« La société semble avoir perdu ses valeurs morales »

Sapna Jaggessur Mudhoo, psychologue clinicienne

La psychologue clinicienne Sapna Jaggessur Mudhoo nous décrit son parcours et son métier. Elle jette aussi un regard critique sur les services de psychologie qui sont disponibles aux enfants mauriciens, et sur la société mauricienne elle-même, qui est en déclin sur le plan des valeurs, selon elle.

Sapna Jaggessur Mudhoo, une habitante de Saint-Pierre, est âgée de 37 ans. Cette psychologue clinicienne est diplômée de l’Université de Northampton, et est accréditée internationalement par la ‘British Psychological Society’. Elle a son propre cabinet à Curepipe, mais exerce aussi au sein de plusieurs autres organismes ainsi que des foyers et des écoles spécialisées qui accueillent les enfants vulnérables ou en situation d’handicap. Elle travaille avec des enfants, des jeunes et des adultes atteints de toutes sortes de problème de nature psychologique, que ce soit la dépression, l’anxiété, les troubles du comportement ou encore les problèmes de concentration ou de mémoire. Sapna fournit aussi un encadrement aux enfants qui sont rejetés par leurs parents ou par la société, pour faciliter leur réintégration dans la société.

Sapna Jaggessur Mudhoo a complété son baccalauréat et sa maîtrise en psychologie à l’Université de Northamptom au Royaume-Uni, en 2009 et en 2013 respectivement. « J’avais décidé de me rendre à l’étranger pour mes études pour mieux aller en profondeur dans le domaine de la psychologie », nous explique-t-elle. Au cours de son séjour au Royaume-Uni, elle a travaillé pour différents services de santé mentale, nommément The HOPE Centre et Abington Clinic.

Elle a décidé de retourner à Maurice fin 2013 et a commencé sa carrière en pratiquant dans le privé et en faisant du bénévolat dans plusieurs ONG. Depuis, elle s’est fait un nom dans le domaine de la santé mentale. Aujourd’hui, elle enseigne dans le domaine de la psychologie dans des institutions telles que l’Université de technologie (UTM). Elle est aussi consultante dans de nombreuses associations, telles que l’Association pour les Handicapés de Malherbes, le Centre d’éducation et de thérapie, le Refuge pour femmes et enfants en détresse et The Hear Institute, entre autres. Elle est également la directrice du Caleb Center. « Quand je jette un regard sur mon parcours, je dois dire que j’ai beaucoup évolué et beaucoup appris », dit-elle.

Pourquoi avoir choisi la psychologie comme métier ? « J’ai choisi la psychologie parce que je voulais apporter un changement dans la vie d’autres personnes », nous indique notre interlocutrice. « J’aime bien tout ce qui a un rapport avec la psychologie humaine, et j’ai toujours voulu œuvrer dans ce domaine », ajoute-t-elle.

Quel a été votre plus grand défi dans la vie ? « Le plus grand défi dans ma vie a été quand je suis tombée enceinte avec ma fille. C’était le moment le plus difficile pour moi », nous confie-t-elle. « À ce moment-là, travailler avec des enfants et des adultes qui avaient eux-mêmes leurs propres problèmes n’était pas si évident. C’était difficile pour moi de gérer tout cela. Mais les personnes avec qui je travaillais ont été patientes avec moi », explique-t-elle davantage.

« Ne jamais porter de jugement »

Vous qui travaillez beaucoup avec les enfants, quel regard jetez-vous sur nos services de psychologie aux enfants ? « Quelque temps de cela, le gouvernement avait proposé que chaque école serait dotée d’un psychologue mais cela n’a pas été le cas jusqu’ici », fait-elle ressortir. « Il y a toujours un seul psy qui doit parcourir toute une zone éducative  pour venir en aide aux enfants. Cela n’est pas évident et consomme beaucoup de temps. Or, le psychologue ne peut pas faire de magie. Savoir ce qui se passe dans la tête des gens et savoir comment les traiter demande du temps », ajoute-t-elle.

De la société mauricienne, elle dira qu’elle « devient de plus en plus compétitive. Il y a beaucoup de dysfonctionnements. Il y a beaucoup de problèmes, non seulement avec les jeunes mais aussi avec les adultes. Les valeurs ne sont pas les mêmes qu’auparavant. Il y un manque d’humanité et de courtoisie. Par exemple, les jeunes sont beaucoup plus ambitieux. Ils se tournent de plus en plus vers la technologie et ils sont inséparables de leurs portables. On a perdu cet aspect familial. Il n’y a plus cette entente en famille. On ne passe plus de temps ensemble à table. Finis les dîners entre famille où l’on  racontait sa journée au travail ou à l’école. On ne voit plus cela. La société semble avoir perdu ses valeurs morales. Au lieu de faire mieux sur ce plan, nous sommes en plein déclin », analyse la psychologue.

Encouragerez-vous les jeunes à se tourner vers la profession de psychologue ? « Vu qu’il y a un manque de psychologues à Maurice, j’encourage vivement la jeune génération à entamer des études en psychologie. Les écoles, les entreprises et même les hôpitaux ont besoin de psychologues », dit-elle. « Si une personne veut aller de l’avant avec ce métier, il faut avant tout qu’elle aime le faire et qu’elle veut apporter un changement dans la vie de quelqu’un. On ne travaille pas comme psychologue uniquement pour avoir de l’argent. Il faut avoir cette touche humaine pour pouvoir travailler avec d’autres personnes ayant des problèmes. Il faut être une personne ouverte et il ne faut pas porter de jugement car en tant que psy, vous aurez toutes sortes de cas tous les jours », explique-t-elle.