[EDITO] Pipigate mauricien

Le vice-Premier ministre et ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, s’est excusé au Parlement la semaine dernière. La raison : ses amis – pas lui personnellement – avaient uriné sur un véhicule de police. Cela en marge d’une soirée qu’il avait organisée le 14 août pour célébrer ses cinquante ans. Autre pays, autre gouvernance, autres principes, autre notion de redevabilité. À Maurice, notre Attorney General et ex-ministre de l’Agro-industrie participe à une soirée arrosée dans un ranch dont l’octroi du permis fait polémique parce qu’il aurait été octroyé par le ministère qu’il gère, sur fond, justifié ou pas, d’allégations de pots-de-vin, mais ‘dilo lor brède songe’. Pas d’explication du ministre concerné jusqu’ici. Pas de transparence. Seulement une justification du Premier ministre, arguant qu’il n’y a aucune allégation contre Maneesh Gobin à l’ICAC. Alors que même le chef du gouvernement n’est pas censé connaître les tenants et aboutissants d’une enquête en cours.

Cette situation au sein du gouvernement reflète la triste réalité de notre ‘law and order’. On en a d’ailleurs vu de tout cette semaine. Constables réduits à défiler derrière Pravind Jugnauth lors d’une marche pour la santé jeudi tandis que la criminalité est en hausse dans le pays et qu’une panne électrique paralysait tout le système à la Cour suprême, policiers accusés de pots-de-vin, rajeunissement et féminisation du trafic de drogue… Mais il y a encore plus. Pire même. Et inimaginable. Comme l’argument du DPP Rashid Ahmine à l’effet que la Commission de pourvoi en grâce a agi dans l’illégalité dans le cas du fils du Commissaire de police, Chandra Prakashsing Dip. Et si cela s’avère ? C’est tout aussi impensable que le ‘Prime Minister’s Office’ (PMO) ait payé de grosses sommes d’argent, soit plus d’un milliard de roupies, à la compagnie de Danesh Ellayah, ‘DNS International Limited’, pour des services de sécurité d’État inexplicable.

Pourquoi la compagnie israélienne ‘Verint Systems Ltd’ figure-t-elle sur les ordres de paiements du PMO ? Pourquoi passer par la compagnie d’Ellayah ? Des questions se posent, car, dans l’esprit de bon nombre de Mauriciens, l’affaire Sniffgate est encore bien présente, d’autant que la sécurité d’État avait aussi été évoqué dans ce cas sans précédent et considérée comme une trahison contre le pays. En voulant se venger aveuglément de ses ex-alliés, le gouvernement, à travers la ‘Financial Intelligence Unit’ (FIU), nous a-t-il involontairement mis sur la piste d’un autre scandale possiblement lié à un cyber-espionnage ? Il y a, en tout cas, des éléments très troublants qui laissent perplexes, et dont nous ne saurons probablement jamais la vérité. Mais ils révèlent néanmoins le mécanisme mis en place par le pouvoir du jour pour servir ses intérêts et ceux de ses proches.

Le rôle, ou plutôt le lamentable échec de la FIU dans le cas d’Ellayah, ne peut pas être passé sous silence. Car il indique le pourrissement effarant de notre système et de nos institutions. Le ‘pipigate’ ne secoue ainsi pas que la Belgique. Il est aussi d’actualité chez nous. Parce que nos dirigeants se fichent pas mal de l’intérêt du pays ou des contribuables. Comme dirait l’autre, « zot pi*** lor nou ». Ils le font de surcroit sans aucune gêne. Le ‘pipigate’ mauricien, nous le vivons, et le subissons, depuis 2014. Nous sommes même résignés à l’endurer jusqu’à ce que le gouvernement soit botté hors du pouvoir.