[EDITO] Irrégularités, ce virus persistant

Par Zahirah RADHA

Les travaux de l’Assemblée nationale reprennent ce mardi 17 octobre. Il était temps. Durant ces trois derniers mois, il y eu d’autres scandales liés – encore et toujours – aux appels d’offres. Il y a eu de nouveaux ministres, encore plus incompétents que les précédents. Il y a eu de nouveaux PPS, dont un promu à ce poste en dépit de ses nombreuses frasques. Il y a eu une fluctuation injustifiée des prix des carburants en l’espace d’une semaine. Il y a eu davantage de cas de shelters sans permis et de nourrissons maltraités. Il y a eu des développements par rapport à la construction d’une base militaire à Agaléga, ce que le gouvernement mauricien a toujours refusé d’admettre. Bref, la situation dans le pays va de mal en pis. Autant dire donc que les parlementaires, de l’opposition surtout, auront du pain sur la planche en ce qu’il s’agit des questions à évoquer. Pour obtenir des réponses claires, nettes et précises toutefois, ce sera probablement une autre paire de manches.

Mais avant la reprise des travaux parlementaires, les yeux seront bien évidemment braqués sur le jugement du Privy Council concernant la pétition électorale de Suren Dayal contre Pravind Jugnauth et ses deux colistiers, parmi d’autres, qui sera livré demain, lundi 16 octobre. Ce qui devra apporter de l’eau au moulin, soit du gouvernement soit de l’opposition. Mais il faudra garder en tête l’essentiel : que des irrégularités, il y en a bien eu aux dernières élections. En atteste le recomptage des voix au no. 19 en janvier 2022. Trois facteurs ont contribué à alimenter les doutes, au lieu de les dissiper. Primo, 73 bulletins manquaient à l’appel lors de cet exercice. Secundo, deux bulletins de vote ne portaient pas le sceau de la commission électorale. Et tertio, un bulletin de vote du no. 1 a été retrouvé dans les urnes de la circonscription no. 19. Des irrégularités que nul n’arrive à expliquer alors que les urnes étaient censées être sous stricte supervision.

Et là encore, on ne parle pas des 6800 personnes (chiffre officiel) délistées par la commission électorale, ni des personnes mortes et des Bangladais qui ont pu, eux, voter, ni des bulletins errants retrouvés dans la nature, ni des Kistnen Papers révélés bien après que les pétitions électorales eussent été logées en Cour, ni encore des failles notées en Cour concernant les ‘counting sheets’ de la circonscription no.15 dans le cadre de la pétition électorale de Cader Sayed-Hossen. Finalement, quel que soit l’issue du verdict de demain, ces irrégularités demeureront les mêmes. Et ne changeront rien au fait que les dernières élections n’ont pas été ‘free and fair’. Il faut toutefois en tirer des leçons. Et redoubler de vigilance pour assurer qu’il n’en soit plus ainsi aux prochaines élections générales, qu’elles se tiennent dans un mois ou dans un an. D’autant qu’on sait que des risques d’irrégularités peuvent à n’importe quel moment prendre la forme de ‘bugs’ informatiques et bousiller tout le système, comme on en a vu avec le dernier registre électoral.

Dans un autre ordre d’idées, il y a bien un système qu’on aimerait tant voir changer mais qui reste désespérément le même. Cela concerne l’opération et la gestion des shelters. Depuis le 10 mars 2022, le rapport du ‘Public Accounts Committee’ (PAC), signé également par des membres du gouvernement, a fait état de graves irrégularités et lacunes concernant des shelters. Sur les 371 ‘Child Day Care Centres’, 210 d’entre eux n’étaient pas dûment enregistrés. « Your Committee finds it most disturbing that Child Day Care Centres are allowed to operate without licence au vu et au su of the Ministry and absolutely no sanctions are being taken… », soulignait le rapport. Un an et demi plus tard, d’innocents enfants continuent de payer le prix de l’incompétence du ministère de l’Égalité du Genre et de sa ministre, Kalpana Koonjoo-Shah. Il a fallu que divers cas de maltraitance soient signalés pour que la police agisse en effectuant une ‘crackdown operation’ à Beau-Bassin durant la semaine.

Nous pouvons comprendre que la ministre de tutelle ait vécu des moments difficiles avec la maladie et le décès de son père en fin de semaine et nous compatissons sincèrement avec elle et ses proches pour les durs moments qu’elle a sans doute vécus. Mais de nombreux enfants souffrent à cause de l’inertie et de l’incapacité de son ministère à prendre des sanctions et actions concrètes. Et cela ne mérite pas qu’on le passe sous silence.