[VIDÉO]Navin Ramgoolam « L’arme communale, la dernière arme des Jugnauths »

Dans l’entretien qui suit, l’ancien Premier ministre et leader du PTr aborde des sujets d’actualités. Le Dr Navin Ramgoolam fustige le gouvernement en place et évoque la nécessité d’une politique de rupture ainsi que le rajeunissement de la classe politique…

 Zahirah RADHA

Q : Dans un de vos derniers posts sur Facebook, vous accusez le Premier ministre de « dereliction of duty ». Pourquoi ?

C’est tellement clair. Il a abdiqué à ses devoirs par négligence. Il n’y a rien de plus grave pour un Premier ministre que d’abdiquer, probablement consciemment, de ses responsabilités. Surtout lorsqu’on sait ce que transportait possiblement le Wakashio. Ce qui est encore plus grave, c’est qu’aucune action n’a été prise quand le Wakashio a soudainement changé de cap pour se diriger directement vers le sud-est de l’île Maurice le 20 juillet. Même si les radars ne fonctionnaient pas, ce qui est quand même inacceptable, nous aurions pu le vérifier sur les satellites.

D’ailleurs, pourquoi les radars n’ont-ils pas été réparés tout de suite ? Environ Rs 6 milliards ont été dépensés sur un stade éléphant blanc à Côte d’Or et Rs 19 milliards dépensés sur des caméras visant à surveiller les citoyens alors que la réparation des radars a été laissée sur la touche. Les caméras des prisons ne fonctionnent également pas. C’est une légèreté inacceptable. Soit vous êtes responsable du pays, soit vous ne l’êtes pas ! Raison pour laquelle le peuple veut « fou li dehors ». Il est temps pour qu’il parte !

Je vois un autre mensonge qui surgit à l’effet que le Dhruv était en panne d’essence. J’avais fait l’acquisition de cet hélicoptère expressément parce qu’il a deux moteurs et qu’il pouvait voler de Maurice à Agaléga d’un seul trait. Raison pour laquelle l’on réclame une commission d’enquête pour qu’il n’y ait pas de ‘cover-up’.

Ceci dit, pour revenir au premier naufrage, rien n’a été fait, non plus, le 23 juillet quand le navire est entré dans nos eaux territoriales. Et ce jusqu’au naufrage survenu le 25 juillet. Est-ce acceptable qu’un navire change de cap, entre dans nos eaux territoriales et arrive jusqu’à nos côtes sans que rien ne soit fait ? Et s’il s’agissait de terroristes ? Le premier devoir d’un ministre de l’Intérieur, c’est d’assurer la sécurité de la nation. Malheureusement, il a lamentablement failli dans ses devoirs.

 

Q : Pour quelles raisons contestez-vous l’institution d’une « Court of Investigation » ?

Il le fait par exprès, c’est évident. Une « Court of Investigation » est limitée. Ce qu’il nous faut savoir, c’est qui sont les coupables. Les premiers coupables, c’est Pravind Jugnauth lui-même ainsi que ses deux ministres, Kavy Ramano et Sudheer Maudhoo. Il y a une tentative de ‘cover-up’ en cours. Concernant le deuxième naufrage, des personnes sont décédées alors qu’elles avaient prévenu du danger qu’elles encouraient. Qui leur a ordonné de partir ? Je constate que deux boucs-émissaires ont été sanctionnés. Étaient-ce eux qui avaient donné ces instructions ? Comment le remorqueur Sir Gaëtan a-t-il pu être utilisé alors qu’il avait déjà été ‘decommissioned’ ?

 

Q : Les Capitaines Barbeau et Newoor ont été priés de ‘step down’ dans le sillage du naufrage de ce remorqueur. Cela ne contraste-t-il pas avec celui du Wakashio où il n’y a toujours pas eu de sanctions?

C’est l’attitude typique de Pravind Jugnauth que de trouver des boucs-émissaires. Ces deux personnes sont-elles responsables ? Je ne peux le dire. Ce n’est qu’une commission d’enquête qui pourra l’établir, et non pas une « Court of Investigation ».

Pourquoi les responsables du dossier Wakashio n’ont-ils pas été sanctionnés ? Avant même que le navire ne vienne dans nos eaux territoriales, le ‘Landing Step’ de l’ADSU avait eu des informations à l’effet qu’une grosse cargaison de drogues était attendue par voie maritime. Cette information a été communiquée au nos. 1 et 2 de l’ADSU le 22 juillet. Deux jours plus tard, soit le 24 juillet, sept des douze officiers ont été virés de cette unité. Seuls cinq officiers n’ayant pas d’expérience y ont été maintenus. Conséquence : il n’y a pas eu de vérification en dépit de cette importante information. Ce qui est contraire à la mission principale du « Landing Step ».

 

Q : Ces deux naufrages ont mis en lumière les défaillances de notre système de surveillance et de sécurité maritime. N’est-ce pas inquiétant ?

Je dois faire ressortir que j’avais pris des actions immédiates suivant l’épisode Angel 1. J’avais fait l’acquisition des caméras de surveillance modernes de l’Inde et d’un hélicoptère de deux moteurs pouvant effectuer de longs trajets et fait installer des radars sophistiqués. À cette liste s’ajoute aussi l’achat du Barracuda, qui comporte un ‘helicopter pad’ ainsi qu’une mitrailleuse lourde – ce qu’on n’avait pas auparavant – afin de neutraliser toute embarcation suspecte. Naturellement, on aurait pu renforcer ce système. Mais en dépit de tous ces équipements, on a reculé de 30 ans car aucune action n’a été prise.

 

Q : Si vous étiez Premier ministre, quelle aurait été la première action que vous auriez prise pour remédier à la situation existante, surtout concernant les accidents en mer ?

Je vous donne la garantie que si j’étais Premier ministre, il n’y aurait jamais eu l’affaire Wakashio. Dès qu’il s’était pointé vers Maurice, je me serais assuré qu’il soit intercepté et qu’il soit éloigné de nous.

Ils savent sans doute pourquoi rien n’a été fait tandis que ce navire contenait une cargaison suspecte. Pourquoi le rapport de la commission d’enquête a-t-il été mis au tiroir alors qu’elle a bouffé une grosse somme d’argent ? La première action préconisée dans ce rapport était le démantèlement de l’ADSU. Au lieu de démantèlement, Pravind Jugnauth a flatté cette unité. Rien n’a été fait non plus dans les cas de la tractopelle et de Dewdanee. N’oubliez pas comment le CI Jagai, qui avait interpellé Dewdanee, avait été transféré pour que l’enquête soit étouffée. Si dimoune pas trouvé la, zotte pas pou trouve jamais !

 

Q : Avec notre tourisme et notre écologie qui sont affectés, le pays ne risque-t-il pas d’être asphyxié économiquement ?

Voilà le résultat quand un gouvernement prend le pouvoir sans être élu. Le pays n’aurait pas connu ce désastre économique si j’étais à sa tête! Pour répondre à votre question, je le dis depuis belle lurette. Il devait y avoir une ‘exit strategy’. Le pays ne peut pas rester confiné éternellement. Sinon, tous les hôtels devront fermer leurs portes. À moins que les proches de la famille Jugnauth ne fassent l’acquisition de ces hôtels sous des prête-noms.

On aurait dû prendre l’exemple sur d’autres pays qui ont déjà ouvert leurs frontières, tout en prenant des précautions. Ensuite, il faut qu’il y ait des tests massifs de dépistages. Il nous faut aussi des centres de quarantaine appropriés, contrairement à ceux qui opèrent actuellement et qui suffisent à rendre malades les gens. Il faut ensuite qu’il y ait un ‘follow-up’ adéquat. Or, je je n’ai vu point de stratégie jusqu’à maintenant.

 

Q : Il semble que c’est ‘business as usual’ pour le gouvernement, surtout avec avec les nominations des proches qui se poursuivent. Cette attitude ‘je m’en foutisme’ ne sera-t-il pas fatal pour le pays ?

Bien sûr que ce sera fatal pour le pays ! Un autre mensonge a été propagé concernant le prétendu refus de la double nomination du père de Maneesh Gobin. N’avait-il pas été consulté au préalable avant qu’il soit nommé ? Comment peut-on nommer quelqu’un sans sa permission ? C’est la réaction du peuple qui l’a fait reculer, c’est clair. Je trouve scandaleux la façon dont le gouvernement vaque à ses occupations comme si de rien n’était alors que le pays est au bord du précipice.

 

Q : Que doit-on faire pour que la campagne communale menée par certains ne mène pas vers une explosion sociale ?

Tant qu’il n’y a pas de rassembleur à la tête du pays, la situation ne changera guère. Ce sont les Jugnauths qui sont derrière cette campagne communale dégoûtante. C’est leur dernière arme. Je le dis sans ambages parce qu’ils ont toujours agi ainsi. Les Hindous ne tomberont pas dans ce piège. Je demande à la population de lire une lettre ouverte, signée par ROH, et qui est adressée aux instigateurs de cette campagne communale. Les vrais Hindous comprendront le sens de son contenu. Une pareille campagne communale avait été menée en 1995 contre moi et le PTr. On nous avait boycotté. Mais les gens raisonnent plus maintenant. Ils comprendront qu’aucune communauté n’est en danger. Au contraire, on doit rassembler tout le monde. Raison pour laquelle nous avons participé à la marche du 29 août.

 

Q : La population réclame surtout un changement radical du système. Le PTr et ses éventuels affiliés peuvent-ils répondre à cette attente ?

Je suis heureux d’être quelqu’un qui a de la vision ! Quand j’avais parlé de rupture en 2014, elle avait été mal interprétée. Ce ne sont pas des candidats dont je parlais quand j’évoquais cette rupture, mais plutôt d’une politique de rupture, soit un changement du système. C’est précisément parce que j’ai été Premier ministre que j’ai vu et réalisé que des développements ne seraient pas possibles sans une rupture du système. Notre manifeste électoral de 2019 faisait état de cette rupture. Il faut absolument un changement fondamental du système et il y en aura.

 

Q : Que dîtes-vous aux jeunes qui réclament un rajeunissement de la classe politique ?

Ils ont parfaitement raison ! J’ai pris note d’une campagne qui est menée contre les dynasties politiques. Je tiens à rappeler que je n’ai pas fait de la politique du vivant de mon père. Il est décédé en 1985. J’avais alors été approché par le MMM aussi bien que le MSM. On m’avait proposé les postes de no. 1 au MMM et celui de no. 2 au MSM. Je les avais refusés et je suis parti poursuivre mes études en droit. J’ai fait mes débuts politiques plus tard, soit en 1990, pour des raisons stratégiques. Tout le monde ne peut pas être traité de la même façon. De plus, on ne peut pas empêcher un jeune de faire de la politique. Il ne faut pas qu’il y ait deux catégories de citoyens : soit une catégorie qui a le droit de participer aux élections et l’autre qui n’en a pas le droit. Mais soit ils sont élus, soit non.

L’avenir appartient aux jeunes. On doit leur passer le relais. Que ce soit Paul Bérenger ou moi-même, nous avons déjà fait nos preuves. Que peut-on vouloir d’autre ? Tout ce qu’on cherche, c’est de placer ce pays entre les mains des jeunes qui sont capables pour que le pays puisse enfin respirer. Il s’étouffe trop actuellement et continuera à l’être tant qu’il est géré par ce gouvernement. Il faut cependant savoir comment passer ce relais, tout en les guidant.