Budget 2022/2023 : De nouveaux piliers et une vision à long terme requis

« C’est vrai que la situation économique est compliquée au niveau mondial », admet l’économiste Kevin Teeroovengadum d’emblée. Il souligne que les ministres des Finances des pays européens se transforment en contorsionnistes pour pouvoir venir en aide aux plus démunis. « Ceci afin d’éviter une crise sociale », dit-il.

L’économiste se montre plutôt pessimiste par rapport à la situation économique à Maurice. Il est d’avis que le taux d’inflation ne connaîtra pas de baisse aussitôt. « Cependant, si le gouvernement avait pris des mesures pour contrer les gaspillages comme indiqués dans le rapport de l’Audit, on aurait certainement pu venir en aide aux plus démunis de la société », souligne-t-il.

Notre interlocuteur estime aussi que ce gouvernement ne fait rien pour lancer de nouveaux piliers économiques. Il déplore le fait que les mêmes idées sont présentées à la population à chaque fois. « Ils sont là depuis plus de 15 ans ces piliers. Il n’y a aucun nouveau secteur ciblé par le gouvernement. Qui plus est, , tangiblement, ces anciens secteurs ne génèrent pas de gros revenus  additionnels », soutient Kevin Teeroovengadum. Il fait rappeler que le ministre des Finances avait parlé de plusieurs types de ‘hub’ mais que rien n’a décollé de ces effets d’annonces. « On avait même parlé de ‘silver economy’. C’est-à-dire de faire de Maurice un pays attrayant où les retraités étrangers voudront venir. Mais cela fait dix ans que ce projet avait été annoncé et il n’a jamais été réalisé », souligne notre interlocuteur.

Il se demande dans ce contexte combien de projets énoncés dans le Budget 2021/2022 ont été réalisés. « Dommage que nous n’avons aucun moyen pour vérifier les projets non-réalisés dans les deux derniers budgets de Renganaden Padayachy », lance l’économiste.

De son point de vue, Maurice n’a pas de plan stratégique depuis plusieurs années. « J’ai souvent demandé à mes amis comment se positionne Maurice dans ce monde instable. Personne n’a pu me répondre. La raison est que notre pays n’a aucun plan stratégique ou de vision », indique-t-il.

Il prend en exemple Dubaï. « Dubaï est ce qu’il est aujourd’hui, et ce n’est pas le fruit du hasard. Les dirigeants avaient une vision basée sur 30 ans. Et ils ont réussi. Idem pour la Chine qui est aujourd’hui une superpuissance », lance-t-il. À son avis, Maurice aussi aurait dû avoir une vision basée sur 30 ans.

Dans un autre ordre d’idées, Kevin Teeroovengadum avance qu’il faudrait avoir une politique de salaire minimal mais parallèlement avec d’autres mesures de ciblage. « Par exemple, il faudrait avoir une TVA à des taux variables, dont un faible pourcentage sur les produits de première nécessité et un autre, plus élevé, sur des produits de luxe », explique-t-il. Il estime aussi que le gouvernement devrait faire les reformesréformes nécessaires par exemple, la taxe rurale, et le ciblage pour lae pension universelle, etc. 

« Mettez-vous au travail »

Pour sa part, Pierre Dinan est d’avis que le ministre des Finances n’aura pas de grande marge de manœuvre pour présenter un budget social. Il reconnaît que la situation économique mondiale est peu favorable avec la pandémie et la guerre en Ukraine, mais il pense que tout n’est pas perdu. Il fait rappeler que dans les années 80, Maurice était dans une situation économiquement très précaire. « Mais on avait pu sortir de cette situation », dit-il.

« Nous étions au fond de l’abîme avec deux dévaluations de la roupie. Nous avons dû nous tourner vers la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). Ces deux institutions monétaires internationales nous avaient soutenues mais en attachant certaines conditions. Ceux qui nous dirigeaient à cette époque s’étaient pliés à ces conditions. En cinq ans, l’économie décollait et après 10 ans, le gouvernement d’alors commençait à rembourser les dettes », souligne notre interlocuteur. « Aujourd’hui, quand le FMI dit au gouvernement qu’il a eu tort d’avoir eu recours aux réserves de la Banque de Maurice, ce gouvernement l’envoie balader », fait ressortir l’économiste Pierre Dinan.

Pour lui, la bonne marche de l’économie est possible seulement s’il y a une bonne utilisation de nos ressources naturelles. « Nous avons le soleil et nos plages, qui attirent les touristes. Nous avons aussi notre zone maritime qui est malheureusement sous utilisée, et aussi nos terres », explique-t-il. Pour lui, de toutes ces ressources naturelles, la plus importante est nos ressources humaines.

« À mon sens, ce sont nos terres agricoles qui sont mal utilisées. Nous avons besoin d’élevage et de légumes. Nous devons réduire nos importations en matière d’alimentation », souligne Pierre Dinan. Pour lui, un des points forts de ce budget doit être le secteur agricole. Dans le même souffle, il plaide pour une plus grande exploitation de l’énergie verte. « Tout cela exige une bonne gouvernance », fait-il ressortir.

Pierre Dinan plaide aussi pour l’introduction d’une taxe rurale en se demandant ce que veut ce gouvernement. « Que veulent nos gouvernants ? Assurer leur avenir politique ou le bien de ce pays ? »

Finalement, il exhorte de la discipline au niveau du gouvernement et au niveau de la population. « Mettez-vous au travail », exhorte-t-il. « Il est important que le gouvernement considère la contribution de tout un chacun dans l’économie de ce pays et fasse de sorte qu’ils soient rétribués convenablement. »