[Environnement] Adi Teelock : « Il faut envisager des amendes sévères en cas de déversement de fioul »

Deuxième déversement en moins de deux mois : 1000 L de fioul ont été déversés à Terre-Rouge, tout près de l’estuaire. Cela a été causé par un tuyau défectueux, selon les autorités. Cet incident concerne la compagnie ‘Washright Services Ltd’. Après avoir atteint l’estuaire, des traces de fioul ont également été observées en bordure de la rivière près du pont Bruniquel.

L’environnementaliste Adi Teelock nous éclaire sur cet incident survenu le 11 mars 2024, ainsi que sur les risques qu’il comporte pour l’environnement. Selon elle, un déversement de fioul dans la nature a forcément un impact sur la biodiversité terrestre et aquatique, car il s’agit d’un hydrocarbure, très polluant par nature. Elle ajoute qu’il est difficile de se débarrasser du fioul dans un milieu aquatique, comme l’a montré le drame du Wakashio : plus de deux ans après, des restes étaient encore présents dans les sédiments d’une partie de la côte sud-est, même après le nettoyage. « Bien que la nature puisse « neutraliser » une partie des résidus polluants après le nettoyage, la gravité de l’impact dépend de la quantité de fioul déversée, de la durée avant le nettoyage et de la sensibilité du site impacté », dit-elle.

Ce qui est encore plus préoccupant, selon elle, c’est que c’est le deuxième déversement en moins de deux mois dans les environs et dans l’estuaire de Rivulet Terre Rouge lui-même. « Les zones touchées n’ont même pas eu le temps de se remettre qu’un deuxième déversement important survient. Rappelons que cet estuaire est un site Ramsar, une réserve protégée d’importance mondiale en raison de ses 14 espèces d’oiseaux migrateurs réguliers et de ses trois espèces de plantes endémiques. Suite au premier déversement dans le ‘Rivulet Terre Rouge Estuary Bird Sanctuary’, la ‘Marine Biotechnology Products Ltd ‘ a demandé à la ‘Mauritius Wildlife Foundation’ (MWF) de réaliser une étude d’impact sur la faune et la flore. Il est peu probable que le suivi soit terminé dans ce cas, et voici qu’intervient un deuxième cas, impliquant cette fois-ci ‘Washright Services Ltd’ », explique l’environnementaliste.

Selon elle, il semblerait qu’au moins une usine ou installation située près du Rivulet Terre Rouge et dont les drains ou canaux d’évacuation d’effluents ou autres trouvent leur chemin vers le ruisseau n’ait rien appris du dernier cas. « Que se passe-t-il dans ces usines pour que des fuites de fioul si importantes se produisent ? Dans les deux cas, elles appartiennent à deux conglomérats qui devraient être en mesure de veiller au bon fonctionnement de leurs installations afin d’éviter de telles fuites. Il existe dans ces groupes de compagnies et d’autres groupes des responsables de la durabilité dont le rôle est de veiller à ce que ce genre de situation ne se produise pas. Ont-ils mené une vérification des installations après le premier déversement ? Si oui, ont-ils transmis leurs observations à leurs supérieurs ? Sinon, pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Le ministère de l’Environnement assure-t-il un suivi ? », interroge-t-elle.

« Les compagnies opérant avec du fioul dans la zone industrielle de Riche Terre, comme dans toute autre zone industrielle ou ailleurs, doivent s’assurer que leurs installations fonctionnent correctement. Il est inutile de produire des ‘Environmental, Social and Governance (ESG) reports’ flatteurs chaque année si, dans la réalité, la direction et les cadres ne prennent pas les mesures nécessaires pour garantir que le maximum de mesures de protection a été pris et qu’elles fonctionnent. Sinon, ces rapports ne seraient que du ‘greenwashing’. Il faudrait peut-être envisager des amendes plus lourdes dans les cas de déversement de fioul », conclut Adi Teelock.