Séjour et dîner étoilé gratuits pour Etienne Sinatambou : Y a-t-il eu abus ?

Cette affaire, que nous avons révélée en ligne hier, fait délier les langues. En effet, des documents que nous avons publiés font état d’un séjour gratuit du ministre Etienne Sinatambou à l’hôtel Maritim du 11 au 13 septembre 2018. La « complimentary accommodation request », enregistrée au nom du ministre, soit Sinatambou Marie Joseph Noel Etienne, mention est faite d’un séjour « all inclusive », précisant, sous les « billing instructions », que « amount to be absorbed by hotel ». Une situation qui fait sourciller…

Le ministre de l’Environnement y était-il pour des vacances ? Est-ce une pratique établie au sein de cet établissement hôtelier de cinq étoiles d’offrir des séjours gratuits aux VVIPs ? Interrogé, un des responsables de l’hôtel nous a expliqué que le ministre Sinatambou s’y trouvait dans le cadre de la tenue d’une conférence de la Commission de l’Océan Indien (COI). Celle-ci s’est tenue le 12 et le 13 septembre 2018 à l’hôtel Maritim. « Le ministère des Affaires étrangères avait pris cinq chambres pour loger les délégués étrangers. Selon la policy de l’hôtel, nous avons alors offert une sixième chambre gratuitement au ministère. Mais le ministre Sinatambou a refusé cette offre. Les frais de la chambre ont finalement été pris en charge par le ministère », nous explique ce responsable.

Mais si le ministère s’est acquitté des frais de ce séjour ministériel, pour quelles raisons l’hôtel a-t-il alors préparé et approuvé une « complimentary accommodation request » ? « Puisqu’il s’agit d’une general policy de l’hôtel, nous avons automatiquement rempli le formulaire. Mais les frais ont été encourus par le ministère », insiste notre interlocuteur, en précisant que ce n’est que lundi qu’il pourra nous donner de plus amples détails. On ne comprend pas cependant pourquoi cette chambre a été accordée au ministre de l’Environnement alors que c’est le ministre des Affaires étrangères de l’époque, nommément Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui avait procédé à l’ouverture de cette conférence. Personne n’était en mesure, hier, de nous confirmer si le ministère, soit les Affaires étrangères ou l’Environnement, a effectivement pris en charge les frais de ce séjour.

N’empêche qu’une question interpelle : pourquoi n’a-t-on pas simplement refusé l’offre de cet hôtel cinq étoiles ? Car rien ne peut jusqu’ici justifier la présence omniprésente du ministre de l’Environnement durant cette conférence qui se tient, d’autant plus, sur notre sol et qui ne nécessite pas un hébergement dans un hôtel cinq étoiles. Y a-t-il eu abus ? Oui, arguent des légistes et des cadres de l’administration publique qui mettent de l’avant la section 7 de la « Prevention of Corruption Act » (POCA) ayant trait notamment à « public official using his office for gratification ». « Fût-il un séjour gratuit ou payé par le gouvernement, la perception d’abus plane toujours », soutiennent ceux que nous avons interrogés.

Certains n’hésitent même pas à dresser un parallèle avec l’affaire Suneechara. Cet ancien assistant commissaire de police (ACP) avait été condamné par la cour pour avoir passé un séjour gratuit, du 2 au 4 août 2002 avec ses proches, dans un hôtel sur lequel il enquêtait. Dans le présent cas, le fait qu’Etienne Sinatambou ait eu à trancher sur des demandes de permis EIA en faveur de l’hôtel Maritim dans le cadre de ses fonctions ministérielles pourrait accroître cette perception de « using office for gratification ». Seule une enquête pourrait éclairer davantage la population. Encore faut-il que la commission anti-corruption s’y intéresse.

Dîner gratuit : « Le ministre a un compte chez nous », soutient un responsable

Qu’en est-il du dîner que le ministre Etienne Sinatambou a offert à ses invités au sein de ce même établissement hôtelier le 30 juin dernier et dont la facture n’a pas été réglée ? Le responsable que nous avons interrogé soutient que le ministre y va souvent pour dîner. « Le ministre était accompagné ce soir-là d’un groupe de l’Église. Il a un PM Account (ndlr : Paymaster) chez nous. Il dîne et règle ses factures par la suite », précise-t-il. Ce qui n’explique cependant pas la note « F.O.C » (ndlr : free of charge) qui y est inscrite.

 Etienne Sinatambou injoignable

 On a tenté d’avoir la version du ministre de l’Environnement, mais il n’était pas joignable.