Médcin specialise en oto-rhino-laryngologie (ENT) Dr Dawood Oaris apporte un brin d’éclairage sur les ronages des cliniques privées tout en dévoilant sa collaboration historique avec la Clinique Chisty Shifa où il agit en tant que directeur médical sur une base volontaire. Avec l’aide précieuse des Drs H.Gareeboo, A.Husnoo, A.Essoof et S.Maudarbocus la Clinique est aujourd’hui une  réalité.

Dr Oaris, racontez-nous votre association avec la Clinique Chisty Shifa.

Cette association remonte à plusieurs années. Nous étions un groupe de jeunes médecins musulmans, dont parmi les Dr Gareeboo, Husnoo, Maudarbocus, Essoof et moi-même, qui réalisaient combien il était primordial d’implanter une clinique dans la Capitale et qui pourrait servir les Port Louisiens et les habitants du Nord. Nous avions obtenu un terrain de cinq arpents du gouvernement pour sa construction à Vallée des Prêtres. Mais faute d’argent, le projet est tombé à l’eau et nous avons retourné le terrain au gouvernement.

Vous vous êtes trouvés ensuite à l’orphelinat de la rue Labourdonnais ?

Effectivement, le Mauritius Muslim Orphanage caressait l’idée d’ouvrir une clinique. C’est ainsi que l’on s’est mis d’accord sur un joint-venture qui a débouché sur la création de l’Islamic Medical Trust en 1990, composé de 10 trustees, cinq médecins et cinq membres de l’orphelinat.

Et l’argent pour la construction ?

Nous l’avons obtenu principalement de la communauté qui a largement contribué, en particulier les professionnels, les notables. Leur contribution aura été énorme. Je dois aussi remercier les familles qui avaient sponsorisé le projet en adoptant des chambres. Six ans plus tard, en avril 1996, le président de la République d’alors Cassam Uteem inaugurait la clinique.

Et vous en deveniez le tout premier Medical Directory ?

Oui On a démarré avec des moyens très modestes, tant en infrastructures qu’en équipements. Il fallait bien commencer quelque part. Mais dès le début, nous avions été la première clinique à apporter deux innovations majeures : la formation de nos infirmiers et infirmières et la présence des médecins in-service 24/7. Au fil du temps, nous avons amélioré le niveau de nos infrastructures et de nos équipements avec l’aide précieuse de feu Mahmood Domun et Hassam Mohedeen, et de nos ‘‘well-wishers’’

En vingt ans d’existence, quelle lecture faites-vous du parcours de Chisty Shifa ?

J’en suis très fier, je dois l’avouer. Nous mettons une clinique moderne, de dernier cri, à la disposition du public. Sauf pour la neurochirurgie et l’opération cardiaque, nous offrons, outre le check-up médical et les soins aux urgences, une panoplie de services médicaux et paramédicaux, grâce à des médecins hautement qualifiés, de l’électrocardiographie à la chirurgie générale, en passant par la mammographie et le dialyse. Depuis six mois la clinique a fait installer un scanner hautement sophistiqué grâce à la générosité d’un philanthrope, en nous faisant don de 50% du coût et 50% en prêt sans intérêts.

A quoi se résume l’apport des cliniques privées dans ce secteur ?

Le secteur privé joue un rôle capitale dans l’administration complémentaire de la santé à Maurice. Il y a 17 cliniques privées regroupées au sein de la Private Clinics Association dont je suis le président depuis cinq ans. En 2015, 27.2% de la population, soit 227,950 personnes ont reçu des soins médicaux dans les institutions privées de la santé. Nous travaillons en étroite collaboration. Chaque clinique a son propre agenda. Mais travailler avec le public qui paie pour nos services éveille chez nous une prise de conscience. D’ailleurs 50% à 60% de nos patients sont couverts par une police d’assurance. Ces derniers choisissent leur clinique et leur médecin traitant, avec qui ils négocient les frais de leur traitement. Savez-vous que les soins médicaux des cliniques dépassent de 15% ceux du secteur public ?

Et le rôle du ministère dans tout cela ?

Sans le ministère, nous n’existerions pas. Les cliniques fonctionnent sous la Private Health Institutions Act. C’est le ministère qui octroie les licences pour opéré selon les règlements établis. Chaque année il délègue un medecin dans chacune des disciplines pour faire un état des lieux tant curatif que préventif pour savoir si le niveau de nos services a progressé. Il est de notoriété que les cliniques privées ont bâti leur réputation sur les soins personnalisés et hautement sophistiques dispensés à leurs patients qui paient ‘out-of-pocket expenditure’. N’oubliez pas que les cliniques ont été les pionniers à introduire l’équipement MRI  et à pratiquer le dialyse.

On dit souvent à Maurice que la santé est « malade » ?

Je vous dirai que Maurice est l’un des rares pays au monde où la santé est gratuite. Du plus petit traitement au Casualty à la plus grande opération, les Mauriciens ne déboursent pas un sou. Je concède qu’il y a des manquements, comme il y a un gros problème d’éducation et d’information à régler. Le public, n’étant pas bien renseigné, se sent mal.

Nos services publics ont extrêmement progressés, avec de nouveaux équipements, de nouvelles infrastructures. Le ministère se donne à fond pour offrir un meilleur service à la population. Certains facteurs, comme les maladies dites Non Communicable Diseases (NCD), peuvent échapper à son contrôle.

Pourtant les cas de négligence médicale prolifèrent.

Chaque semaine ou presque, j’en prends connaissance à travers les médias. Une famille qui perd un être cher dû à une négligence en souffre énormément. Mais il est important de voir tous les paramètres de la situation avant de conclure à une négligence. N’empêche que s’il y a matière à croire qu’il y a négligence, le Medical Council (MC) soumet les cas au Medical Tribunal pour enquête. Des sanctions sont prises contre la (les) personne(s) trouvée(s) coupable(s). Je dois toutefois faire ressortir qu’un médecin n’est pas Dieu et fait tout pour sauver la vie d’un patient.

Ce qui se passe au Medical Council justement est révélateur d’une situation ultra-malsaine.

Un regard dans le rétroviseur me permet de dire qu’il y a eu trop de changements aux règlements du Medical Council depuis sa création en 1990. J’avais même fait partie du panel qui avait drafté les ‘regulations’. Celles-ci ne ressemblent plus à qu’elles étaient a l’origine. Pour répondre à votre question, ce qui se passe au MC n’est qu’une tempête dans un verre d’eau. Le Dr Pierre Tadebois l’a si bien dit. On peut avoir des divergences d’opinion au sein du MC. Le médecin étant médecin peut, quelque part, ne pas être sur la même longueur d’ondes que les nominés du ministre.

Comment expliquer la révocation des nominés par le ministère ? 

Je ne peux m’exprimer sur leur révocation. C’est au ministère d’apporter plus de précision. Seuls les membres qui siègent au board sont au courant de la guerre intestinale qui ronge cet organisme.

Le virus H1N1 fait peur, Dr Oaris. Il a fait deux victimes déjà. N’est-ce pas inquiétant ?

C’est triste et malheureux que cette grippe a pris deux vies. Ce sont des moyens préventifs qu’on doit appliquer pour éviter le pire. H1N1 est une infection virale comme les autres grippes. Avec le début de l’hiver, on est plus exposé au virus qui est véhiculé par l’air. Il se développe de plus en plus fort.

Le ministère met beaucoup d’accent sur la prévention. Il est important de prendre la précaution d’usage pour éviter que le virus se propage. La vigilance doit être de mise. Dès que les symptômes, tels la fièvre, la toux, le mal de gorge, les courbatures, le rhume, la faiblesse, apparaissent, il faut se rendre à l’hôpital pour se faire vacciner. Les enfants, les diabétiques et les plus de 60 ans sont les plus vulnérables.