Q : Quel est votre état d’esprit après votre démission du PMSD ?
Comme vous le savez, j’ai démissionné de toutes les instances du PMSD le mardi 16 avril. C’était une décision qui m’a fendu le cœur, tellement il m’était difficile de la prendre. Je suis né au PMSD et le parti éveille en moi une certaine nostalgie, me rappelant mon enfance. C’est donc tout naturellement que je suis triste et déçu de devoir le quitter, d’autant plus que c’est le parti de mon père, Sir Gaëtan. J’ai passé quelques jours extrêmement difficiles avant de prendre cette décision.
Q : Depuis quand avez-vous commencé à songer à quitter le parti ?
Le moment était venu de prendre une décision. J’avais auparavant rencontré Xavier dans l’espoir d’éviter de devoir soumettre ma démission. Mais après avec tous ces événements…
Q : Quels événements ? Les discussions autour du partage de tickets ?
Oui. Mais je déplore aussi la façon de faire à mon égard. Lors d’une rencontre un lundi, Xavier nous avait fait croire que mon nom figurait sur la liste de candidats. Mais grâce à mes renseignements, j’ai par la suite appris que tel n’était pas le cas et qu’il y avait des négociations en cours. Ce qui m’a terriblement choqué et j’ai pris la décision de partir, non sans avoir eu une discussion très franche avec lui la veille.
Q : Votre départ était-il donc motivé par une question de ticket ?
Pas du tout. C’était plus sur une question de principe, après avoir eu des renseignements sur un rapprochement du PMSD avec le MSM, comme je vous l’ai dit en faisant référence aux négociations en cours.
Q : Cette décision, l’avez-vous pris seul ou en concertation avec d’autres démissionnaires ?
J’ai partagé certaines informations avec Kushal Lobine qui avait, lui aussi, ses renseignements propres à lui. Ces échanges nous ont permis de comprendre ce qui se passait. D’où notre décision de quitter le parti.
Q : Vous avez fait état un peu plus tôt des « négociations en cours ». Avez-vous été écarté de ces négociations ?
Complètement ! Je l’ai appris par d’autres sources. C’est incompréhensible et inexplicable. Je dois dire qu’avant mon départ pour l’Australie pour voir ma mère, Navin Ramgoolam m’avait appelé pour me demander de venir le voir. C’est ce que j’ai fait après mon retour au pays, après une mission en Afrique du sud où j’avais mis le cap après l’Australie. Nous avons automatiquement parlé de politique, puisque j’entretiens de bonnes relations avec lui. La question des huit tickets avait été évoquée. Ramgoolam m’a alors dit : « Be dire Xavier mo pou donne li encore ene ticket. Dire li mo pou tire dans seki pou moi, mo pou donne li. Alle dire li ».
Q : Alors !?
Xavier m’a appelé lorsque je suis sorti de cette rencontre et il m’a reproché de ne pas lui en avoir parler. Je lui ai dit que Ramgoolam est un ami et qu’on se parle souvent avant de lui demander de parler à ce dernier. J’ai ressenti qu’il m’a quelque part tenu à l’écart par la suite. C’était avant d’apprendre que le nom de Kushal et le mien n’étaient pas sur sa liste de candidats, bien qu’il nous en ait montré une sur laquelle il y avait nos noms. Je suppose qu’il avait plus d’une liste. Mais encore une fois, c’est sa façon de faire qui m’a blessé.
Q : Vous avez quand même créé un nouveau parti en l’espace de deux jours, donnant l’impression que c’était déjà in the pipeline !
Kushal Lobine a expliqué durant notre conférence de presse qu’il songeait déjà depuis quelques temps à créer un nouveau parti politique. C’est lui qui a tout organisé. Where there’s a will, there’s a way. Rien n’est impossible si on a la volonté.
Q : On a un peu l’impression que l’histoire se répète chez les Duval. On se souvient de l’épisode du PMXD avant la réconciliation de la grande famille des Bleus. Cela vous est-il venu à l’esprit ?
(Sourire) Vous avez raison. Il y a toujours eu une guerre familiale constante.
Q : Ce n’est pas près de finir, paraît-il…
Écoutez, j’ai quitté le PMSD sur une question de principe. Je suis toujours resté derrière les rideaux. Je n’ai jamais eu la chance de pouvoir faire de la politique comme je le voulais.
Q : Pourquoi dites-vous cela ?
Bizin dire la vérité. Tout le temps ti prend moi ti met moi par derrière.
Q : C’était intentionnel ?
I was the backseat driver. Aujourd’hui, avec les Nouveaux Démocrates, j’aurai la chance de venir de l’avant et faire de la politique comme je l’entends.
Q : Vous auriez aimé être sur le front bench ?
Je me suis contenté du back seat et, à un moment donné, c’était même un choix que j’avais fait pour des raisons que je ne peux pas dévoiler.
Q : Vous vous plaisez maintenant dans votre nouveau rôle au sein des Nouveaux Démocrates ?
Je suis l’un des dirigeants des Nouveaux Démocrates. Nous avons choisi d’avoir une direction collégiale qui sera menée par Kushal Lobine, Véronique Leu-Govind et moi-même. Notre but, c’est de faire de la politique autrement. Je suis très touché, et même très impressionné, par la vague de soutien, de félicitations et d’encouragement que nous avons eu depuis l’annonce de notre démission et la création de notre parti. Cela me fait chaud au cœur. J’en profite pour inviter tous ceux qui veulent nous donner un coup de main dans notre mission de sauver et de changer la destinée de notre pays à venir de l’avant.
Q : Et qu’en est-il de votre alliance avec le PTr-MMM ?
Nous avons franchi un pas hier (ndlr : jeudi) en rencontrant les dirigeants du PTr et du MMM. Notre objectif, c’est d’être sur la même plateforme pour le meeting du 1er mai. Ce qui compte, pour l’instant, c’est le pays.
Q : Il se chuchote que vous pourriez migrer vers la circonscription no. 17. Est-ce vrai ?
Je suis député du no. 12. Il n’y a aucun changement à ce stade. Jusqu’ici nous n’avons pas évoqué la question de tickets avec le PTr et le MMM. Dès qu’il y aura des développements, puisqu’il y aura bien entendu d’autres discussions, nous transmettrons ces informations à la presse.
Q : Kushal Lobine a énoncé la vision de votre politique jeudi. Pensez-vous que vous aurez toute la latitude pour la mettre en pratique dans une alliance avec les rouges et les mauves ?
Kan ou fer politique derrière bocou dimoune, ou apane bocou dans la vie. Et moi, j’ai appris depuis ma tendre enfance. Je crois fermement en politique de proximité, et c’est ce que je fais en tant que député. Mais quelque part, peut-être que j’aurai maintenant la chance de faire ce que je n’ai pu faire jusqu’ici, à l’âge de 56 ans. Je crois fermement et sincèrement qu’il y a beaucoup de choses qu’on peut faire pour l’avenir du pays.
Moi, j’ai une autre vision de la politique. Je dépense mon propre argent. Et croyez-moi, c’est beaucoup d’argent ! (Rires). Je ne peux pas rester insensible à la souffrance de mes mandants. Mon but, c’est d’aider ceux qui sont au bas de l’échelle. Car la politique est synonyme d’actions. J’ai aménagé un terrain de foot qui m’a coûté une fortune dans ma circonscription. Des fois, je n’ai pas de limite. C’est l’un de mes défauts, mais peut-être que c’est une qualité aussi à la fois (rires).
Q : Vous dites prôner une politique de proximité. Que constatez-vous sur le terrain actuellement ?
On n’a jamais eu un gouvernement aussi « soy ». Dimoune coquin en plein jour, sans auken responsabilité. Je déteste les voleurs. Je ne peux pas les supporter. C’est inné en moi. Raison pour laquelle, quand j’ai appris que le PMSD irait avec le MSM, je me suis dit que je ne pourrais jamais le tolérer. Jamais ! Mo préfère mort, touye moi, met moi enba later, mais zamé mo pou alle avec MSM.
Pour revenir à votre question, rien ne va dans le pays actuellement. Tou enbalao ! La drogue fait des dégâts partout. Il n’y a pas de méritocratie. Les institutions sont bafouées. Les seules institutions encore crédibles sont le bureau du DPP et le judiciaire.
Q : Même DPP n’est pas à l’abri des tracasseries !
Évidemment quand vous faites votre travail avec honnêteté, il y en aura toujours certains qui chercheront à vous mettre des bâtons dans les roues.
Q : Quels seront donc les enjeux du meeting du 1er mai et éventuellement des prochaines élections générales ?
On évoque une bataille des foules. Il faut cependant être réaliste. Pas la foule ki fer gagne élections, mais les floating votes. Ou kapave trouve bel foule kot MSM et croire limem pe gagne élections. Mais la réalité est toute autre. Certains sont contraints d’aller aux rassemblements du gouvernement par crainte, ou sinon dans l’espoir que leurs enfants obtiennent un emploi.
La plupart des électeurs ont déjà fait leur choix, quoiqu’il nous reste encore à convaincre les indécis. Nous avons chez nous des jeunes politiciens sincères et qui font un travail formidable, comme Eshan Juman, Shakeel Mohamed, Mahend Gungaparsad, Kushal Lobine, Farhad Aumeer et Fabrice David. Nous avons une très bonne équipe. Si nous devons demain former un nouveau gouvernement, nous avons less compétence qu’il faut pour mener le pays à bon port. Il n’y a aucune comparaison entre notre équipe et celle que le MSM avait présentée en 2019. Sa bane la nek ine ramassé ine vine dire pose candidats sa.
Q : « Sa bane la », comme vous les qualifiez, n’ont peut-être pas de compétences, mais ils ont pas mal de ressources. Ne craignez-vous pas que cela joue en leur faveur ?
Oui, ils ont de l’argent et aussi des appareils d’État qu’ils mettront à leur service. Zot ena osi tout ene l’équipe, ene réseau, ki gramatin tanto zot travay pou donne dimoune larzan, pou convaincre dimoune dans l’opposition. Tou dimoune koné ki vitesse Judas fer sa travay la.
D’ailleurs, je n’ai aucun doute qu’ils distribueront de l’argent à la veille des élections, comme il le font dans ma circonscription. Grand fami gagne Rs 40 000. Fami moyen gagne Rs 25 000. Ti fami gayn un peu moins. Sa allé kumsa kot moi.
Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’argent. Ni des milliers de postes qui sont à pourvoir dans le service public avant les élections. Mais j’exhorte la population de faire très attention. Il faut voir au-delà de ces gains temporaires. L’avenir de notre pays et de nos enfants est plus que jamais compromis. Il nous faut un nouveau souffle, que ce soit en termes de démocratie, du respect des institutions, et de gestion du pays.
Q : C’est l’appel que vous lancez à la population ?
Tout à fait. Pour y arriver, il faut de la sincérité. Il nous faut aussi être sincères envers nous-mêmes. Pas faire la politique pou rempli pos. C’est ce qui se passe actuellement avec ce gouvernement. Je fais confiance aux leaders du PTr et du MMM. Ils ont l’expérience requise pour changer la destinée du pays. J’ai eu l’occasion de travailler avec Navin Ramgoolam de 2005 à 2010. C’est quelqu’un d’extraordinaire. Mais il faudra aussi aligner de bons candidats compétents qui inspireront confiance et qui travailleront dans l’intérêt du pays. D’autant que la tâche ne sera pas facile. Il faudra consentir à des sacrifices avant de pouvoir remettre le pays sur les rails du développement et du progrès économique.