Yaadav Damree, avocat : « La nation mauricienne doit avoir un sens de l’éthique et éviter toute corruption »

Yaadav Damree, 26 ans, réside à Laventure. Il a prêté serment en janvier 2023, et exerce déjà. Le jeune avocat nous livre son parcours très enrichissant. « J’exerce en tant qu’avocat indépendant et je suis conseiller de village au ‘Village Council’ de Laventure, tout en occupant également la position de ‘District Councillor’ au ‘District Council’ de Flacq. J’ai prêté serment en janvier de cette année, et je travaille actuellement à Centre de Flacq », raconte-t-il.

Yaadav relate qu’après ses études de “A Level” au secondaire, il a décidé d’étudier le droit (LLB) à l’Université de Central Lancashire (UCLan). « J’ai toujours été passionné par le droit et eu dans l’idée d’aider les gens grâce à mon expertise juridique. Mon engagement civique m’a également poussé à choisir cette profession, car j’ai toujours été intéressé par la politique au niveau local, une passion qui a pris naissance lorsque j’étais au Collège Royal de Port-Louis. Pour que nous puissions faire de Maurice un pays meilleur, il est important que nous ayons des politiciens avec une notion d’engagement civique afin de rédiger des lois et des règlements adaptés à notre société. Je crois en notre capacité à apporter des changements et à lutter contre les différents fléaux de la société, en étant présent dans les institutions chargées de prendre des décisions pour le bien-être de la société, son développement et son engagement social. Mes études en droit ont grandement contribué à mon parcours jusqu’à présent », dit-il.

Yaadav Damree souligne que tout le monde fait face à des défis pour atteindre ses objectifs dans la vie. Il partage avec nous que ses résultats au HSC étaient si mauvais, qu’il n’aurait pas dû être admis à l’université pour son LLB. Cependant, il a pu passer un entretien et y être accepté, car il avait obtenu de bons résultats au ‘School Certificate’. Aujourd’hui, il se réjouit de nous annoncer qu’il a terminé son LLB avec un ‘First Class Degree’. « Mes parents sont fiers de moi et continuent de m’aider et de me soutenir. Durant mes études, mes plus grands défis étaient le côté financier, ainsi que le temps d’adaptation avec mon environnement universitaire. Heureusement, j’ai pu les surmonter. Par contre, le Covid-19 a largement impacté la durée de mes études. Les examens ont dû être reportés. Nous avons dû suivre les cours en ligne depuis Maurice, chose qui n’était pas facile. Ce fut dur et stressant. Je suis rentré au pays en juillet 2020, avec 3 examens en attente, alors que j’avais déjà réussi mes autres modules. J’ai ensuite pris part à un examen en août, puis à deux autres en décembre », ajoute-t-il.

Entretemps, les élections villageoises ont été annoncées, et ont eu lieu en novembre 2020. Malgré le fait qu’il devait étudier pour son examen final du barreau début décembre, il a vu en cela une opportunité de se présenter comme candidat, animé par le désir d’apporter une contribution et d’aider la société. En tant que membre du conseil du village et impliqué dans divers projets communautaires, il était bien placé pour contribuer à la mise en œuvre du projet d’une autorité locale de la communauté. Son engagement pour le mieux-être de la société était connu, car il participait fréquemment à des plateformes de débat et écrivait des articles dans les journaux sur des questions sociales.

« J’ai été élu aux élections villageoises de Laventure. Ensuite, j’ai passé mes examens de barreaux et ai effectué mon pupillage, pour une durée de trois mois, chez les avocats Antoine Domingue, ‘Senior Counsel’, Viranand Ramchurn, Veda Baloomoody, et Yatin Varma », poursuit-il.

La plus grande motivation de Yaadav était de contribuer à la société mauricienne et de lui permettre de fonctionner de manière optimale. À travers son engagement civique, il espère éduquer la société sur l’importance de s’impliquer socialement en permanence. Bien qu’il admette que provenant d’une famille de classe moyenne et commençant tout “de zéro” ait été un défi, sa motivation l’a toujours poussé à donner le meilleur de lui-même. « J’encourage les jeunes à ne jamais abandonner leurs rêves et à réfléchir de manière pratique pour atteindre leurs objectifs, tout en améliorant leur style de vie et en contribuant à la société. Je les encourage également à s’engager dans des projets communautaires via diverses ONG et groupes, et à ne pas négligé l’importance de la spiritualité pour développer leur personnalité. Les jeunes doivent également s’intéresser à la politique, car cela a un impact sur tous les aspects de la société », explique-t-il.

En tant qu’avocat et conseiller de village, Yaadav est en mesure d’observer et de comprendre comment les gens réagissent face aux problèmes sociaux, ainsi que leurs préoccupations et attentes réelles. Il constate que de nombreuses personnes se manifestent, sur les réseaux sociaux ou à l’extérieur, pour dénoncer la corruption, toutefois il souligne que l’essentiel n’est pas seulement de lutter sélectivement contre, mais aussi contre ceux qui ont contribué à créer le système politique actuel. Il insiste sur la nécessité pour les autorités de veiller à ce que les institutions fonctionnent correctement et éthiquement, et ajoute que toute la nation mauricienne doit avoir un sens de l’éthique et éviter toute corruption, avant de critiquer les actions corrompues et défaillantes.

« En ce qui concerne le judiciaire, il est primordial de davantage prendre en compte l’amélioration du service rendu au grand public. Il est nécessaire de rénover quelques tribunaux de district ainsi qu’une partie du tribunal intermédiaire. Bien que des plans de numérisation du système judiciaire soient en cours, je suis d’avis que la mise en œuvre de ces plans devrait être accélérée pour garantir une meilleure accessibilité et efficacité », déclare-t-il.

« À mon avis, l’une des principales priorités pour améliorer la société et réduire les problèmes sociaux consiste à renforcer les relations entre la police et les avocats. Le judiciaire joue un rôle crucial en garantissant que la loi est appliquée correctement, et que le principe de l’État de droit prévaut », ajoute-t-il.

Selon l’avocat, il est essentiel de promouvoir la confiance et la coopération entre les différents acteurs du système judiciaire pour assurer une administration équitable de la justice et un respect des droits fondamentaux de tous les citoyens. D’après lui, une bonne collaboration entre la police et les avocats peut contribuer à une société plus stable et respectueuse de la loi.

« La crédibilité est l’un des facteurs les plus importants pour convaincre l’ensemble de la population mauricienne de se joindre à la lutte pour le bien-être de notre société et de la démocratie. Malheureusement, le communalisme est un obstacle majeur au bon fonctionnement de la démocratie. C’est devenu la principale cause de la haine entre plusieurs groupes ethniques, or il est essentiel que nous cultivions une notion d’unité et d’harmonie avec toutes les communautés et que nous l’appliquions dans notre vie quotidienne. Nous devons donc être très vigilants face aux arguments qui alimentent le communalisme et la haine entre les différentes communautés », conclut Yaadav Damree.

Anouskha Bhugaloo