Des policiers front office de sentinelles devant la résidence secondaire d’un ministre :Un abus, selon l’ancien DCP Dev Jokhoo

C’est une pratique établie depuis des années : ce sont des policiers qui font office de sentinelles devant la maison des ministres. Mais selon nos recoupements, ce travail ne doit être effectué que devant la résidence principale du ministre, où habitent normalement ce dernier et sa famille, et non pas devant une quelconque résidence secondaire, qui peut ne pas être occupée tous les jours.

Or, ces derniers temps, une nouvelle se répand comme une traînée de poudre : une résidence secondaire, qui est rarement habitée par un ministre et sa famille, est sous la protection des sentinelles de la police. La maison concernée se trouve dans le sud de l’île, dans une circonscription où le ministre en question a été élu durant les dernières élections.

Est-ce qu’il est stipulé dans le contrat de service (‘Scheme of Duties’) des policiers que ces derniers doivent assurer la sécurité devant la maison des ministres ? Dev Jokhoo, ex-patron du National Security Service (NSS), et ex-Deputy Commissionner of Police (DCP), nous explique que le déploiement des policiers devant les résidences des ministres ne se trouve pas dans une loi ou dans un règlement, mais que c’est plutôt un « administrative arrangement ». Dev Jokhoo dit être au courant de cette rumeur, à l’effet que la résidence secondaire d’un ministre est surveillée par une sentinelle. « Si moi j’étais Commissaire de police, j’aurais résisté à cela », affirme ce dernier.

Selon Dev Jokhoo, cela constitue clairement un abus. Il espère que le Commissaire de police, ainsi que le ministre en question, voire le Premier ministre, se ressaisiront. L’ex-patron de la NSS nous explique que c’est le ministre qui est vulnérable et que c’est lui qui doit faire l’objet d’une protection. En d’autres mots, c’est la résidence où habite le ministre qui doit être protégée par des policiers. Ainsi, c’est quand le politicien se déplace vers sa résidence secondaire que des policiers doivent monter la garde devant celle-ci.

Il prend comme exemple le campement de Navin Ramgoolam à Roches-Noires. À l’époque où ce dernier était Premier ministre, il payait de sa poche la compagnie Brinks pour assurer la sécurité du campement, et ne sollicitaient pas les services des policiers. Il remonte dans le passé et nous fait part d’un Commissaire de police, qui avait seulement un certificat du CPE, mais qui avait su résister à ce genre d’abus. Ce Commissaire avait alors assené que « You cannot use trained police officers for sentry duty ! »

Selon ce dernier, ce fut une époque où les policiers subissaient toutes sortes d’abus de la part des ministres. Les policiers devaient agir en tant que ‘gatekeeper’ pour ces derniers. À tout moment, ils devaient être disponibles pour ouvrir les portes devant les ministres, voire pour leurs proches. Il y avait même eu des policiers qui devaient aller au marché pour approvisionner les ministres en légumes frais, ou pour faire d’autres emplettes.

Mais devait intervenir une directive de Sir Bhinod Bacha, qui était à l’époque ‘Head of the Civil Service’, à l’effet que dorénavant, ce ne seraient uniquement que les résidences principales des ministres qui seront pourvues des policiers pour y monter la garde, et non pas les résidences secondaires de ces derniers. Mais il semblerait que les vieilles habitudes ont la vie dure…