Malentendant, il a conquis le cœur des Mauriciens
Il a impressioné et enthousiasmé bon nombre de Mauriciens avec sa performance lors des JIOI 2019. Muhammad Suffian Ropun, médaillé d’or natation, catégorie malentendants a aujourd’hui 19 ans. Ce jeune homme jovial, qui aime bien communiquer, nous a raconté son parcours, ainsi que son amour pour le sport, en particulier la natation.
Suffian est né le 21 juin 2000, dans une famille de classe moyenne à Piton. Son père est enseignant au primaire et sa mère travaille dans l’administration. Le jeune homme est le benjamin de la famille et a deux sœurs ainées.
Le père, qui nous a aidé à communiquer avec Suffian, est vraiment fier de l’exploit de son fils. Suffian entendait normalement à sa naissance mais à 11 mois, il va contracter une méningite (l’inflammation des méninges, les membranes qui entourent le cerveau). Il était admis à l’hôpital pendant 18 jours. Son état de santé était jugé grave mais grâce à l’aide d’un consultant en pédiatrie, Suffian a pu combattre cette maladie.
Après sa décharge de l’hôpital, son père commence à remarquer quelque chose de bizarre. « Je jouais un jour avec lui et je lui ai demandé d’apporter la balle, mais il avait un ‘blank expression’ sur son visage. » Après quelque temps, ses parents l’emmènent à son rendez-vous médical, et c’est la que le pédiatre devait confirmer que Suffian est devenu sourd. Pour lui, c’était difficile au début, car ses parents devaient tout lui expliquer, de A à Z. Il était difficile pour lui de comprendre ce qui se passait autour de lui.
Mais ses parents n’ont jamais baissé les bras. Ils ont fait de leur mieux pour lui donner le meilleur encadrement possible, en lui faisant subir une ‘speech therapy’, entre autres. Il a donc commencé à fréquenter l’école Durga Chanari à Goodlands où il fait la rencontre de quelques jeunes, qui réquéraient aussi une education spéciale, tout comme lui. Suffian commence à s’y habituer, mais au bout de quelque temps, ses parents décident en 2015 de le faire changer d’école : il ira désormais à l’ école des malentendants à Beau-Bassin.
Là-bas, Suffian commence à se sentir mieux dans sa peau. Il apprend bien vite le langage des signes et le met en pratique avec les autres pensionnaires de l’école. La différence c’est qu’à Beau-Bassin, il y avait plus d’élèves sourds-muets qu’à Goodlands. Ce qui rendait la communication plus fluide pour lui.
Il se jette à l’eau
Dès qu’on aborde le sport avec Suffian, un sourire éclaire son visage. C’est à l’âge de 5 ans, quand son père lui a offert une nouvelle paire de chaussures que suffian tape dans un ballon. Graduellement, il commence à bien s’entendre avec les jeunes de sa localité, avec qui il s’initiait à jouer au foot en équipe.
En ce qui concerne la natation, tout a commencé par un certain monsieur Gokhool, qui l’avait fait faire ses premières brasses. Il apprit les rudiments de la natation pendant trois mois, mais il dût faire face à plusieurs difficultés car avec sa surdité, il n’arrivait pas à comprendre ce que disait le moniteur, et essayait de suivre les mouvements des autres nageurs. Malgré tout, Son engouement et sa passion pour la natation lui donnent le bon flair. La chance lui sourit quand le moniteur Boyroo commence à aider Suffian. Les choses devinrent alors nettement plus faciles pour lui.
Après six mois d’entraînment intensif, il est sélectionné pour les Jeux des îles de l’océan Indien de 2015, qui se sont tenus à la Réunion. Il en est à sa première participation et n’a que 15 ans. Mais sur place, il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait… C’est quoi les Jeux des îles !? Il était plutôt déboussolé, mais son ami Vincent Duval va le guider pas à pas. Vincent va l’encourager de toutes ses forces et le jeune Suffian fait de son mieux pendant la compétition.
Il réussit néanmoins à décrocher une médaille d’argent face aux Réunionnais. Suffian était quelque peu déçu, mais il était content de sa médaille. Une fois à Maurice, c’est la rage de vaincre qui le prend. C’est un nouveau défi qu’il veut relever, celui de toujours repousser ses limites. Il se donne à fond pendant quatre ans avec deux séances d’entraînement, le matin à la piscine Serge Alfred à Beau-Bassin et l’après-midi à la psicine de Rivière-du-Rempart. À un moment donné, il va arrêter son entraînement à Rivière-du-Rempart et optera pour la piscine de Calebasses, où il trouvera des adversaires d’un niveau supérieur. « Là , j’ai commencé à comprendre ce que c’est vraiment la compétition ! », nous dit-il.
Il voulait donner le meilleur de lui-même, donc il décide d’utiliser YouTube pour qu’il apprenne les techniques des nageurs américains. Pourquoi américains ? « Mon idole de la natation est Michael Phelps », nous explique-t-il. Suffian est parti en Afrique du Sud en avril de cette année pour un stage suivi d’une compétition, où il terminera à la 4e place.
Le jour de la consécration
Après tant de sacrifices et après ces quatre ans de dur labeur depuis 2015, Suffian est finalement sélectionné une deuxième fois pour représenter l’île aux JIOI 2019. Le jour de la compétition, il s’était réveillé tôt pour faire ses prières. Il était calme, et tout s’est passé sans anicroche. Une fois à la piscine, Suffian ne regardait pas la foule, pour que rien ne vienne perturber sa concentration. Une fois le départ donné, il s’est jeté à l’eau et a nagé, sans même regarder ses adversaires.
Un bonheur immense l’envahit quand il touche la ligue d’arrivée en vainqueur d’arrivée avec un bout du fil de l’or. Suffian était vraiment satisfait de son chrono personnel car il avait amélioré.
Les JIOI ont pris fin mais pour Suffian, ce n’est qu’une trève. Eh oui, il a déjà repris son entraînement et se prépare déjà pour d’autres compétitions. Il souhaite remercier tous ses proches, et les supporters mauriciens dans leur ensemble, qui l’ont soutenu sans faille pendant la compétition. Le mot de la fin : « Les malentendants ont leur place dans notre société, ils en ont fait la preuve durant les derniers JIOI ! »
« J’aime bien balayer et passer la serpillière ! »
Le père de Suffian le décrit comme un jeune homme jovial, responsable et laborieux. Obéissant de nature, il aime bien aider les autres et il croit fortement dans les vertus de ses prières. Il aime bien faire les travaux de ménage chez lui : « J’aime bien balayer et passer la serpillière ! » Il sait meme cuisiner. Il adore le pizza et aime bien les menus de chez Ocean Basket. En ce qui concerne ses repas, il dit préférer de la viande, ce qui l’aide pour son développement physique, mais n’aime pas trop les légumes, nous confie-t-il.
