Pension aux veuves musulmanes : Le MSM fait marche arrière pour réparer une injustice qu’elle a commise 35 ans plus tôt

  • Shakeel Mohamed : « Le MSM ne fait que corriger l’erreur monumentale commise par le MSM lui-même »

Après plusieurs années de lutte, le gouvernement a finalement fait provision pour que les veuves musulmanes, dont le ‘nikah’ (mariage religieux) n’était pas enregistré auprès du ‘Muslim Family Council’ (MFC) de 1987 à 1990, puissent enfin bénéficier d’une pension suivant une « tardy registration ». Cela après qu’une motion logée par Shakeel Mohamed en ce sens au Parlement en 2018 avait été rejetée par le même gouvernement de Pravind Jugnauth. L’approche des élections générales lui a-t-il fait changer d’avis ? Le temps nous le dira. Mais le gouvernement de Pravind Jugnauth, bien que réfractaire avant les dernières élections, vient aujourd’hui faire marche-arrière pour réparer une injustice commise par le gouvernement de son père il y a 35 ans de cela, soit en 1987 en abrogeant la ‘Muslim Personal Law’ (MPL).

Selon nos informations, quelque 150 personnes sont concernées par cette mesure. Les détails n’ont cependant pas encore été communiqués jusqu’ici, d’autant que la loi doit être amendée avant que les veuves concernées ne puissent en bénéficier. Suivant l’abrogation de la ‘Muslim Personal Law’ (MPL) par le gouvernement de Sir Anerood Jugnauth en 1987, les veuves musulmanes mariées religieusement n’étaient plus éligibles à une pension de l’État. En 1990, la loi avait été amendée pour permettre aux veuves musulmanes d’obtenir une pension. Le hic, cette loi n’avait pas d’effet rétroactif et donc, laissant ainsi celles qui s’étaient mariées religieusement entre 1987 à 1990 sur les carreaux. Il a d’ailleurs fallu un règlement introduit en 2014 par Shakeel Mohamed sous l’ancien gouvernement travailliste pour que de nombreuses veuves musulmanes mariées religieusement à partir de 1990 peuvent se régulariser.

Depuis, des chefs religieux ainsi que des députés, principalement ceux du PTr, ont continué de lutter pour que celles ayant contracté le nikah entre 1987 et 1990 puissent aussi bénéficier d’une pension. Le PTr, à travers un engagement de son leader Navin Ramgoolam, avait même promis de régler ce problème si son parti était élu.

Quand le gouvernement MSM évoquait un « preferred treatment »

Shakeel Mohamed avait d’ailleurs déposé une motion au Parlement en octobre 2018 pour que la section 4 de la ‘Status Civil Act’ soit amendée pour permettre aux veuves concernées de bénéficier de la pension de veuve. « I implore that Government looks into this matter as a human rights issue. Our citizens cannot be made to submit to a situation where there is different treatment at different periods of time », avait plaidé le député travailliste. En vain. « I would say that, to this day, in this country, in fact, a preferred treatment has been given to one set of Mauritians because of specific, perhaps religious connotations in their culture », avait alors réagi l’ancien ministre Etienne Sinatambou à l’Assemblée nationale, en soutenant que « there is no unfairness, no inhuman treatment. In fact, I will say that preferential treatment is being given to the widows ». 

Interrogé, Shakeel Mohamed rappelle que c’est le gouvernement MSM lui-même qui a provoqué cette situation. « SAJ a abrogé la Muslim Personal Law pour punir les Musulmans et les veuves musulmanes avec », insiste le député. Même par la suite, les veuves musulmanes ont éprouvé beaucoup de difficultés pour se faire enregistrer d’abord parce que le MFC n’existait pas, ensuite parce que les prêtres religieux (ndlr : imams) n’étaient eux-mêmes pas enregistré auprès du MFC et finalement parce qu’il relevait d’une tâche herculéenne pour les veuves musulmanes de prouver qu’elles étaient mariées religieusement.

Revenant sur la motion qu’il avait présentée au Parlement en 2018, Shakeel Mohamed fustige le MSM, principalement les anciens ministres Sinatambou et Gayan qui s’étaient montrés dédaigneux envers cette motion. « Sous le gouvernement Jugnauth, tous les appels qu’Osman Mahomed et moi-même ont fait sont tombés dans l’oreille d’un sourd », martèle-t-il. « Aujourd’hui, le MSM ne fait que corriger l’erreur monumentale commise par le MSM lui-même », insiste le député travailliste du no. 3.

Rembourser les arriérages

Shakeel Mohamed est catégorique concernant le paiement de cette pension. « Le gouvernement doit aussi rembourser les arriérages de toutes ces veuves qui ont été pénalisées jusqu’ici. C’est leurs dus. C’est une dette que le gouvernement a envers ces veuves qui ont dû s’éreinter pour nourrir leurs enfants parce que le gouvernement Jugnauth avait traité leur mariage comme un concubinage », renchérit-il. Le député fustige également des proches du MSM, qu’il qualifie d’extrême droite, qui dénoncent cette mesure. Il leur demande de prendre exemple sur la grandeur démocratique de l’Inde qui reconnait les droits des minorités. 

Baseer Mohabuth plaide pour un effet rétroactif

Pour sa part, Basir Mohabuth du QBMC se dit « satisfait » de cette décision du gouvernement mais plaide pour que ce paiement soit fait avec effet rétroactif, voire à partir de la date du décès de l’époux.