Nouvelle suspension au Parlement
« I order you out ». On ne compte plus le nombre de fois où le Speaker, Sooroojdev Phokeer, a prononcé ces mots. Les semaines passent et les habitudes du président de l’Assemblée Nationale ne changent pas. Seule la forme diffère, pas le fond, à savoir bâillonner et museler l’opposition. Les membres de l’opposition passent souvent par des moments difficiles, lors desquels ils sont victimes des réprimandes du Speaker de l’Assemblée nationale. Le ton est méprisant et les gestes presque menaçants.
Le dernier membre de l’opposition à avoir été expulsé est le député du Mouvement Militant Mauricien (MMM), Franco Quirin. Le député de la circonscription no. 20 a été suspendu lors de la séance parlementaire du jeudi 8 juin, pour les deux prochaines séances, à moins qu’il ne présente des excuses sincères au Speaker. Cela fait suite à une motion présentée par le Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, à l’Assemblée nationale. Selon le Speaker, il a « disregard the authority of the chair ».
Franco Quirin évoque un sentiment de dégoût face au comportement du Speaker, qui tente de bâillonner et de déstabiliser l’opposition. « Lorsque nous dénonçons les failles du gouvernement, il se montre frileux. On nous demande de voter un budget de Rs 20 milliards pour l’éducation, et rien n’est dit sur l’’Extended Programme’ qui a conduit à un taux d’échec de 96 % des élèves. Il est normal que plusieurs députés abordent ce sujet précis… mais le Speaker les en empêche en prétextant que plusieurs membres de l’opposition en ont déjà parlé. »
Franco Quirin déplore le fait que depuis l’arrivée de Phokeer au poste de Speaker, les parlementaires de l’opposition doivent prêter plus attention quant au choix de leurs mots. « Je continuerai à faire mon travail malgré le comportement indigne de ce Speaker… Comme l’a dit le leader de l’opposition, nous n’avons pas d’ennemis dans l’hémicycle. Cependant, c’est désolant de voir qu’il tente de protéger la majorité gouvernementale. Ils savent qu’ils sont mal préparés pour les prochaines élections législatives. Ils ont beaucoup d’argent et feront tout pour tricher… », martèle Franco Quirin.
Outre Franco Quirin, les foudres de Phokeer se sont également abattues sur Joanna Bérenger. Le 6 juin, à l’Assemblée nationale, elle a été suspendue pour les trois prochaines séances. La motion a été présentée mardi soir par nul autre que le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo, ancien membre du MMM. La fille du leader du MMM a d’abord été expulsée pour avoir glissé un commentaire à Subhasnee Luchmun-Roy, qui la prenait à partie lors de son intervention dans le cadre des débats budgétaires. Quelques instants plus tard, elle devait être “named” par le Speaker pour une raison peu claire. Dans le camp des mauves, on affirme que c’était parce qu’elle prenait trop de temps, selon le goût du Speaker Phokeer, pour ramasser ses affaires et quitter l’hémicycle.
Les critiques fusent de toutes parts…
Jayen, cadre en cybersécurité, est d’avis que le Speaker agit comme un “chien de garde” pour protéger les membres du gouvernement. « Speaker la kumadir li tann zis enn sel kote zorey! » dit le jeune père de famille de 27 ans.
Même son de cloche pour Hossen, commerçant : « Chaque semaine, on se demande sur qui il va s’acharner. C’est presque devenu une habitude à l’Assemblée. Le comble, c’est qu’il ne réalise pas que la population ne l’apprécie pas. »
Mirella, enseignante dans une école primaire de la capitale, parle d’une obsession à tout contrôler de la part du Speaker. « Je suis enseignante, et je vois en Phokeer un vieux enseignant frustré qui veut tout contrôler. Il ressemble à quelqu’un qui est dépassé, et son impartialité me laisse perplexe. C’est un mauvais exemple pour les jeunes en tous cas. Le soir, quand je regarde YouTube ou Facebook pour me détendre un peu, dès que je vois les travaux parlementaires défiler, je zappe ! »
Shaheen, étudiante, et son père Raouf, chauffeur d’autobus, estiment que le Speaker ne fait pas honneur à la démocratie. « Les gens le regarde à la télévision, li ti bizin kone kuma bizin koze ek azir dans enn parlement, li pena considération pour la population, li pren nou pu bann idiot, nou bann zenn pe konpran ki li pe rod fer ek ki li pe fer ek nou democracy », lance la jeune fille.
