Commission Britam : Sattar Hajee Abdoula pris dans un étau

Sattar Hajee Abdoula a été nommé comme administrateur à plusieurs reprises sous le gouvernement Jugnauth, concernant des compagnies placées sous le régime d’administration, et empoché bien plus que 50 millions de roupies. Dans l’affaire BAI d’ailleurs, il avait empoché Rs 26 millions pour 18 jours de travail. Et souvent des fois, ce fidèle des fidèles de Pravind Jugnauth a été accusé de conflits d’intérêts, notamment en ce qui concerne son rôle après qu’Air Mauritius avait été placée sous administration, cela sans que le gouvernement MSM ne s’en émeuve outre mesure. Idem pour l’affaire Britam d’ailleurs. Sauf que cette fois-ci, c’est la justice qui est entrée en jeu. Et le sieur Abdoula risque d’y laisser des plumes. Car cette fois-ci, c’est la Cour suprême elle-même qui examinera au crible son rôle comme assesseur au sein de la commission d’enquête sur cette affaire (connue comme la commission Domah), notamment pour établir s’il y avait un conflit d’intérêt le concernant.

Roshi Bhadain, on le sait, a remporté une première victoire le 31 août. En effet, la Cour suprême a donné gain de cause au leader du Reform Party en lui accordant l’autorisation de contester par voie de ‘judicial review’ l’intégrité et l’impartialité des membres de la commission Domah, notamment par rapport à Sattar Hajee Abdoula, et par corollaire, leurs conclusions. Les juges Jugessur-Manna et Kam Sing ont retenu dans leur jugement que Roshi Bhadain avait un ‘arguable case’. En refusant de se récuser comme membres de la Commission d’enquête, et en paraphant le rapport final de ladite commission, Sattar Hajee Abdoula aurait agi en violation du sacrosaint principe de justice naturelle qui veut que nul ne peut être juge et partie à la fois. De ce fait, c’est le rapport de la commission d’enquête, en intégralité, qui sera sur la sellette, et il n’est pas à écarter qu’il soit déclaré nul et non avenu in toto par la Cour suprême, une première dans les annales de la justice mauricienne.

Pour bien comprendre cette affaire, il convient de revenir un peu en arrière, en 2015. Le groupe BAI avait été démantelé cette année-là. Qu’allait-il advenir de ses actions au sein de Britam Holdings Ltd au Kenya ? Apparemment, il y avait plusieurs offres pour le rachat de ces actions, dont une de MMI Holdings, de Rs 4,3 milliards. Mais en 2016, un accord aurait été conclu entre les représentants mauriciens (y compris Roshi Bhadain, selon la commission Domah, quoique le leader du Reform Party nie toute implication) et un homme d’affaires kenyan, Peter Munga, pour que ce dernier puisse acquérir ces actions pour Rs 2,4 milliards. Ce qui avait impliqué un manque à gagner de près de Rs 2 milliards pour le gouvernement mauricien. En 2017, soit après que Roshi Bhadain ait claqué la porte du gouvernement de Pravind Jugnauth, une commission d’enquête avait été instituée sur cette affaire. Cette commission était présidée par un ancien juge de la Cour suprême, Bushan Domah, qui avait eu pour assesseur Sattar Hajee Abdoula et Imrith Ramtohul. Quatre ans plus tard, le 27 juillet 2021, cette commission devait pondre son rapport.

Parmi ses multiples recommandations, celle qui avait fait le plus de bruit était incontestablement qu’une enquête criminelle soit diligentée contre Roshi Bhadain pour « forgery or making use of a forged document » sous le Code pénal ou encore pour parjure devant la commission d’enquête, ce qui avait constitué une véritable manne tombée du ciel pour le gouvernement concernant un opposant devenu gênant.

Mais il convient de garder en tête que Sattar Hajee Abdoula avait été nommé administrateur par le conseil d’administration du groupe BAI après que le groupe avait été démantelé en 2015, et comme tel, il était responsable de la vente des biens et autres actifs du groupe. Il n’avait travaillé que pendant 18 jours mais avait réclamé des honoraires de l’ordre de Rs 26 millions. Et Roshi Bhadain, qui était ministre des Services financiers à l’époque, avait refusé d’avaliser ce paiement, citant le fait qu’il n’avait pas été nommé par l’État mais par les directeurs de la BAI, ce qui serait resté en travers de la gorge de Sattar Hajee Abdoula. D’ailleurs, Roshi Bhadain avait formellement contesté sa présence sur cette commission d’enquête, citant son refus de donner son feu vert à ce paiement des honoraires de Sattar Hajee Abdoula, et le fait que ce dernier a une dent contre lui.

Mais après la démission de Roshi Bhadain, Pravind Jugnauth avait donné l’ordre de payer ces Rs 26 millions à Sattar Hajee Abdoula.