[EDITO] Marche-arrière

Par Zahirah RADHA

Le gouvernement se brûlait les ailes avec les dernières hausses qu’il avait imposées sur les prix des carburants le 1er octobre dernier. Une semaine plus tard, il a dû se rétracter en faisant marche-arrière, la queue entre les jambes. Officiellement, dans une énième tentative de duper la population, le gouvernement dit avoir à cœur son intérêt. D’où l’effort supplémentaire que le Premier ministre Pravind Jugnauth aurait demandé à son ministre des Finances Renganaden Padayachy de faire en injectant Rs 200 millions dans le ‘Price Stabilisation Account’ (PSA). Le but : ramener le prix de l’essence à Rs 69/litre, soit Rs 3.10 moins cher, comme il l’avait d’ailleurs été avant la majoration. Par contre, là où le bât blesse le plus, le prix du diesel a augmenté de nouveau par Rs 3.95/ litre, passant ainsi de Rs 60 à Rs 63.95/ litre le 7 octobre.

Avec la précédente majoration de Rs 5.45/ litre appliquée le 1er octobre, cela fait au total une augmentation de Rs 9.40/ litre (Rs 5.45 + Rs 3.95) sur le diesel rien qu’en une semaine ! Pour calmer les ardeurs, puisque l’importante utilisation du diesel dans les transports et les entreprises entraîneront une hausse du coût de production, et par ricochet des prix et de la poussée inflationniste, le gouvernement brandit une carotte : Rs 5/ litre seront remboursées par la ‘Mauritius Revenue Authority’ (MRA) à une catégorie sélecte d’opérateurs économiques. L’impression que veut donner le gouvernement, c’est qu’il œuvre pour soulager les ménages et les entreprises. Mais si tel était effectivement le but recherché, il aurait dû tout simplement enlever certaines taxes qu’il a imposées et cumulées sur les prix des carburants depuis 2014.

Actuellement, les taxes sur l’essence s’élèvent à environ Rs 31. Ce qui représente approximativement 45% du prix de l’essence/ litre. Une abolition, ne serait-ce que temporaire, de l’excise duty, qui bouffe Rs 12.20 par litre d’essence, et de la VAT (un vol puisque c’est une taxe imposée sur les toutes autres taxes) qui engloutit, elle, Rs 9 par litre d’essence, comme l’a suggéré le Dr Navin Ramgoolam, auraient grandement aidé à apaiser la souffrance d’une population de plus en plus appauvrie et endettée, puisqu’elle lui aurait permis d’économiser Rs 21.20 sur le litre d’essence. Ce qui aurait été une baisse conséquente. Si le gouvernement ne le fait pas, c’est parce qu’il ne veut pas se passer des milliards de roupies de revenus que ces taxes lui permettent d’engranger pour financer les dépenses gouvernementales. En fait, il prend bien plus de la population que ce qu’il ne lui donne. Ce qui se résume à « prend bef, donne dizef ».

Il faut aussi rappeler que la STC n’est pas censée remplir les caisses de l’État. Sa mission première consiste plutôt à stabiliser les prix des produits pétroliers, de la farine et du gaz dans l’intérêt de la population. Mais malheureusement, le mécanisme du ‘Price Stabilisation Account’ (PSA) ne remplit plus son objectif depuis 2021. Les réserves de la STC ont d’abord servi à financer les achats d’équipements médicaux sous ‘Emergency Procurement’, puis à consolider le « consolidated fund » de la trésorerie publique. Ce qui ne correspond pas au rôle de la STC. Et finalement, elle a dû vider ce qu’il lui restait de sa caisse pour payer les compensations dues à Betamax. Ce qui explique maintenant le déficit de Rs 5, 2 milliards du PSA. Raison pour laquelle nous avons, à la fin de 2022 et au début de 2023, continué à payer le prix fort pour les carburants alors que le cours du pétrole avait chuté au niveau mondial.  Nous continuerons d’ailleurs à passer à la caisse à chaque fois que le prix du pétrole monte à l’international, ne serait-ce que par un seul dollar, puisque le PSA est vide et déficitaire.

Nous payons aujourd’hui chèrement la gourmandise du gouvernement qui a fait main basse sur les réserves de la STC. Et ensuite son incompétence qui nous a fait reculer en termes de négociations et d’approvisionnement en produits pétroliers, en résiliant le contrat avec Betamax. Nous avançons à reculons alors que les Seychelles nous surpassent, avec leur flotte de quatre pétroliers qui leur a permis de faire des bénéfices de 25 millions de dollars en 2022. Dommage…