Connie Bardotier, coiffeuse et prothésiste ongulaire

« La rivalité féroce entres les femmes nuit à leur avancement »

Nous faisons la rencontre cette semaine-ci de Connie Bardotier, une femme qui a connu quelques moments difficiles dans sa vie, mais qui a pu réussir son rêve de devenir barbière, coiffeuse et prothésiste ongulaire. Outre les nombreux préjugés auxquels les femmes doivent encore faire face de nos jours, Connie aborde avec nous un aspect qu’on passe souvent sous silence : la rivalité parfois féroce qui, selon elle, est comme « une arme tranchante » entre les femmes.

Connie Bardotier est une femme dans la quarantaine, qui habite à Rose-Hill. Mariée, elle a deux fils. Sur le plan professionnel, Connie a eu un long parcours. Elle avait commencé à travailler dès l’âge de 16 ans dans une usine tout près de chez elle, après avoir mis fin à ses études secondaires. De temps à autre, elle travaillait aussi comme couturière.

Elle a ensuite travaillé pendant plusieurs années dans de multiples centres d’appel. Elle a agi comme ‘Team Leader’ pendant huit ans chez Blue Connect, où elle compte une dizaine d’années de service. En parallèle avec son travail à Blue Connect, elle devait suivre une formation à la Say’s Academy dans le domaine de la coiffure (incluant le rasage des barbes) et des soins à apporter aux ongles, car elle a toujours aimé redonner une vitalité aux ongles des gens.

Lorsqu’elle avait intégré la formation de barbier, il y avait uniquement des hommes. Elle était la seule femme et les regards de ces derniers étaient braqués sur elle. « Dans leur esprit, ils se disaient, ‘Ki sa fem la vin fer ici ? Kot li sapé sa ? », lance-t-elle. « Ce n’est pas parce que tu es une femme que tu ne peux pas faire un métier d’homme. Les femmes sont égales aux hommes et ont la capacité de faire les mêmes travaux que les hommes », fait ressortir Connie.

Trois mois de cela, elle a soumis sa lettre de démission car elle voulait réaliser son rêve, celui  de travailler comme coiffeuse et prothésiste ongulaire à son propre compte. « Je me sentais quelque part saturée par mon travail pendant toutes ces années, et je voulais un changement », nous dit-elle. Aussi, quand elle était tombée malade, elle était plus que jamais décidée à se mettre à son propre compte. « Depuis tout le temps, je voulais ouvrir mon business, mais c’était difficile de franchir le pas décisif. Mais aujourd’hui, je trouve que mon rêve est réalisable », nous explique la jeune femme.

Elle fait ressortir qu’elle n’avait reçu aucun encouragement de la part de sa famille lorsqu’elle avait annoncé qu’elle allait démissionner de l’entreprise où elle avait travaillé pendant une dizaine d’années. Lorsqu’elle avait annoncé à sa famille qu’elle voulait être barbière (en sus d’être coiffeuse et prothésiste ongulaire), on devait lui rappeler que c’était un métier pour les hommes. « On m’avait carrément dit qu’une femme ne devrait pas faire ce travail », relate-t-elle. Connie a ainsi subi des commentaires désagréables et elle a dû faire face à des préjugés. Mais elle n’a pas baissé les bras. Néanmoins, elle a eu le soutien et l’encouragement de ses amis pour aller de l’avant dans ce métier.

Pour Connie, il y a encore beaucoup de préjugés contre les femmes. À titre d’exemple : si une femme est victime de violence domestique aux mains de son mari, c’est qu’elle le mérite ; si une femme est corpulente, elle ne pourra pas trouver quelqu’un avec qui elle pourra faire sa vie ; si une femme obtient une promotion sur son lieu de travail, c’est qu’elle a couché avec le patron ; si une femme a un ami masculin, c’est son amant. « C’est ça le visage de la femme pour beaucoup de personnes dans la société », dit-elle. Pour elle, malheureusement, les regards que portent les femmes sur d’autres femmes sont souvent de cette nature.

« Que les femmes se soutiennent entre elles »

Mais une des raisons pour laquelle elle a démissionné est la rivalité qui prévaut entres les femmes, nous confie-t-elle. Elle nous explique qu’elle a surtout connu cela ces deux dernières années sur son lieu de travail, juste avant qu’elle ne démissionne. Connie nous raconte ce qu’elle a vécu et se demande pourquoi les femmes sont parfois méchantes à ce point. « Des fois, les femmes élaborent des plans machiavéliques pour détruire d’autres femmes », dénonce-t-elle. Pour elle, c’est une triste réalité, que ce soit dans le monde du travail ou sur le plan personnel. « Les femmes ressemblent beaucoup aux poules d’une basse-cour », dit-elle.

Pour elle, la rivalité entre femmes nuit à leur propre avancement dans la société. « Au lieu de comploter toute une journée, elles devraient se serrer les coudes », dit-elle. « On préfère dénoncer les innombrables violences faites aux femmes à l’autre bout de la planète plutôt que de parler de la cruauté des femmes entre elles-mêmes. On parle de la magnifique solidarité entre femmes qui peut changer le monde mais on passe sous silence la rivalité qui divise et empoisonne la gente féminine », lance-t-elle.

« Peu importe quelle politique le gouvernement mettra sur pied pour aider les femmes afin qu’elles soient indépendantes, cette mentalité restera toujours inchangeable et n’aidera certainement aucune femme à avancer », conclut-elle.

Dans un premier temps, elle souhaite que cette rivalité puisse cesser entre les femmes et qu’elles se serrent les coudes et travaillent ensemble pour l’épanouissement de tout un chacun. « Si les regards des femmes envers les autres femmes pouvaient changer, cela va probablement changer l’attitude des autres personnes envers les femmes », dit-elle. Connie fait ressortir que les femmes doivent fraterniser et se soutenir mutuellement.

« Les femmes doivent revendiquer leur place dans la société, mais ce n’est pas en écrasant d’autres femmes qu’elles y arriveront. Cette revendication doit se faire ensemble, dans la réciprocité autres femmes », affirme-t-elle.