Dix ans après l’effondrement du groupe British American Investment (BAI), les blessures restent béantes pour de nombreuses victimes de la politique vengeresse de l’ancien gouvernement MSM. Mavis Latchman, retraitée et ancienne actionnaire de la Bramer Asset Management Ltd (BAML), sort de son silence pour dénoncer la violence morale du retour sur la scène médiatique de Vishnu Lutchmeenaraidoo, ancien ministre des Finances. Ce dernier, lors d’une conférence de presse tenue le 18 avril 2025, a réaffirmé que le groupe BAI opérait selon un schéma de type Ponzi. Et ce alors que l’ancien ministre Mentor sir Anerood Jugnauth avait lui-même confirmé à l’Assemblée nationale qu’aucune poursuite n’avait été logée contre les 14 personnes qui avaient été arrêtées dans le sillage de l’affaire BAI. Ce qui prouvait que les allégations du gouvernement à l’effet que la BAI opérait un ponzi n’étaient que du vent…
Pour rappel, c’est en réponse à une question de Reza Uteem, alors député de l’opposition, que le ministre Mentor avait fait cette révélation. « I am informed by the Commissioner of Police that 14 persons were arrested during the course of enquiry and were released on bail […] the DPP advised no further action against the 14 persons », avait répondu sir Anerood Jugnauth. Ce qui avait poussé le député du MMM à lui demander : « May I take it from the Rt. hon. Minister Mentor that, in fact, there was not any Ponzi or Ponzi-like Scheme? » Ce à quoi, l’ancien Premier ministre, qui avait été l’un des premiers à avoir fait état d’un « vaste ponzi de Rs 25 milliards » au sein de la BAI, avait tenté de repousser la question en réitérant que « the police enquired and when the enquiry was over, the files were submitted to the DPP and after considering, the DPP found that no further action should be taken ».
Alors que Vishnu Lutchmeenaraidoo a finalement décidé de sortir de sa profonde méditation six ans après sa démission du gouvernement MSM, pour parler de nouveau de « ponzi scheme », des victimes ayant fait les frais de la vendetta du MSM ne cachent pas leur colère. « Tel un renard qui serait sorti de sa tanière, il revient avec encore plus de haine et d’agressivité pour attaquer l’ex-BAI/Bramer », déplore ainsi Mavis Latchman. Le moment choisi par Vishnu Lutchmeenaraidoo pour s’exprimer, un Vendredi Saint — à l’instar du jour du démantèlement du groupe BAI en 2015 — est perçu par cette battante comme une provocation symbolique : « Remuer le couteau dans la plaie ce jour-là, c’est un manque de respect envers la communauté chrétienne. »
Mavis Latchman rejette catégoriquement les allégations selon lesquelles le groupe BAI aurait été un système frauduleux. « Quel a été l’impact des retraits massifs par les entités gouvernementales sur la liquidité de la banque ? Qu’en est-il des ‘massive share transactions’ ? En tant qu’actionnaire, je maintiens que la BAI n’était pas un système de Ponzi, mais qu’il y a eu un cas de ‘délit d’initié’ opéré par l’ancien gouvernement du MSM. Pourquoi les différentes institutions n’ont-elles pas répondu à mes correspondances ? », questionne-t-elle. De la même manière, elle s’interroge sur le silence prolongé de l’ancien ministre entre 2009 et 2015, alors qu’il affirme aujourd’hui posséder des preuves accablantes contre le groupe. « Pourquoi n’avoir rien dit ou fait pendant ces six ans avant le crash, surtout s’il détenait des preuves et qu’il y avait eu les cas de Whitedot et Sunkai ? », se demande-t-elle.
Elle pointe également du doigt une série de retraits suspects : « Plusieurs ministres de l’époque, y compris Sir Anerood Jugnauth, Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain, ont retiré leur argent quelques semaines avant l’effondrement. Est-ce une coïncidence ? » De plus, Mavis Latchman critique l’affirmation selon laquelle les clients auraient bénéficié de taux d’intérêts exorbitants : « Vishnu Lutchmeenaraidoo parle de 14 %, mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un à qui on avait proposé cela. Le 26 mars 2015, soit quelques jours avant le crash, j’ai renouvelé un investissement dans la Bramer Asset Management Ltd pour 5 ans à 8% l’an. Le taux était de 6% pour une année. » Elle insiste par ailleurs sur le fait que les fonds de BAML étaient investis dans des actifs tangibles : « Ces terrains et bâtiments étaient là. Dawood Rawat ne pouvait pas les emporter avec lui. Alors, où sont-ils passés ? Qui les a vendus ? À quel prix ? »
Au-delà des pertes personnelles, Mavis Latchman s’insurge contre ce qu’elle considère comme un pillage organisé : « Le gouvernement MSM avait nationalisé la banque et la compagnie d’assurance, s’appropriant ainsi tout un conglomérat sans verser un sou. » Elle réagit vivement à la stigmatisation des investisseurs : « Les insultes n’en finissent pas. Sir Anerood nous a traités de ‘zougadères’ pour avoir investi dans des compagnies régulées par les institutions. C’est repris par Vishnu Lutchmeenaraidoo. Déduction : si les clients de BAI/Bramer étaient des ‘zougadères’, des ‘greedy people’, cela voudrait dire que Sir Anerood Jugnauth, Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain – qui avaient eux aussi investi – l’étaient également. »
Enfin, Mavis Latchman répond à l’argument de Vishnu Lutchmeenaraidoo selon lequel Dawood Rawat ne serait réapparu qu’après dix ans et un changement de régime : « Il semble avoir oublié les persécutions subies par sa famille. » Et de poursuivre avec une remarque acerbe sur la longue absence de l’ancien ministre : « Peut-être qu’il était trop occupé à faire fructifier son fameux Euroloan d’environ un million de dollars, obtenu à 1,5 % auprès de la State Bank of Mauritius. »
Sur une note plus spirituelle, Mavis Latchman réagit à l’évocation de Dieu par l’ancien grand argentier : « C’est bien qu’il parle de Dieu, et de vérité. Car Lui seul connait toute la vérité. Et je suis sûre qu’un jour, Il la fera éclater au grand jour. » Une conclusion qui résonne comme un espoir – ou un avertissement.
Une affaire d’État aux répercussions durables
En avril 2015, le groupe BAI, dirigé par Dawood Rawat, fut brutalement démantelé par le nouveau gouvernement MSM de l’époque, mené par Sir Anerood Jugnauth. Accusé d’être un système Ponzi à travers son produit ‘Super Cash Gold’, le groupe ne fut pourtant pas attaqué sur ce produit, mais via la Bramer Bank. Un retrait massif de fonds orchestré par des entités publiques provoqua une crise de liquidité fatale, suivie de la révocation de la licence bancaire. Le National Property Fund Limited fut ensuite mis sur pied pour liquider les actifs, provoquant des pertes importantes pour les investisseurs.
En 2025, Dawood Rawat est revenu sur le devant de la scène avec une plainte ainsi qu’une réclamation de Rs 100 milliards à l’État déposée devant la Cour suprême. Il accuse l’ancien gouvernement d’avoir orchestré un démantèlement planifié, soutenu par un rapport d’Interpol soulignant le caractère politique de l’affaire.