Anil Baichoo : « Il faut réintroduire le permis à points »

78 personnes mortes dans des accidents depuis janvier 2022

Ces derniers temps, il y a eu quelques accidents spectaculaires, avec des voitures qui ont fait des embardées ou des tonneaux, et qui ont quelque peu défrayé la chronique. Le dernier en date : celui de Pointe-des-Lascars, où il y a eu mort d’homme. Dans cette optique, il convient de se demander s’il faudrait relancer le permis à points, qui avait été supprimé par le gouvernement Lepep en 2015 alors qu’il avait commencé à donner quelques résultats probants.

Depuis janvier 2022 jusqu’à maintenant, il y a eu 73 accidents fatals sur nos routes, avec 78 personnes qui ont connu une fin tragique sur l’asphalte, selon les chiffres que nous a fournis le ‘Police Press Office’ (PPO). Et pour l’année dernière, il y a eu 108 morts sur nos routes, selon ‘Statistics Mauritius’.  Une fois de plus, on se posera les mêmes questions. Quels sont les facteurs derrière cette hécatombe? Est-ce dû à l’alcool au volant ? À l’irresponsabilité des usagers de la route, qui font fi du Code de la route et des lois ? À la mauvaise condition de nos routes ? Et plus important encore, que faire pour y remédier ?

Dans ce contexte, il convient de se demander s’il faudrait réintroduire le permis à points. Ce type de permis avait été introduit le 10 mai 2013, avec comme objectif de réduire le nombre d’accidents et de morts sur nos routes. Ainsi, si un conducteur avait commis plus de 15 infractions, son permis de conduire était suspendu pour une période de six mois. Selon certains, il avait même commencé à donner des résultats quand il avait été supprimé par le gouvernement Lepep en 2015.

L’ancien ministre des Infrastructures publiques, Anil Baichoo, affirme d’emblée qu’il faudrait réintroduire le permis à points. Selon lui,  l’implémentation de ce système avait déjà commencé à donner les résultats escomptés. « Nous avions pris le taureau par les cornes », maintient-il. « Les usagers de la route étaient devenus plus responsables car ils craignaient la suspension de leur permis ». Il devait ainsi vilipender la décision « brusque et irréfléchie » de Nando Bodha, alors ministre du Transport au sein du gouvernement Lepep, d’avoir supprimé le permis à points sur un coup de tête. « Si ce système était trop sévère, on aurait pu apporter des ajustements au lieu de le supprimer », précise Anil Baichoo.  

« Aujourd’hui, on peut voir les répercussions de cette décision irréfléchie à travers l’irresponsabilité et l’imprudence des automobilistes et des motocyclistes. Beaucoup de personnes font maintenant preuve de négligence et d’inattention sur nos routes, et les accidents deviennent de plus en plus fréquents », regrette-t-il. « Chaque mort sur nos route est un mort de trop. »

Dev Jokhoo : « Des inspections approfondies de nos routes par la police sont primordiales »

Selon Dev Jokhoo, ancien ‘Deputy Commissioner of Police’ (DCP) et ancien patron du ‘National Security Service’ (NSS), le principal facteur qui est responsable des accidents est le comportement des automobilistes, des motocyclistes et des piétons, qui font preuve de négligence. Il critique aussi la mauvaise condition en général de nos routes, avec des nids de poule qui peuvent présenter un véritable danger, surtout pour les motocyclistes, ou encore les marquages routiers qui se sont effacés. Dev Jokhoo plaide ainsi pour des inspections plus approfondies de nos routes par la police.

En ce qui concerne le permis à points, il devait lancer, « pas ti ene punition sa. C’était un système bien réfléchi. C’était un bon moyen de prévenir les accidents car les personnes étaient conscientes de leurs actes. Ils prenaient beaucoup de précautions sur la route et évitaient d’aller à l’encontre des lois. Ils essayaient de garder un ‘clean record’ ».

Outre le permis à points, il devait aussi préconiser le permis sous probation, où un chauffeur néophyte se verrait attribuer un tel permis, comme cela se fait dans certains pays. Ce n’est qu’après une période de deux ans, dépendant du nombre et de la gravite des infractions commises que le chauffeur reçoit son permis définitif. Sous ce type de permis, le chauffeur débutant doit rouler à des heures spécifiques et certaines routes dangereuses lui sont interdites.

Vinod Bungsy pointe du doigt l’inefficacité et le manque de sévérité des lois

Vinod Bungsy, auteur d’un manuel sur le Code de la route, pointe du doigt l’inefficacité et le manque de sévérité des lois. Il dénonce aussi l’insouciance des Mauriciens. Il devait revenir sur le récent accident à Pointe-des-Lascars. « Que dire sur la négligence et l’irresponsabilité du chauffeur et des passagers ? Il est inacceptable que le conducteur, un policier de surcroît, était ivre. Il est tout aussi inacceptable que huit personnes peuvent s’entasser dans une voiture, sans songer aux ceintures de sécurité », condamne-t-il. « Nous avons une culture dans ce pays où dès que les gens obtiennent leur permis, ils se croient tout permis. » Quand on l’interroge sur les causes des accidents, il répond laconiquement, « dimoun mem pe touye dimoun ». En ce qui concerne le permis à points, il affirme que ce système avait un impact, vu qu’il y avait une certaine baisse dans le nombre accidents, et plaide ainsi pour sa réintroduction.