Rencontre confirmée entre des cadres de l’EDB et Henley & Partners

Passeport et citoyenneté mauriciens

  • Cette réunion a eu lieu une semaine avant la présentation du Budget

Annoncé en fanfare la semaine dernière lors de la présentation du Budget 2018-2019, le projet visant à «vendre »  la citoyenneté mauricienne connait déjà des chamboulements.  Plusieurs voix se sont élevées au courant de la semaine et les questions suivantes ont fait surface.  Y a-t-il eu une étude sur l’impact social d’une telle mesure ? Et quels seront les risques pour l’image du pays ? Rien n’est moins sûr. Le gouvernement songe à une expertise étrangère sur la question, mais, le nom de l’institution internationale évoqué, Henley & Partners, ne rassure guère. 

Marwan Dawood

Pravind Jugnauth l’a dit. La citoyenneté mauricienne serait octroyée à des étrangers contre le paiement de la somme de Rs 35 millions soit $ 1 million.  Une annonce qui inquiète non seulement le monde politique mais également celui des affaires.  Sommes-nous prêt à émuler la Grenade, la République Dominicaine, Malte, Chypre ou Antigua-et-Barbuda ?  Avons-nous l’expertise nécessaire pour ce genre d’opération ? Non ! est la réponse et c’est justement la raison pourquoi le gouvernement mauricien et l’Economic Development Board devront se tourner vers une expertise internationale dans le but d’implémenter un tel projet, une fois le Finance Bill voté.

Le nom d’une entreprise revient alors avec insistance depuis quelques jours. Henley & Partners dont le dirigeant principal n’est nul autre que l’homme d’affaires, Christian Kalin.  Une enquête internationale et plusieurs sites d’informations révèlent que l’homme d’affaires à lui seul compte plus de 38 «negative media articles » mais aussi le statut de «Politically Exposed Person (PEP) » et en fouillant au plus profond, il nous revient que Henley & Partners serait au centre d’un nombre conséquent d’allégations politiques et financières qui ont parfum de scandales.  Par exemple, le 20 decembre 2017, l’un des plus fiables des sites d’informations, The Shift, révéla que Henley & Partners avait «awarded a mutlmillion-euro contract to act as agents of Malta’s Cas for Citizenship Scheme, are embroiled in yet another scandale in which a 40-year-old Pakistani national was issued a Grenada diplomatic passport in mysterious circumstances […] ». Cependant, malgré les nombreuses allégations, Henley & Partners n’a toujours pas été inquiété par la justice mais selon les observateurs de ce secteur, leur donner un contrat exclusif dans ce projet contient inévitablement des «reputational risks ».

Rencontre entre EDB et Kalin ?

Nos sources font état d’une rencontre dans la foulée de la préparation du Budget 2018-2019 entre Christian Kalin et Charles Cartier.  Une rencontre également évoquée par Shakeel Mohamed, député du PTr au parlement vendredi.  Ce dernier a également mentionné le nom d’un haut-cadre de la Banque de Maurice qui a nié les dires du député rouge.  Par ailleurs, selon nos informations, il y aurait eu au total 6 rencontres entre Kalin et Cartier sur les deux dernières années, mais ce dernier n’était à l’époque pas encore nommé à la tête de l’Economic Development Board.  Des rencontres que Charles Cartier dément toutefois avoir eues (voir hors-texte).

Le cas Malte

C’est en mai 2017 qu’il a été révélé que Kalin était en complicité avec le Premier ministre maltais, Joseph Muscat ( ce dernier intervient souvent dans les évènements de Henley & Partners, comme l’année dernière à Dubaï) et le ministre de la Justice de Malte, Owen Bonnici, avec le cabinet d’avocats Mishcon de Reya (impliqué dans l’octroi du passeport diplomatique de la Grenade au Pakistanais) afin de poursuivre la journaliste d’investigation, Daphne Caruana Galizia, mais par la suite assassinée pour s’être intéressée de trop près aux scandales de la citoyenneté de Malte par le biais d’un programme d’investissement, ayant exposé la corruption gouvernementale de haut niveau liée à la vente de passeports, révèle un consortium international nommé Forbidden Stories.

La mesure qui fâche !

Depuis quelques jours, suivant les voix qui se sont élevées dans le public concernant le projet de la «vente» de la citoyenneté mauricienne,  la mesure budgétaire fâche.  Au sein même du gouvernement, ils sont plusieurs qui ne comprennent pas comment le Premier ministre et ministre des Finances a pu prendre une telle décision et venir de l’avant avec une telle mesure.  Maintenant que le public est au courant des tractations ébruitées entre l’EDB et Henley & Partners, et les dessous de cette affaire, la mesure budgétaire de Pravind Jugnauth devient de plus en plus embarrassante pour le gouvernement en place.  Tellement embarrassante qu’au Prime Ministers’s Office, on travaillerait déjà pour que la mesure de Pravind Jugnauth soit…struck off !

Charles Cartier dément touter encontre avec Kalin

Y-a-t-il eu de rencontre ou pas ? C’est la question que nous avons posée  à Charles Cartier, Chairman de l’Economic Development Board.  Ce dernier a dans un premier temps soutenu n’avoir rencontré Christian Kalin qu’une seule fois.  « Ce monsieur  nous a rencontré une seule fois. À aucun moment nous avons parlé des mesures qu’il y avait sur le budget. Il nous a présenté sa société et nous a présenté ce qu’il a fait dans d’autres pays qui ressemble beaucoup à ce qu’on a dans la mesure du budget. À aucun moment on a signifié l’intention de créer un nouveau scheme. Ça n’a jamais été dit. Nous l’avons rencontré une seule fois pendant une heure et voilà », explique Charles Cartier. Ce dernier dément également les six rencontres qu’il aurait eues avec Kalin auparavant. « Non non, je le connaissais pas ce monsieur.  Je l’ai rencontré une seule fois », insiste-t-il.  Cependant, le Chairman de l’EDB devait alors revenir sur ses dires quelques minutes plus tard. En effet, il allait nous rappeler pour cette fois-ci démentir toute rencontre avec Kalin.  « J’ai bien fait de vérifier. Ce n’est pas ce monsieur que nous avons rencontré.  Et puis il faut dire très clairement, on n’a pas rencontré Henley dans l’optique du budget.  Il voulait juste nous expliquer ce qu’il faisait. Les modèles sur lesquels ils travaillent sont complètement différents du scheme qui a été mis en place. Ils sont différents. Donc les informations dites sont fausses ». Y a-t-il eu un intérêt exprimé par Henley & Partners ? «Je ne sais pas ce qu’ils veulent.  Mais c’est complétement différent » affirme-t-il.

Quelque temps après, un haut cadre de l’EDB,  qui a tenu à garder l’anonymat, nous a appelé pour confirmer la rencontre entre EDB et Henley & Partners mais, «ce n’est pas Christian Kalin. C’est un dénommé Dominic B. que nous avons rencontré », nous a confirmé notre interlocuteur.