Contestation en Iran : l’absence de leader, à la fois force et faiblesse du mouvement

Inédite par son ampleur et par sa durée, la contestation qui agite l’Iran depuis septembre l’est aussi par son absence de leader. Trois mois après la mort de Mahsa Amini, cette horizontalité se révèle à la fois une force et une faiblesse pour le mouvement, le rendant plus difficile à réprimer mais empêchant l’émergence d’une alternative politique et la massification des manifestations.

Trois mois après le début d’un mouvement de contestation inédit en Iran, déclenché par la mort de la jeune Kurde Mahsa Amini aux mains de la police des mœurs, le régime a durci le ton face aux manifestants. Cette semaine, deux d’entre eux ont été condamnés à mort et exécutés, et plusieurs dizaines d’autres pourraient subir le même sort, selon Amnesty International. Mais la répression reste difficile à mettre en œuvre pour les tenants de la République islamique en l’absence de leader identifié.

Parti de la révolte des jeunes femmes, le mouvement s’est en effet rapidement propagé aux jeunes hommes, aux étudiants et lycéens, aux Kurdes et aux Baloutches – des minorités structurées et opposées de longue date au régime –, avant de se voir également rejoint par les commerçants et certains ouvriers. Un conglomérat de groupes sociaux que l’historien et politiste Jonathan Piron qualifie de “mobilisation collective d’acteurs non collectifs”.

Les martyrs, des symboles alimentant la révolte

Car si chaque groupe manifeste et dénonce le régime, rien ni personne ne parvient à les fédérer, à l’exception de l’image des manifestants tués et du slogan “Femme, vie, liberté”. Depuis septembre, les victimes sont ainsi érigées en symboles de la révolte, à l’instar de Mahsa Amini ou de Nika Shakarami, morte à 16 ans alors qu’elle se rendait à un rassemblement. Plus récemment, une vidéo tournée sur la tombe de Majidreza Rahnavard, 23 ans, pendu par le régime lundi, montrait des femmes scandant “Majidreza Rahnavard, martyr du pays”