Par Zahirah RADHA
Que faut-il retenir de toutes les révélations fracassantes faites par les députés Eshan Juman, Shakeel Mohamed et du leader de l’Opposition Xavier Luc Duval sur l’état des choses dans les hôpitaux publics ? La situation, à y voir de près, est encore plus chaotique qu’on ne le pensait. D’ailleurs, même un rapport d’audit, réalisé par des fonctionnaires en juillet 2023, en a fait état. Non seulement sur les lalos ou margoze périmés, les brèdes-songes conservés pendant six jours, ou le ‘canjee’ préparé avec des restes de nourriture et ensuite servi aux patients, mais aussi sur le manque de personnel au niveau de la gestion et de la supervision, des manquements par rapport à la transparence et la redevabilité, de possibles détournements de fonds et de collusions entre certains employés de la Santé et des fournisseurs, ainsi que l’insalubrité et même de manque de sécurité dans certains cas. « Metal bed with protruding metal pipes was found in the ortho ward as shown in picture below [ndlr : la photo est publiée]. The above medical bed represents a hazard of impalement (ndlr : objet pointu qui s’enfonce à travers le corps) due to its non-protected edge of the pipe », souligne le rapport.
Et qu’en dit le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal ? Qu’il s’agit d’un complot de l’opposition pour leurrer la population. Qu’il y a eu du planting de cans rouillés de pommes d’amour dans le warehouse de l’hôpital Jeetoo. Que les repas servis sont de qualité cinq étoiles. Ou encore que son ministère ne dispose pas de personnel pouvant superviser la gestion des hôpitaux tous les jours. Le ministre de la Santé a été carrément pathétique dans ses explications, se contredisant par moments et se ridiculisant à d’autres. Il est dans le déni, refusant de voir la réalité en face alors qu’il lui aurait été plus sage de concéder qu’il y a des failles dans le système et qu’il s’attèle à les rectifier. Mais non, il a tenté de faire avaler une grosse couleuvre à la population. Or, celle-ci n’aime pas qu’on la mène en bateau. Surtout lorsqu’il s’agit de sa santé. D’autant qu’elle peut distinctivement faire la différence entre la vérité et la transparence et le mensonge et la dénégation. Raison pour laquelle Kailesh Jagutpal ne passe pas le test de crédibilité. D’ailleurs n’a-t-il pas été pris à contre-pied par des hommes religieux dans le sillage de cette même affaire ? Ces derniers ont vite rappelé que c’est le ministre de la Santé qui a demandé, à travers le député Ismaël Rawoo, à les rencontrer pour une affaire urgente alors qu’il avait prétendu le contraire.
Ce n’est pas la première fois que le ministre Jagutpal réagit ainsi, en ayant recours aux mensonges. Il l’a aussi fait dans le passé dans l’affaire Mulnupiravir et CPN Distributors Ltd. « Le ministre de la Santé a honteusement menti au Parlement le 10 décembre quand il a prétexté que c’est le 7 décembre que « CPN Distributors Ltd » avait envoyé un « pro forma invoice » au ministère de la Santé pour la fourniture de 999 000 gélules de Molnupiravir, dont la version générique est commercialisée sous le nom de Molcovir, au prix de Rs 79.92/ l’unité. En vérité, son ministère était déjà au courant que cette firme disposait d’un important stock de ce médicament bien avant cette date. Primo, parce que c’est ce même ministère qui avait donné l’autorisation, les 18 et 26 novembre, à « CPN Distributors Ltd » d’importer 200 000 et 800 000 de Molnupiravir. Secundo, parce que le directeur du fabriquant indien ‘Optimus Pharma Private Ltd’, Prashanth Reddy Palakonda avait informé le ministère de la Santé, à travers une correspondance datée du 1er décembre, que son représentant local exclusif était déjà en possession d’un million de ces médicaments. Et tertio, parce que « CPN Distributors Ltd » avait déjà livré 5 000 gélules de Molnupiravir à l’hôpital ENT le 3 décembre. Kailesh Jagutpal ne pouvait pas ignorer ce qui se tramait au sein de son ministère », avions-nous écrit dans notre Éditorial du 19 décembre 2021.
À chaque fois que Kailesh Jagutpal a tenté de leurrer le Parlement et la population, il a été désavoué, preuves à l’appui. Mais il ne semble toujours pas comprendre qu’il lui faut se ressaisir, car aux yeux du public, il passe inévitablement pour un menteur patenté, pour ne pas dire pathologique.
