[Économie] Bataille entre défis et mesures électoralistes

Qu’il y ait une élection partielle ou pas au no. 10, l’Assemblée nationale, elle, sera automatiquement dissolue en novembre de cette année. Mais la probabilité que les élections générales se tiennent avant cette date est grande, surtout si le Premier ministre décide, après tout, de ne pas aller de l’avant avec une partielle, comme en 2019. D’ici là, des défis économiques guettent le gouvernement. L’économiste Takesh Luckho explique que depuis 2015, le gouvernement privilégie la reprise de la croissance tirée par la consommation. À cet effet, il a pris un certain nombre de mesures économiques visant à accroître le pouvoir d’achat de la population en lui donnant les moyens financiers de consommer davantage. Ces mesures vont de l’introduction du salaire minimum à l’avènement de l’impôt négatif, en passant par l’augmentation de la pension de retraite ainsi que la gratuité de l’éducation pré-primaire et une allocation de Rs 1000 à Rs 2000 par personne au titre de la CSG. Ces mesures économiques, dit-il, ont un impact sur les Mauriciens.

Disparités salariales et pension

« L’augmentation du salaire minimum est certainement une mesure électoraliste. Il est à noter que les autres salaires, en dehors du salaire minimum, dans le secteur privé ou public, n’ont pas connu de changement. Pour le moment, le gouvernement doit trouver un équilibre entre les disparités salariales », explique-t-il. À titre d’exemple, une personne entrant dans le secteur public, qui a donc une certaine qualification, perçoit le même salaire que celui qui touche le revenu minimum de Rs 18 500 par mois. De plus, il n’y a aucune différence de salaire entre les employés avec ou sans expérience. D’où l’importance d’y remédier. Ce qui est compliqué, car le gouvernement devra trouver des fonds qui n’ont pas été provisionnés et qui n’ont pas été votés dans le dernier budget.

« Nous traversons une période où il sera nécessaire de transformer l’économie par le biais de réformes. Dans un tel contexte, le leadership politique devient très important car il s’agira de prendre des décisions importantes, dont certaines seront impopulaires », ajoute-t-il. « Un autre enjeu concerne la pension de vieillesse à Rs 13 500. C’est une mesure qui avait été annoncée dès 2019, mais qui n’a pas encore été pleinement mise en œuvre. Sa mise en place a pris du temps car le gouvernement n’avait pas suffisamment de fonds, en raison de problèmes auxquels le pays a dû faire face, tels que la pandémie de Covid-19. À l’heure actuelle, les personnes âgées de plus de 75 ans reçoivent une pension de vieillesse de Rs 13 500. Quant à ceux de moins de 75 ans, le gouvernement devra trouver une autre source de revenus pour aligner leur pension », dit-il.

« Il convient également de noter que la dette publique a augmenté, passant de Rs 500 milliards à Rs 516 milliards en l’espace de six mois », ajoute Takesh Luckho. Qu’est-ce qui a conduit à cette augmentation de la dette publique ? Selon l’économiste, les allocations sociales allouées par le gouvernement ont entraîné une augmentation des dépenses. Ce qui fait qu’il faut trouver des sources de revenus supplémentaires pour pouvoir les financer. « Et une fois de plus, nous nous retrouverons dans une situation où la dette publique augmentera certainement », poursuit-il.

« Le pays attend désespérément un rebond, face à l’endettement du secteur privé et à la morosité économique ambiante. Bien que le pourcentage d’inflation ait diminué, la valeur du panier d’achat augmente constamment. L’inflation est calculée en fonction de l’augmentation des prix sur une année, selon l’indice du ‘Consumer Price Index’ (CPI). Malgré l’augmentation des revenus, la valeur réelle de l’argent diminue. Bien que la somme perçue semble être importante, sa valeur lors des achats dans les supermarchés n’est pas la même », explique Takesh Luckho.

Emploi : Un secteur d’absorption pour les diplômés

Selon les données publiées par Statistics Mauritius, le taux de chômage à Maurice connaît une baisse. Cependant, cette diminution ne traduit pas entièrement la réalité, car environ 38 000 personnes demeurent au chômage, avec une augmentation notable du chômage chez les femmes. Comparativement à l’année précédente, le taux de chômage est passé de 24 à 17 %. Malgré cela, peu de changements significatifs ont été observés, car certains mécanismes ont été mis en place pour masquer cette évolution.

Takesh Luckho déplore l’absence d’un secteur capable d’intégrer les jeunes, qu’ils soient en fin de scolarité (School leavers) ou diplômés, car ces derniers peinent à trouver un emploi correspondant à leurs aspirations. C’est pourquoi, selon lui, beaucoup de jeunes se tournent vers d’autres pays à travers l’immigration ou vers des emplois dans l’industrie des croisières. L’économiste note également une pénurie de professionnels qualifiés dans divers secteurs de l’île, ce qui représente une perte pour l’économie. « Il est impératif que le gouvernement examine attentivement cette situation afin de remédier au problème persistant du chômage, qui reste une préoccupation majeure dans le pays. Bien que la demande de personnes qualifiées avec un diplôme et de l’expérience soit élevée, il est souvent difficile de trouver ces candidats, ce qui contribue au problème du chômage. La situation est préoccupante, car le pays semble incapable d’absorber les jeunes sur le marché du travail, et l’écart entre la production et les salaires continue de se creuser », explique-t-il.

La relance de l’industrie locale grâce à la technologie

Selon l’économiste, la relance économique réside dans le secteur de l’agro-industrie, avec l’apport de nouvelles technologies. Alors que le gouvernement a annoncé de nouveaux piliers économiques dans le budget précédent, tels que l’économie verte et l’économie bleue, ces initiatives restent toujours au stade embryonnaire, surtout à l’approche des élections. Il estime que l’innovation, notamment à travers la technologie, peut être un catalyseur important pour le développement économique. « Par exemple, l’’Agritech’ gagne du terrain à Maurice, et le gouvernement devrait soutenir cette industrie pour lui redonner de la valeur. De nouvelles voies doivent être explorées pour sortir de la crise actuelle. Malgré un contexte difficile et un manque de dynamisme économique, une politique de croissance dynamique dans les secteurs économiques est nécessaire », estime-t-il.

Budget

En ce qui concerne le budget, Takesh Luckho présume qu’il sera axé sur une approche plus populiste cette année, à l’approche des élections, avec une mise en avant des mesures visant à séduire l’électorat. « Bien que des mesures économiques soient attendues, le gouvernement devrait mettre davantage l’accent sur des mesures populaires pour attirer les électeurs. Certaines mesures, telles que les pensions de vieillesse, la PRB et les ajustements salariaux, seront revues, mais il y a une attente pour des changements plus significatifs. Les véritables projets de développement n’ont pas encore été pleinement réalisés. Le gouvernement a principalement axé ses efforts sur la consommation et les dépenses en infrastructures pour relancer l’économie, avec un accent moindre sur les projets de développement concrets », conclut-il.