Rivalités américano-européennes sur un futur vaccin, tensions renouvelées entre Donald Trump et la Chine : les divisions entre grandes puissances se sont creusées dans la lutte contre le Covid-19 qui a tué plus de 300.000 personnes dans le monde.
Outre les ravages humains, la pandémie de nouveau coronavirus continue de mettre à bas les économies mondiales, avec de lourdes conséquences sociales.
L’Allemagne se prépare à la récession : attendu vendredi, le produit intérieur brut devrait donner un avant-goût du choc infligé par la catastrophe sanitaire à la première économie européenne. Pour 2020, le gouvernement prévoit une récession de 6,3%, la plus forte depuis le début des calculs en 1970.
Les ministres des Finances de la zone euro doivent se réunir vendredi à Bruxelles pour discuter de la riposte à la crise.
De l’autre côté de l’Atlantique, près de 3 millions de personnes se sont inscrites au chômage en une semaine aux Etats-Unis, qui compte désormais 36,5 millions de chômeurs – près de 15% de la population active – depuis l’arrêt brutal de l’économie mi-mars en raison des mesures de confinement pour endiguer la progression du virus.
“Des décisions difficiles nous attendent”, a prévenu de son côté Gavin Newsom, le gouverneur de Californie – 5ème économie mondiale – qui prévoit cette année un déficit de 54 milliards de dollars et des coupes sombres, notamment dans des programmes visant les plus démunis et les subventions à l’enseignement public.
Pour stopper l’hémorragie, le président Trump assène qu’il est temps de “retourner au travail”, alors que la moitié des Etats américains ont commencé à reprendre une partie de leurs activités commerciales.
La récession a déjà frappé de nombreux pays: en Italie, des millions de “nouveaux pauvres”, contraints de recourir à l’aide alimentaire, ont fait leur apparition et en Inde, le confinement a provoqué un exode de travailleurs migrants, petites mains des grandes villes privées de leur gagne-pain.
– Convoitises –
Mais la solution que tous attendent est un vaccin contre le virus, apparu en décembre en Chine.
Au vu des efforts déployés, il pourrait être disponible dans un an, a estimé jeudi l’Agence européenne du Médicament (EMA). Une perspective “optimiste”, a nuancé Marco Cavaleri, directeur de la stratégie à l’EMA, dont le siège est à La Haye.
Plus de 100 projets ont été lancés dans le monde et une dizaine d’essais cliniques sont en cours pour tenter de trouver un remède contre la maladie, qui a fait 300.140 morts et contaminé 4.403.714 personnes sur la planète, selon un nouveau bilan.
Mais le sujet aiguise les convoitises et les rivalités.
Le géant pharmaceutique français Sanofi a provoqué l’indignation en Europe en annonçant qu’il distribuerait un éventuel vaccin en priorité aux Etats-Unis, qui ont investi 30 millions de dollars pour soutenir ses recherches.
Un vaccin ou un traitement contre le Covid-19 devrait même être fourni “gratuitement à tous”, insistent plus de 140 personnalités, dont le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le Premier ministre pakistanais Imran Khan dans une lettre ouverte.
Vaccin ou pas, “ce virus pourrait devenir endémique” et “ne jamais disparaître”, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Quant à l’essai clinique Discovery lancé en Europe fin mars pour trouver un traitement à défaut de vaccin, il piétine, ont indiqué des chercheurs.
Deux nouvelles études, publiées dans la revue médicale britannique BMJ, concluent que l’hydroxychloroquine, traitement tant décrié, ne semble pas efficace contre le Covid-19.
– “Rompre toute relation” –
A Washington, Donald Trump s’est de nouveau emporté contre la Chine, accusée d’avoir caché l’ampleur de l’épidémie sur son sol.
“Ils auraient pu l’arrêter (le virus) en Chine, d’où il est venu”, a-t-il dit jeudi, en menaçant de “rompre toute relation” avec Pékin et assurant qu’il refusait désormais de parler à son homologue Xi Jinping.
La Chine affirme avoir transmis le plus vite possible toutes les informations sur l’épidémie à l’OMS et à d’autres pays, dont les Etats-Unis.
Pour Washington, le régime chinois tente également de pirater la recherche américaine sur un vaccin, une accusation qualifiée de “diffamation” par Pékin.
Dans l’attente que les recherches aboutissent, les gouvernements assouplissent les mesures de confinement.
Au Japon, l’état d’urgence a été levé jeudi dans la plupart des régions face au net reflux du nombre de nouveaux cas de Covid-19. Il est maintenu notamment à Tokyo et Osaka.
En Europe, qui paie un lourd tribut avec plus de 162.600 morts, ce sont les petits Finlandais qui ont repris le chemin de l’école. Vendredi, à Sydney, les restaurants et cafés ouvrent de nouveau leurs portes.
Aux Etats-Unis, pays le plus touché au monde avec 85.813 morts dont environ 1.800 en 24 heures, les plages autour de Los Angeles, en Californie, ont rouvert. A l’inverse, la capitale Washington a prolongé le confinement jusqu’au 8 juin.
Les autorités chiliennes ont aussi remis en vigueur le confinement à Santiago. La ville déblaie de nombreuses tombes dans son cimetière général, le plus grand du pays, pour éviter d’avoir recours aux fosses communes en cas d’augmentation des décès.
– Dépistages –
En Russie, deuxième pays le plus touché pour les contaminations – plus de 250.000 – mais qui maintient n’avoir enregistré qu’un peu plus de 2.300 morts, le président Vladimir Poutine a estimé jeudi que la situation s’améliorait. Moscou s’en est pris aux journaux New York Times et Financial Times, les accusant de “désinformation” sur la question.
Alors que près de 10.000 contaminations ont été détectées en 24H dans le pays, la mairie de Moscou a annoncé un plan de dépistage d’une ampleur “unique au monde”.
En Chine, des habitants de Wuhan, berceau du Covid-19, faisaient eux aussi la queue jeudi pour se faire dépister.
L’Afrique est jusqu’à présent relativement épargnée par la pandémie, qui y a officiellement fait moins de 2.500 morts. Mais les indices indiquant que ce bilan est fortement sous-estimé se multiplient.
Le Soudan du Sud, l’un des plus pauvres du monde, à peine sorti de six ans de guerre civile, a annoncé son premier décès officiel du Covid-19.
Indigène, pauvre, la région amazonienne de la Colombie voit aussi l’épidémie se propager depuis le Brésil, dont le président Jair Bolsonaro a souvent minimisé la menace: les autorités des deux pays en discuteront vendredi, dans le but d’harmoniser “les politiques dans la zone frontalière”.