Bal contrats au ministère des Arts et du Patrimoine culturel: Des appels d’offres lancés un jour pour être clôturés le lendemain

  • Aucune urgence ne justifie ce court délai
  • Visent-ils à favoriser des proches ?

Alors que les critiques sur la mauvaise administration des hôpitaux et du ministère de la Santé se poursuivent, un autre ministère, celui des Arts et du Patrimoine culturel, se retrouve également dans le viseur de certains dénonciateurs. Il nous revient ainsi, selon des informations que nous détenons, qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas tout à fait rond concernant les « procurements » effectués par ce ministère. Le court délai entre la date d’ouverture et la date limite de certains appels d’offres frisent l’incompréhension, d’autant qu’il n’y a aucune urgence apparente. Si certains s’étalent sur quatre ou cinq jours au pis-aller, d’autre ne dépassent, par contre, pas plus d’un jour.

Ainsi, pour la provision de ‘food packs’ végétariens en marge d’une célébration pour rendre hommage à feu Sir Anerood Jugnauth, un appel d’offres a été lancé le 5 avril 2023 tandis que la date limite était le lendemain, soit le 6 avril 2023. Sur les soumissionnaires invités à participer, seul un a répondu présent. Et il a reçu le contrat le même jour, soit le 6 avril 2023 pour une somme de Rs 790 863. « Pourquoi attendre la dernière minute pour lancer un appel d’offres alors que l’organisation d’un événement est généralement connue à l’avance ? Kuma ou kapave expect ene soumissionnaire pou soumet ene cotation dans ene jour seulement ? », s’interroge un interlocuteur habitué aux rouages du « procurement ».

Un autre cas laisse encore plus perplexe. Il s’agit d’un appel d’offres pour la fourniture de sacs en marge du dernier hadj (2023/ 1444). Il a été lancé le 31 mai 2023 pour être clôturé un jour plus tard, soit le 1 juin 2023. Quelle urgence y avait-il ? Aucune à priori. Car l’organisation du hadj est un événement annuel. Ce qui fait que le ministère des Arts dispose d’amplement de temps pour sa préparation. D’ailleurs, les premiers pèlerins mauriciens n’ont quitté le pays que le 13 juin 2023. Seulement deux des cinq soumissionnaires invités à y participer ont répondu favorablement. La valeur de ce contrat est de Rs 567 800.

Mais il y en a plus. Et pour des montants supérieurs dépassant largement la bagatelle d’un million de roupies. À titre d’exemple, pour la provision d’un podium, d’une marquise, d’éclairage, du système de sonorisation et de projection vidéo, un appel d’offres a été lancé le 14 décembre 2022 et clôturé le lendemain, plus précisément le 15 décembre 2022. Un seul soumissionnaire a envoyé une cotation alors que cinq au total avaient été invités à y prendre part. Le contrat s’élevait à Rs 2, 5 millions.

Le 7 mars 2023, sept sociétés ont été appelées à envoyer leurs cotations pour l’installation d’un podium, du flooring et d’un échafaudage métallique pour un contrat d’environ Rs 1, 7 million. Elles disposaient, encore une fois, d’un seul jour pour s’y plier, la date limite étant le 8 mars 2023. Une seule a joué le jeu. Un scénario quasiment identique s’est déroulé le 25 mai 2023. Un contrat de Rs 2, 7 millions a été alloué après qu’un appel d’offres a été lancé pour un jour uniquement.

Cette pratique apparemment courante au ministère des Arts et du Patrimoine culturel n’est pourtant pas conforme aux normes de bonne gouvernance, nous dit une source proche du dossier. La seule exception est lorsqu’une urgence se présente. Or, rien ne semble indiquer qu’il y avait des raisons qui justifiaient un empressement quelconque dans ces cas précis. Seules deux raisons peuvent expliquer ce mécanisme. Soit il y a une incompétence flagrante, résultant d’un manque évident de planification au sein de ce ministère. Soit c’est fait exprès pour favoriser certains soumissionnaires, tout en donnant l’impression que les procédures ont été suivies. La deuxième raison semble plus probable, selon notre source.

« C’est ene moyen pou protège bane ti copains. Zot fini koné ki pou ena tel fonction et ki pou bizin tel kitsoz. Lerla zot fini prépare zot cotation, contrairement à bane lezot ki pas gagne le temps pou avoy ene cotation au pied levé, dan zis ene jour », souligne notre interlocuteur. Est-ce le cas au ministère des Arts et du Patrimoine culturel ?