Affaire Betamax : Une Vendetta politique du MSM qui lui explose à la figure

Ce lundi 14 juin, le ‘Judicial Committee’ du Privy Council a rendu son jugement dans l’affaire Betamax. Comme on le sait, Betamax a eu gain de cause, et ce sont les contribuables qui vont devoir casquer la somme de Rs 5,6 milliards comme dédommagement à cette compagnie. Retour en arrière sur cette affaire pour démontrer comment la machination du MSM lui a explosé à la figure.

Pour rappel, la State Trading Corporation (STC) avait conclu un contrat avec la compagnie Betamax le 27 novembre 2009 pour l’acheminement de produits pétroliers vers Maurice. Le contrat était à hauteur de Rs 10 milliards pour une durée de 15 ans, et contenait une clause d’arbitrage, où tout litige serait référé pour arbitrage  au Centre d’arbitrage international de Singapour.

Le gouvernement travailliste d’alors a-t-il favorisé Betamax ? Navin Ramgoolam, dans sa conférence de presse du 15 juin 2021, devait mettre l’emphase sur le fait que son gouvernement n’avait jamais favorisé Betamax ou son directeur, Veekram Bhunjun. Il devait expliquer qu’il était primordial que Maurice ait son propre navire pétrolier, et Betamax avait soumis une offre qui était ‘responsive’.

À cette époque, il faut dire que le MSM était d’accord avec l’octroi du contrat à Betamax (selon une déclaration du député mauve Reza Uteem à l’Assemblée nationale le 12 juin 2017). Quelques autres éléments permettent d’étayer les dires de Navin Ramgoolam. En 2009, un comité ministériel avait été mis sur pied sous la présidence du ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, pour étudier le contrat proposé par Betamax. Des désaccords surgissent au sein du comité ministériel, et la firme de consultants BDO/DCDM est retenue pour rédiger un rapport sur l’offre de Betamax. Le rapport était en faveur de l’allocation du contrat à Betamax. C’est alors que le gouvernement devait décider d’allouer le contrat à Betamax le 27 novembre 2009.

Betamax devait commencer le transport de produits pétroliers en 2011 avec le navire Red Eagle.

Vers la même période, certaines personnes évoquèrent un conflit d’intérêts car le ministre du Commerce de l’époque Rajesh Jeetah n’était autre que le beau-frère de Veekram Bhunjun. Mais ce dernier avait déclaré ses intérêts au Conseil des ministres et n’avait jamais participé aux négociations précontractuelles.

La résiliation du contrat le 30 janvier 2015 par le gouvernement MSM était apparemment contre l’avis du Solicitor-General, avis qui n’a jamais été dévoilé, vu l’Official Secrets Act. Pour sa part, Xavier Duval maintient qu’il avait « supplié » le Conseil des ministres de ne pas résilier le contrat contre l’avis du Solicitor-General.

En 2015, le Conseil des ministres devait mettre ainsi fin au contrat au prétexte tout trouvé qu’il avait été conclu en violation de la Public Procurement Act, qui est entrée en vigueur en 2008. Devait alors débuter une chasse aux sorcières impitoyable contre Navin Ramgoolam et contre toute autre personne qui a été associée à ce projet. Pas moins de six personnes sont ainsi arrêtées. Navin Ramgoolamavait été arrêté le 22 juin 2015sous deux charges provisoires  de « conspiracy to defraud the state » et d’« influencing public official ».Il s’agissait de la cinquième arrestation de l’ex-Premier ministre depuis le début de 2015.

Outre Navin Ramgoolam, cinq autres personnes sont aussi arrêtées cette année-là, sous diverses accusations ayant trait à la corruption et au trafic d’influence. Il s’agit Anil Baichoo, ancien ministre des Infrastructures publiques ; Veekram Bhunjun, le directeur de Betamax ; Reshad Hosany et Kalindee Bhanji, deux anciens ‘Permanent Secretaries’ (PS) du ministère du Business et des Entreprises ; et Ranjit Soomarooah, ancien directeur-général de la State Trading Corporation (STC).

Mais à diverses dates en novembre et décembre 2016, toutes les charges devaient être rayées en cour contre ces six personnes, sur motion du DPP. Le représentant de ce dernier devait affirmer en cour à plusieurs reprises que le dossier de la police n’avait apporté aucune preuve établissant une quelconque complicité en vue de favoriser Betamax.

Selon un ‘Statement on behalf of the prosecution’ lu en cour, “In November 2009, the matter went back to Cabinet, which took cognizance of the Report of BDO/DCDM. Thereupon, Cabinet formally approved the entering of the contract between STC and Betamax. Based on the above evidence, there could not have been a breach of the PPA on the part of the STC or the above-named Defendants at the time the Contract of Affreightment materialised on 27 November 2009.”

Plutôt inhabituellement, le Commissaire de police d’alors, Mario Nobin devait demander l’autorisation de la Cour suprême de contester par voie de  ‘judicial review’ la décision du DPP d’abandonner les charges. Sa demande sera rejetée dans un jugement de la Cour suprême en date du 25 avril 2016.

Betamax devait alors faire jouer la clause d’arbitrage. En 2017, le Centre d’arbitrage international de Singapour avait tranché en faveur de Betamax et dans son Award, avait accordé à cette compagnie Rs 4,5 milliards. Selon une convention internationale datant de 1958, les Awards d’arbitrage internationaux doivent être reconnus dans tous les pays signataires de cette convention, sauf dans quelques exceptions.

En 2019, la STC avait contesté cet Award devant la Cour suprême mauricienne, qui dans un jugement rendu le 31 mai 2019, l’avait annulé. Selon la Cour suprême, le contrat avait été conclu en violation de la Public Procurement Act de 2006, qui établissait que les contrats publics impliquant de forets sommes d’argent doivent être sujets au processus d’appels d’offres sous l’égide du Central Tender Board. Toujours selon notre plus haute cour de justice, l’Award singapourien était contraire à la « public policy » de la République de Maurice.

Betamax avait donc fait appel devant le Privy Council, avec la décision que l’on sait. Selon le jugement des Law Lords : « In relation to the issue of whether the award conflicts with public policy, the court’s intervention proceeds on the court’s application of public policy to the findings (whether of fact or law) made in the award. […] It cannot, under the guise of public policy, reopen issues relating to the meaning and effect of the contract or whether it complies with a regulatory or legislative scheme.”  Pour les Law Lords, la Cour suprême a eu tort de  pencher à nouveau sur les conditions dans lesquelles le contrat a été entériné et aurait dû se conformer à  l’approche de l’arbitre singapourien concernant la notion de ‘public policy’ dans son Award. Ils devaient aussi affirmer que le contrat était bien exempté des provisions de la Public Procurement Act : « The Arbitrator reached the right conclusion in the Award on the exemption of the COA [NdlR : Contract of Affreightment ] from the procurement regime. »

Ce 15 juin, face à la presse, Navin Ramgoolam devait dénoncer le fait que ce sera le peuple mauricien qui sera le grand perdant et devra casquer plus de Rs 5 milliards. Pour le leader du PTr, la décision des ‘Law Lords’ vient démontrer que le MSM a voulu mettre en œuvre une politique de vengeance contre lui et les autres membres du PTr. Il devait rappeler que lors de la dernière campagne électorale, il avait dit qu’il allait faire voter une loi que si jamais Betamax sortait gagnant, ce ne serait pas au peuple de payer, mais plutôt les responsables qui avait résilié le contrat. « J’espère qu’on pourra toujours le faire », devait-il dire.