquête sur ses liens avec Alvaro Sobrinho car ceux-ci ne relevaient pas de ses fonctions présidentielles. Je me demande pourquoi l’Assemblée nationale n’a pas été rappelée pour annoncer la démission de la présidente, comme stipulé dans la Constitution.

Q : Cette commission d’enquête n’est donc qu’un leurre ?

C’est une perte de temps et un énorme gaspillage des fonds publics. Les travaux vont traîner pendant un à deux ans puisque la commission devra à un certain moment suspendre ses auditions pour permettre à la Cour suprême et au Conseil privé de la Reine de trancher.