Nos plages sont-elles à risque ? Installation de wave breakers, un must selon des experts

Les plages de l’île Maurice sont aujourd’hui menacées de disparition, à cause d’un problème d’érosion qui ne date pas d’hier. C’est une préoccupation croissante qui suscite des inquiétudes parmi les habitants. Face à cette réalité imminente, des actions s’imposent pour protéger les plages, assurer la sécurité et réguler les constructions en bord de mer. Toutefois, malgré les mises en garde et les recommandations préconisées depuis des années, aucune mesure n’a été prise jusqu’à présent, déplore Sunil Dowarkasing, environnementaliste.

Selon lui, une augmentation des cyclones et des inondations soudaines aura certainement un impact sévère sur nos plages. Il souligne la vulnérabilité de l’écosystème entre la mer et la terre, et met en lumière l’absence de mécanismes naturels pour faire face à cela. Depuis longtemps, indique-t-il, le rapport BAIRDS a mis en évidence cette problématique. « La plus grande erreur a été la plantation continue de filaos sur les plages, constituant ainsi une menace potentielle pour nos rivages. Des mesures urgentes s’imposent. Face aux effets du changement climatique et à la montée des eaux, il est impératif de réviser immédiatement le système de protection des plages, faute de quoi nous continuerons à les perdre », dit-il.

Sunil Dowarkasing souligne la nécessité de revoir intégralement le système de gestion côtière. Il affirme que des technologies novatrices et des experts peuvent nous aider à sauver nos plages, mais que les autorités font la sourde oreille face à cette situation. « Il est temps de s’inspirer de mesures efficaces ailleurs et de privilégier des solutions naturelles pour résoudre ce problème », avance-t-il. De plus, il critique la stratégie de la ‘Japan International Cooperation Agency’ (JICA), soulignant leur inaction depuis plus de 25 ans.

« Il est crucial de mettre fin aux constructions sauvages sur les côtes. Les nouvelles constructions doivent être réalisées avec réflexion. Il est temps de tourner la page et d’explorer d’autres voies pour sauver nos plages. Les autorités doivent rapidement trouver de nouvelles stratégies, car bien que le plan existe, nous ne mettons pas en place les solutions nécessaires. Dans les régions souffrant d’une érosion importante, l’installation de ‘wave breakers’ pour atténuer la force des vagues est considérée comme essentielle. Il est grand temps de réviser la ‘Climate Change Act’ », conclut Sunil Dowarkasing.

Adi Teelock : « Il y a toutes les raisons d’adopter une stratégie de retrait de la côte »

Pour l’environnementaliste Adi Teelock, il est nécessaire de faire la distinction entre l’érosion proprement dite et les mouvements de sable sur les plages provoqués par les marées, mouvements qui peuvent temporairement apporter ou emporter du sable. On parle d’érosion lorsque la perte est durable. L’érosion résulte de plusieurs facteurs ; par exemple, à Flic-en-Flac, l’extraction du sable du lagon jusqu’au début des années 2000 et le dynamitage du récif à Mont Choisy il y a plusieurs années. Le changement climatique aggrave l’érosion de deux manières : la mer pénètre davantage à l’intérieur en raison de la montée du niveau de la mer, et les ondes ou houles cycloniques (storm surges) qui accompagnent les tempêtes et les cyclones deviennent plus fortes, comme observé avec Belal et Freddy.

« Plusieurs propositions et recommandations à long, moyen et court termes ont été formulées depuis des années pour minimiser l’érosion des plages. Cependant, soit elles n’ont pas été mises en pratique, soit leur mise en œuvre a été trop fragmentaire pour être efficace. Le manque de cohérence et d’approche globale sont des obstacles majeurs. Il serait nécessaire de préserver les Pas Géométriques non encore bâtis afin d’y aménager une ceinture de végétation côtière adaptée. Ce n’est pas une solution miracle, mais les structures en dur telles que les ‘breakwaters’ ou les récifs artificiels aménagées dans le lagon ne remplissent pas toujours leur fonction en raison de conceptions souvent défectueuses ou inadaptées », explique-t-elle.

Selon l’environnementaliste, le ‘set-back’ de 30 mètres de la ligne de haute marée que les constructions sur la côte doivent respecter n’est plus suffisant, mais il continue d’être préconisé par le ministère de l’Environnement. Des structures se trouvent également en deçà des 30 mètres, accentuant l’érosion. Il serait nécessaire, par exemple, de refuser de maintenir ces structures lors de rénovations et reconstructions, mais plutôt de les repousser vers l’intérieur. De plus, aujourd’hui, lors de hautes marées, et surtout lors des ondes de tempête, ces structures se retrouvent dans l’eau, causant des dégâts importants. Il y a toutes les raisons d’adopter une stratégie de retrait de la côte, mais les objections d’ordre politique et financier prévalent.

« Le ‘coral farming’ est préconisé pour reconstruire la protection offerte par les récifs et autres colonies de coraux détruits par l’action humaine ou par le blanchiment. Cependant, les herbiers marins et les mangroves, agissant comme des ralentisseurs de vagues, subissent toujours des dégradations et sont mal vus. Une approche globale nécessite que la protection de la côte commence à l’intérieur des terres, selon le ‘concept ridge-to-reef ‘(des montagnes au récif). À chaque cyclone ou fortes pluies, les rivières transportent vers la mer des sédiments, des déchets plastiques, entre autres, et des végétaux des cours d’eau. À Maurice, les réserves de rivières ont rétréci en raison de constructions non-autorisées et autorisées. La végétation composée d’arbres sur les berges des rivières retient la terre ; en leur absence, cette terre se retrouve en quantité beaucoup plus importante dans le lagon, une sédimentation nocive pour les écosystèmes marins, dont les coraux. L’annonce de la construction de 19 établissements hôteliers balnéaires ou proches de la mer, ainsi que les permis accordés pour des projets immobiliers sur le littoral, indique que pour le gouvernement, c’est ‘business as usual ‘ malgré les discours », conclut Adi Teelock.