[Suppression des réseaux sociaux] La dictature s’installe

Les autorités mauriciennes ont ordonné hier, vendredi 1er novembre 2024, la suspension totale de l’accès aux réseaux sociaux jusqu’au 11 novembre. Cette mesure draconienne, qui s’apparente à une véritable censure numérique, a été imposée sans préavis à la population.

L’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), le régulateur des télécommunications, a invoqué dans un communiqué de manière floue des “contenus audio” qui menaceraient prétendument la sécurité nationale et les relations internationales du pays. Une justification qui peine à convaincre, alors que les détails sur la nature exacte de ces menaces restent délibérément vagues. Cette décision autoritaire, qui rappelle les méthodes de régimes peu démocratiques, a forcé les fournisseurs d’accès Internet à restreindre l’accès aux plateformes les plus utilisées, portant potentiellement ainsi atteinte à la liberté d’expression des citoyens mauriciens.

Les autorités se sont contentées dans un premier temps de promesses creuses d’un “prompt retour à la normale” via un bref communiqué du PMO, sans fournir le moindre calendrier précis ni garantie. Cette censure, bien qu’habillée d’un vernis légal à travers les sections 18(1)(o) et 17(1) de l’ICT, a soulèvé de sérieuses questions sur l’état de la démocratie dans le pays et la capacité des autorités à gérer les crises autrement que par des mesures extrêmes portant atteinte aux libertés fondamentales.

Dans un communiqué publié ce même jour, l’ONG Transparency Mauritius a vivement réagi à cette décision, la qualifiant d'”atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information”. L’organisation souligne particulièrement le caractère préoccupant de cette mesure en période électorale, rappelant que l’accès à l’information est “essentiel pour permettre aux citoyens de faire des choix éclairés et de participer pleinement au processus démocratique”. L’ONG exige que toute décision de cette envergure, touchant aux libertés fondamentales, soit soumise au Parlement, “garant de l’équilibre démocratique”, et appelle les autorités à reconsidérer urgemment leur position.

Rétropédalage du PMO

En début d’après-midi, le PMO a convoqué certains responsables des médias radio et de la presse écrite pour une réunion d’urgence, révélant un changement significatif dans sa position. Le bureau du Premier ministre a en effet avancé avoir été victime d’une cyberattaque ayant compromis son système informatique et ses lignes téléphoniques fixes, mettant potentiellement en danger la sécurité de l’État. Cette nouvelle version des faits contraste fortement avec la justification initiale de l’ICTA concernant des “contenus audio” menaçants. Le PMO a annoncé que l’accès aux réseaux sociaux serait rétabli “d’ici quelques heures”, précisant que la décision de l’ICTA était indépendante de l’enquête en cours sur cette cyberattaque. Il a par ailleurs été annoncé que le Premier ministre allait s’adresser prochainement à la nation pour fournir des explications plus détaillées sur cette situation confuse.

Par ailleurs, dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, on a pu entendre Xavier Duval, leader du PMSD et membre de l’Alliance Lepep, s’adresser à des personnes âgées pour leur expliquer que la suppression de l’accès aux réseaux sociaux était due au fait que des conversations téléphoniques entre Pravind Jugnauth et les chefs d’État américain et anglais concernant Diego Garcia et les Chagos ont été interceptées et écoutées et que cela aurait mis en péril la sécurité de l’État mauricien.

Navin Ramgoolam : «  Pravind pe rod tou kalite excuse pou renvoy élection » 

Navin Ramgoolam, leader de l’Alliance du Changement, a déclaré dans une conférence de presse au Hennessy Park hier après-midi : « Ler tres tres grave ! Nou patri en danger ! Tou morisiyen gramatin inn soke, lanation entie finn soke akoz gouvernment finn donn lord pou blok tou platform reseaux sociaux ziska 11 novam. Gouvernment Jugnauth pe priv nou de nou liberte dexpression. Ceki ve dir ki zis MBC, ki ene outi propagande pu kapav continiye diffise ban images propagande du MSM. Zot pe blok nou droit a linformation. Ena ban verites ki pe sorti ki li pe envi empess nou koner. Li ene atteinte a la democratie.Dan zot panik, zot koner ki zot pe perdi election, alors zot pe accross zot au pouvoir. » Il a ensuite ironisé sur le fait que Pravind Jugnauth, après avoir annoncé qu’il allait offrir l’internet gratuit à tous les jeunes de 18 à 25 ans, bloque maintenant lui-même l’accès à internet.

Navin Ramgoolam a aussi évoqué que le fait que nous soyons en période d’examens génère beaucoup de stress pour les élèves et étudiants, et que les personnes âgées ont été privées d’une source primordiale de divertissement. « Ceki pe ariver zame inn ariv dan ene pei democratik. Pei en grand danger. Pa cede a la provocation, pa donn PJ ene raison pou li renvoy election. Mo appel au calm. Servi ou droit de vote pou sanctionne sa gouvernement kinn prive nou de nou liberté et so ban mesures totalitaires. Pe rod tou kalite eskiz pou pa perdi eleksion. Lepep ki souverain, pa kapav empess li exercer so droit souverain ek li bizin fer tane so lavoi le 10 dan dernier meeting lallians a Porlwi », a-t-il conclu.

Les autres leaders de l’alliance, Richard Duval, Paul Bérenger et Ashok Subron, ainsi que Shakeel Mohamed également présent, se sont joints à Navin Ramgoolam pour dénoncer la dérive vers la dictature que connait le pays, et pour lancer un appel au calme. Ils ont invité les électeurs à sanctionner le gouvernement sortant à travers les urnes.